Le présent article défend la thèse selon laquelle (i) le participe passé est une forme purement aspectuelle représentant le temps interne du procès sur la borne terminale de sa phase processuelle ; (ii) cette représentation détensive du temps interne, qu’il ne partage avec aucune autre forme verbale, permet de rendre compte des trois principales constructions dans lesquelles entre le participe passé : l’emploi nu, la construction du passif périphrastique, la construction analytique. C’est à l’analyse du rôle du participe passé dans la construction analytique, du fait de son aspect détensif, qu’est consacré le présent article.

Cet article explicite les points de départ théoriques de la réunion d’études empiriques présentée ici. Une première partie oppose « émergence » et « évolution » et précise en quoi l’approche émergentiste peut être stimulante pour aborder des faits d’usage transitoires qui se signalent par leur lien fort avec le discours. Une deuxième partie étudie les termes circulant actuellement dans la terminologie linguistique, et justifie le choix de modalisateur par rapport, notamment, à marqueur discursif. La dernière partie présente les études de cas réunies et formule l’enjeu de la recherche, à la fois sur la diachronie et sur les manières d’aborder la langue.

Discussions of absolute and relative tense often focus on the futur antérieur (FA), which has variously been descibed as a tense, aspect and mood. In order to assess its place in the French verbal system, an analysis of a written media-based corpus was carried out. This revealed that, although relatively rare, FA functions as a tense-aspect with some modal values in a range of publications and a variety of newspaper text types. Furthermore, its use as an epistemic modal and as an equivalent to passé composé (PC), as discussed in recent literature, appears to fulfil a significant function in journalistic writing.

Dans des enchaînements que l'on interprète adversativement, comme L'homme est né libre, et partout il est dans les fers (Rousseau, Du contrat social), le choix de et (plutôt que pourtant ou mais qui marqueraient l'opposition) n'est pas anodin. En conjoignant des prédications contradictoires au moyen de et, on transmet implicitement un genre d’«émotion» (ici une incrimination). Ce jugement de valeur véhiculé implicitement par l'enchaînement de deux énonciations est sans doute un des ressorts de l'expressivité (notion rarement définie) dont la parataxe est réputée être l'auxiliaire. Ces contradictions sont des stratégies raisonnables, dans la mesure où elles visent un implicite que l'allocutaire devra reconstruire lui-même pour surmonter ce qui, en apparence, constitue un paradoxe.

In this article, we present the results of an analysis of variation, whose main objectives are to ascertain the ethnocultural identities speakers declare and to measure the impact of internal, external and identity factors on the use of the connectors of consequence (ça) fait que vs donc vs alors vs so. Our research emphasizes that while there is no consensus as to the terminology chosen to express these identities, it is important to consider ethnocultural identities as a complementary factor conditioning linguistic variation. It also demonstrates that for communities whose linguistic practices and norms straddle those of minority- and majority-French language communities, the minority/majority dichotomy needs to be nuanced, according to the social and ethnocultural identity dynamics that may characterize specific communities.

The article examines the variable distribution of word-final consonant devoicing (=WFCD) among working-class speakers in the Roubaix district, with respect to phonological conditioning and speaker characteristics. WFCD is shown to affect coronals, labials and velars in that order, and to be favoured by pre-pausal position. Among speakers over forty-five WFCD is primarily associated with female speakers, and to a lesser degree with male speakers under thirty. This sociolinguistically unusual distribution of a strongly vernacular variant may plausibly be attributed to language/dialect contact consequent on the immigration of Flemish-speaking textile workers. Such language contact would have tended to reinforce an already existing characteristic of Picard patois rather than introducing a totally new feature as the brief review of other Picard varie-ties would suggest.

Cet article présente une analyse comparative des compétences orthographiques de jeunes adultes français en formation professionnelle, âgés de 15 à 18 ans et présentant de grandes difficultés en orthographes, et d'élèves français tout-venant âgés de 8 à 15 ans. Ces élèves ont été testés sur un des points orthographiques du français les plus difficiles à maitriser: les finales verbales homophones en /E/. L'objectif de cette recherche est de savoir si les jeunes adultes en difficulté orthographique se situent sur des chemins d'apprentissage identiques aux élèves tout-venant, mais avec un retard; ou bien s'ils construisent des procédures différentes de celles des apprentis scripteurs.

While rejecting a claim for the disappearance of distinctive vowel length in historical French as ‘counterfactual’ (Picard, 2004: 3), Picard's own arguments in support of the existence of vowel length do not rise to the level of fact. Picard fails to differentiate between derived versus underlying (hence distinctive) features. Further, his assumptions regarding vowel length from the Middle French period on are ill founded. Regarding the truly minor vocalic contrasts that do exist in Canadian French mid and low vowels, Picard makes several unmotivated assumptions and unsupported assertions that preclude consideration of other, plausible scenarios for their existence. Minor vocalic contrasts such as these, with little to no functional load, can be modeled in phonological grammars without an unnecessary proliferation of phonological categories.

