Dans l'Europe médiévale aussi bien que dans l'Europe moderne, les classes aisées et privilégiées trouvaient la société rurale étrange, déroutante et d'un primitivisme choquant. Sans doute, un engouement pour une vie simple et pastorale faisait de temps en temps surface, mais crainte, mépris et pitié étaient les sentiments les plus fréquemment exprimés à l'égard des habitants du monde des paysans. La campagne que La Bruyère connaissait, était remplie de « certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu'ils fouillent et qu'ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine, et en effet ils sont des hommes». Plus proche de l'époque contemporaine, Carlo Levi rappelle l'horreur qu'il eut au début de son exil politique à Lucania dans le sud profond de l'Italie, où les paysans eux-mêmes lui disaient : «Nous ne sommes pas des chrétiens, le Christ s'est arrêté à Eboli, nous ne sommes pas des chrétiens, nous ne sommes pas des êtres humains ; on ne nous considère pas comme des hommes mais simplement comme des bêtes… ».