Dans les études publiées jusqu'à présent par le « Bulletin de l'Institut des Sciences Économiques », la conjoncture économique belge a toujours été envisagée comme un tout isolé, sans références systématiques ni suivies avec les événements de l'étranger. Cette méthode de travail a été adoptée à raison de la nécessité de circonscrire le problème à étudier et non par une méconnaissance des liens intimes qui existent entre la conjoncture économique des diverses nations. Le premier but était donc de décrire le mécanisme des cycles économiques en Belgique avec toute la précision possible et de déterminer comment les choses y évoluaient, parallèlement d'ailleurs avec les pays étrangers. Mais pareille attitude ne pouvait être que provisoire, car il est évidemment nécessaire de placer la conjoncture économique belge, plus que la plupart des autres, dans le cadre international; la présente étude est un premier pas dans cette voie.

Les entreprises privées peüvent-elles mettre à profit les travaux des Instituts spécialisés dans l'étude de la conjoncture économique ? A en juger par l'expérience de quelques grandes firmes américaines, qui suivent de très près les indices de Har¬vard pour déterminer leur politique commerciale, il faut répondre affirmativement à cette question.

Le but de la présente étude est de voir comment deux entreprises belges se sont comportées dans les cycles généraux des affaires depuis 1921 et jusqu'à quel point les indices et les prévisions économiques auraient été utilisables pour déterminer ou guider leur politique commerciale. Nous n'avons pu donner qu'un coup de sonde et les données statistiques que les firmes étudiées ont pu nous fournir sont loin d'être suffisantes pour permettre un examen du problème sous tous ses aspects.

Les actions. — Au cours de 1930, la bourse de Bruxelles n'a pas fait meilleure contenance que pendant l'année précédente. Elle a réglé son allure sur celle des marchés étrangers, sans tenir compte du fait qu'elle avait commencé à baisser bien avant les autres. Pendant les premiers mois de 1930, jusqu'en mai, les actions avaient pu se tenir à un niveau à peu près stable; cette fermeté relative correspondait à l'amélioration qui s'était produite ä New-York. Mais bientôt les cours fléchirent de nouveau; le mois d'octobre, en particulier, fut désastreux. Puis, la bourse parvint â une stabilisation, mais à peu près au minimum enregistré.

Dans l'étude de la conjoncture économique, telle qu'elle a été entreprise jusqu'ici par l'Institut des Sciences économiques, il n'a pas été question du mouvement des chambres de compensation. Ce fait étonnera sans doute celui qui est familier avec les travaux des instituts étrangers et spécialement avec ceux de la Harvard Economic Society. En effet, cette dernière a toujours attaché une grande importance au mouvement des chambres de compensation et leur a fait une place dans les courbes composant son schéma bien connu des « indices généraux des affaires». Nous nous proposons ici de combler cette lacune en examinant attentivement les statistiques des compensations en Belgique et nous expliquerons en même temps pourquoi nous n'y avons pas eu recours plus tôt.

La crise mondiale qui s'est déclanchée en 1929 a eu pour la classe ouvrière les graves conséquences que l'on devait redouter. Partout l'on vit le chômage augmenter; il prit bien vite d'inquiétantes proportions en Amérique comme en Europe, et même en Extrême-Orient: près de 5 millions de chômeurs en Allemagne, 3 millions en Angleterre, 5 millions aux États-Unis, près d'un million au Japon, pour ne citer que les pays où il sévit le plus durement. Aussi la question ne laisse-t-elle pas de préoccuper sérieusement les gouvernements et les économistes. C'est pour l'instant une très lourde charge financière: en Angleterre par exemple, la caisse d'assurances, alimentée par les cotisations des patrons, des ouvriers et de l'État, s'est trouvée dans l'obligation de faire appel à des avances du Trésor dont le maximum fixé d'abord à 40 millions de livres, a dû être élevé à 60 millions. Cette limite est d'ores et déjà apparue insuffisante et le ministère se prépare à demander au Parlement de porter à 70 millions de livres, soit plus de douze milliards de francs, le plafond des avances du Trésor public à ce fonds insatiable. Les Allemands sont logés à la même enseigne. Dans son dernier discours le ministre des Finances a évalué à 3 milliards de marks le budget du chômage de l'année en cours. En Belgique, le Fonds national de Crise a eu à sa disposition 52 millions de francs pendant l'exercice 1930. On prévoit 100 millions au budget de 1931. C'est pour l'avenir un point très noir, car il est difficile d'entrevoir une solution à brève échéance.