Il s'agit d'une description, en termes de la Theéorie de l'Argumentation de Ducrot, d'un emploi pragmatique de maintenant. En tant que source de contraintes discursives ce connecteur présente pour nous un double intérêt. D'un point de vue descriptif, son étude rejoint celle de la cohésion textuelle; d'un point de vue théorique, il repose la question de la ligne de démarcation entre la sémantique et la pragmatique.

Si l'on examine les études linguistiques et chapitres de grammaires consacrés au subjonctif français, ou des ouvrages généraux qui se réfèrent à ce mode, on découvre fréquemment un même principe qui conditionne l'analyse: une forme linguistique n'a de sens que s'il existe un ‘choix’. Le subjonctif n'aurait donc aucune signification là où il est obligatoire. Nous nous proposons ici, après un bref survol d'auteurs qui s'en inspirent, de soumettre ce principe à la critique, afin de démontrer qu'il recouvre de multiples confusions conceptuelles et entraîne des conséquences inacceptables pour l'explication du subjonctif, la morphosyntaxe et, plus généralement, la démarche du linguiste ainsi que les propriétés universelles postulées pour le langage.

L’objectif de cet article est de déterminer l’impact de la tâche sur la prononciation du FLE, en l’occurrence sur le comportement du schwa. Dans cette perspective sont étudiées les productions de 145 apprenants autrichiens du FLE de niveau débutant à B1 dans la lecture d’une liste de mots et de deux textes, dans une tâche de répétition de mots ainsi que dans un entretien guidé (corpus de 87 heures et 45 minutes). L’étude se concentre sur la production du schwa dans huit mots et constructions : s(e)maine, ch(e)mise, premier, m(on)sieur, tout l(e) temps, tout l(e) monde, appartement et gouvernement. Nos résultats montrent que les 35 heures de parole spontanée ne contiennent que peu ou même pas d’occurrences de ces mots pour la moitié des cas analysés. Bien qu’il s’agisse d’une méthode valable pour l’analyse du système linguistique, il s’avère dans la recherche de la prononciation des apprenants indispensable de la compléter par des tâches d’élicitation. L’élicitation par des formes graphiques présente pourtant l’inconvénient d’influencer la prononciation par la présence visuelle des lettres (sans différence notable entre la liste de mots et les textes). Cette influence ne se limite pas au processus de décodage en temps réel.

Human beings have a genetically-determined capacity to walk, rather than to fly or swim. People can learn to swim, but it is not something that is genetically programmed. Do humans have a genetically-determined capacity to acquire language? Universal Grammar is a theory that assumes that they do. Except in cases of genetic disorder, humans have specialised mental architecture which is uniform across the species in its initial state, and which determines the ways in which samples of language encountered are converted into mental grammars. The specialised architecture is Universal Grammar, and it underlies our capacity to acquire particular languages like English, French, Chinese and so on. Two questions that need to be asked immediately about Universal Grammar if it is to be of any interest in understanding the acquisition of French as a second language are: (i) What evidence is there that Universal Grammar is operating when people who have already acquired a native language learn French as a second language? (ii) What insight does the adoption of a theory of Universal Grammar bring to understanding the processes involved, the course of development over time and the nature of the end state grammars that learners achieve? The article presents empirical evidence from a selection of studies bearing on these questions. It will be argued that the assumption that humans have mental architecture dedicated specifically to language acquisition – Universal Grammar – even in the case of second language acquisition, has allowed considerable progress to be made in understanding second language French.

We follow the trajectory of a change in progress in Québec French. The study is based on interviews with speakers born between 1895 and 1965. The results show an increase in conditional morphology in the si-clauses of hypothetical complexes. After WWII, the conditional becomes the quantitative norm. The analysis of a number of demographic and socio-economic factors reveals that the usage likely originated in the working class male group. Today, use of the conditional is generalised in the community and it is the preferred form for the younger speakers; only the most educated hold on to the old rule.

This is the first Special Issue of the Journal of French Language Studies, which will from now on have one thematic number per year. This issue is devoted to the acquisition of French as a second language.