L'effondrement des bourses de valeurs constitue, indiscutablement, une des manifestations les plus frappantes de la crise actuelle. Les indices des valeurs à revenu variable qui sont publiés pour les principales bourses mondiales, montrent que la réaction a atteint ou dépassé partout 50 % depuis les grands mouvements spéculatifs des années 1928 et 1929.

En ce qui concerne notre Bourse de Bruxelles, la réaction atteint, au plus bas, les niveaux de 63 % depuis mai 1928 pour les principales valeurs cotées au marché du comptant et 70 % pour les valeurs spéculatives. A New-York, à Londres et à Paris, les baisses ont atteint respectivement: 63 % — 49,5 % — 45 %. A Berlin, avant la panique financière on avait baissé de 59 %.

L'étude que nous présentons se limitera à un bref examen des taux de capitalisation et montrera la nécessité d'une politique et d'une direction du marché des rentes en Belgique.

Un examen des marchés financiers des divers pays nous a amené à faire une constatation frappante quant à la dispersion des taux monétaires: on remarque dans certains pays, comme la France, la Hollande, la Suisse, l'Angleterre, les États-Unis, qu'il existe un écart modéré entre les différents taux d'intérêt, et que, par contre, dans d'autres pays, en Belgique notamment, il existe une très grande dispersion de ces divers taux. Nous nous bornerons à une comparaison entre la France et la Belgique qui, par de nombreux côtés, présentent des situations assez semblables.

Avant la guerre le système de production et de distribution de l'électricité en Belgique était caractérisé par l'existence d'un nombre fort élevé de -sociétés travaillant en ordre dispersé ou d'une façon même anarchique. Leur puissance installée était relativement limitée et ne permettait guère une électrification rationnelle du pays; à cette époque une usine d'une puissance installée de 5.000 Kw était déjà une grosse centrale. De ce chef, en 1913 l'électrification était encore tout à fait insuffisante. De vastes régions n'étaient point desservies, telles que les deux Flandres presque entièrement, le nord, le centre et l'est de la province d'Anvers, le Limbourg, une grande partie de la province de Liège, à peu près tout le Luxembourg, la province de Namur et enfin une partie du Brabant et du Hainaut. Mais bien que seulement une petite partie du territoire, fût électrifiée, le nombre d'entreprises de production et de distribution était au moins aussi élevé qu'aujourd'hui.

Parmi les principaux phénomènes économiques dont l'évolution caractérise quantitativement la conjoncture, la production constitue un élément de toute première valeur. L'élaboration d'un indice de la production nationale nécessite toutefois une documentation assez vaste; l'insuffisance de statistiques officielles et souvent leur défaut d'homogénéité constituent une très grave lacune que nous nous proposons de combler dans la mesure du possible.

Le recul général de l'activité économique et la baisse des prix sur tous les marchés, qui avaient caractérisé le deuxième trimestre de 1930, se sont poursuivis au cours de ces derniers mois. Sauf quelques exceptions, la récession, tout en restant nette, a eu lieu d'une manière moins rapide qu'à la fin du printemps et au début de l'hiver; le mouvement a notamment été freiné en septembre et en octobre, quoiqu'un certain énervement au sujet de la situation politique ait troublé quelques marchés, plus à l'étranger qu'en Belgique d'ailleurs. Nous avons conclu notre dernière chronique en disant que, dans de nombreux domaines, le statu quo de la stagnation semblait devoir être précédé par un ralentissement de la récession. Notre tâche principale, particulièrement délicate, sera d'examiner si l'on peut espérer atteindre ce palier dans un avenir rapproché.

En exposant l'évolution de la législation sociale pendant l'année 1929 (1), nous signalions spécialement l'importance des projets de loi d'ordre social qui seraient soumis prochainement au vote du Parlement. Les Chambres législatives ont eu, à ce point de vue, d'importantes réformes à réaliser pendant l'année 1930, et des parties considérables de notre législation sociale ont fait l'objet d'une révision complète.

C'est le cas, tout d'abord, de la législation sur l'assurance en vue de la vieillesse et du décès prématuré. Cette matière était réglée, jusqu'à présent, par trois lois: une loi générale du 10 décembre 1924, et deux lois visant des catégories spéciales de travailleurs: les mineurs bénéficiant de la loi du 30 décembre 1924, et les employés, de la loi du 10 mars 1925. Cette dernière loi, qui avait soulevé de vives critiques dès sa promulgation, n'a d'ailleurs jamais été appliquée, et seul le régime provisoire qu'elle prévoyait a été successivement prorogé jusqu'à la fin de l'année 1931.