Nous proposons un nouveau modèle psycholinguistique informatique du français. Le modèle, intitulé FN5, porte sur la reconnaissance de mots parlés, présentés en isolé (déterminant, adjectif antéposé, substantif) ou en suites de deux mots (déterminant et substantif, adjectif antéposé et substantif). Grâce à un lexique de plus de 17 000 mots, à une architecture connexionniste localiste, et à des mécanismes développés spécifiquement (processeur de position, groupements de connexions, et point d'isolation), le modèle peut simuler, de manière séquentielle ou simultanée, certains effets propres au mot isolé (fréquence, longueur, homophonie) ou à une suite de mots (coupure lexicale, enchaînement, liaison, effacement du schwa). De plus, le modèle tient compte de certaines différences qui existent entre le français standard et le français de Suisse romande (nombre de voyelles, durée vocalique en fin de mot, et statut du schwa). Nous décrivons ce modèle, présentons son interface graphique, et l'illustrons avec des exemples de simulation.

The article argues that, contrary to a widespread view (e.g. Haiman, 1985; Palmer, 1984), agreement in those languages which exhibit it is not a purely redundant, semantically empty and grammatically predictable phenomenon, but performs several important functions at the level of discourse.

Taking French as the example language, I will argue (section 2.1) that agreement signals the function-argument interpretation to be assigned to pairs of expressions of various kinds; and second, that it may also code anaphorically the high-focus status of particular discourse referents (section 2.2). Section 3 compares certain written errors in agreement marking made by advanced learners of French, with certain other interpretative errors in their reading of French articles - errors based on agreement relations and leading to the mis-assignment of reference to an agreement target or personal pronoun. Finally, section 4 argues that third person personal pronouns should be treated differently from the (essentially predicative) agreement targets discussed in sections 2 and 3, claiming that they do not participate in agreement stricto sensu.

Despite the ample database of research findings on the benefits of Processing Instruction (PI), research thus has primarily made use of offline measures to establish how L2 learners comprehend and process sentences. Using online methodology, such as eye-tracking, allows research to more directly measure implicit knowledge. The sensitivity of these measures requires meticulous design choices to ensure validity and replicability. This study provides an overview of the linguistic and physical design considerations necessary for creating eye-tracking materials in SLA research. The present study demonstrates the application of these design considerations in an eye-tracking study, comparing the changes in processing patterns between two types of instruction: PI and Traditional Instruction (TI) on low intermediate L2 adult learners’ acquisition of the French imperfect aspect. The results of the experimental study show beneficial gains made by L2 learners who received PI on the French imperfect tense, this was seen in both a significant increase in accuracy scores from pre-test to post-test and change in their cognitive processing as shown by eye-movement data. The present study emphasizes the need for future studies to consider methodological reflections and key design principles in eye-tracking research.

Cet article traite d'un tour spécifique au français: la structure concessive avec avoir beau + infinitif (Il aura beau sonner, je ne lui ouvrirai pas (Riegel et alii 1996: 520), à comprendre comme: Il pourra bien sonner/Il pourra sonner autant qu'il veut, je ne lui ouvrirai pas). Nous nous y interrogeons sur la nature du lien syntaxique qui s'instaure, en français moderne, entre les deux membres de cette structure « en diptyque ». Nous commençons par un aperçu critique des descriptions dont la séquence a fait l'objet dans les grammaires du français contemporain; nous tirons ensuite quelques enseignements de l'évolution des emplois entre moyen français et français contemporain. Pour conclure cette étude à caractère préliminaire, nous formulons quelques hypothèses relatives au scénario diachronique de coalescence dans lequel notre structure semble engagée.

This paper examines whether the conceptual distinction made by anglophone philosophers of language between an existential and a universal any holds for the French equivalents of any. It argues that the distinction provides a useful basis for anglophones working towards French, by enabling a correct choice for any to be made from among its various French equivalents. Within the more general perspective of contrastive lexicology, however, the existential-universal distinction proves to be less significant in French than in English. The specific lexical realisations of any in French straddle, like any itself, the existential-universal divide, but with the exception of n'importe qui/quoi/quel(le). The existence of the latter has the effect of displacing the conceptual focus from the existential-universal contrast to nuances within the universal field.

Dans cette contribution, nous nous intéressons à l'origine et au développement de la construction [adverbe de degré + nom]: C'est très théâtre, c'est-à-dire très faux. De nos jours, cette construction se présente comme un puissant outil de recatégorisation contextuelle pour exprimer un rapport de ressemblance basé sur une analogie avec un concept nominal. Sur la base d'une recherche de corpus outillée, nous montrons que la construction-hôte [ADVdegré + ADJ] a pu s'ouvrir à la catégorie nominale à partir d'un petit noyau dur de noms humains, en partie qualitatifs, tirant profit de certaines propriétés structurelles du français de l’époque. Par la suite, la construction s'est diversifiée vers d'autres classes sémantiques (noms inanimés, noms propres, etc.) et a progressivement attiré une gamme plus diversifiée de types lexicaux dans son orbite. Elle n'a cessé de gagner en productivité, tout en réduisant son fonds lexical d'origine à la portion congrue.