Les statistiques officielles, telles qu'elles sont publiées depuis la guerre, nous livrent tous les mois des indications précieuses concernant les mouvements généraux des prix de gros, des prix de détail et du coût de la vie. Mais, s'il entre dans le rôle des pouvoirs publics de fournir ces éléments généraux d'appréciation, l'analyse des prix et, par conséquent, des indices, en vue d'y découvrir l'influence des forces économiques spéciales, rentre plutôt dans le cadre des instituts de recherche scientifique. C'est la raison pour laquelle nous avons entrepris cette étude; nous tenons d'ailleurs à remercier ici le Ministère de l'Industrie, du Travail et de la Prévoyance Sociale, qui a fort obligeamment mis ses relevés de prix à notre disposition.

Par suite d'un arrangement que nous venons de conclure avec le London and Cambridge Economic Service nous sommes heureux de pouvoir présenter trimestriellement a nos lecteurs un aperçu de la conjoncture économique des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Pour les États-Unis ce service nous transmet le cablogramme qu'il reçoit réguliérement de la Harvard Economic Society. Pour la Grande-Bretagne, il nous transmet le résumé de la situation qu'il rédige a l'intention des divers instituts avec lesquels il, a organisé des échanges de renseignements; en retour, un résumé de nos conclusions parait dans le «Special quarterly survey» du London and Cambridge Economic Service.

Depuis le moment où nous avons rédigé notre dernière chronique trimestrielle, une panique financière, dont l'intensité peut se comparer aux plus fortes que l'histoire ait enregistrées, s'est abattue sur l'Europe Centrale; elle a été la source de nervosité dans la plupart des pays et elle a déjà eu des répercussions fâcheuses dans certains d'entre ceux-ci. L'enrayage de tous les rouages financiers au milieu d'une dépression très intense ne peut manquer d'exercer encore pendant longtemps une influence déprimante sur la conjoncture économique des pays atteints par la tourmente. Mais quelles doivent en être les répercussions sur les autres groupements économiques ? Telle est la question que nous ne pouvons pas perdre de vue en exa¬minant aujourd'hui la situation de la Belgique et elle se pose comme suit.

La tâche de celui qui analyse l'activité économique au moment où les premières statistiques du printemps sont disponibles est particulièrement malaisée. C'est, en effet, à ce moment, que se dessine un mouvement saisonnier de reprise plus généralisé, sinon plus fort qu'à tout autre moment de l'année; son intensité même et la date à laquelle il se produit diffèrent selon les rigueurs de l'hiver et le temps qu'il fait au mois de mars. Au moment où l'on se trouve en pleine période de stagnation, il faut faire grande attention de ne point se méprendre sur la signification des mouvements constatés. En l'occurence, nous devrons nous attacher spécialement à examiner ce qui s'est passé depuis novembre 1930, date vers laquelle l'économie belge est passée du stade de la récession à celui de la dépression; c'est le point de repère le plus éloigné que nous puissions choisir pour apprécier le sens des mouvements en cours.

On ne s'étonnera pas que les chiffres de notre commerce extérieur en 1930 accusent un recul général. Le marasme, qui règne dans les affaires, nous a suffisamment préparés à des nouvelles pessimistes. Nous examinerons cependant si la réalité répond à cette impression et s'il y a lieu de s'alarmer.

Prenons donc connaissance des statistiques officielles, et tout d'abord de celles, qui ont trait à la valeur globale de nos importations et de nos exportations en 1930.

Au cours de l'année qui vient de finir, le malaise qui se faisait déjà sentir dans différentes branches de l'agriculture pendant l'année 1929 s'est encore accentué, au point qu'un nombre considérable de cultivateurs ont travaillé à perte. Ce fut le cas principalement de ceux pour lesquels les cultures industrielles, la production chevaline et les cultures de céréales forment la partie la plus importante de l'exploitation agricole.

Le mouvement de reprise des affaires, qui avait commencé au cours du deuxième trimestre de cette année, a été enrayé par la crise financière européenne, et, en juillet, l'activité est retombée à un nouveau minimum. On ne peut encore savoir si l'amélioration saisonnière d'automne sera supérieure ou inférieure à la normale. Nous estimons, en effet, que cela dépendra en ordre principal de la situation européenne. Si celle-ci s'améliore, il faut s'attendre aux États-Unis, à une reprise saisonnière, qui sera voisine de son ampleur habituelle, ou même la dépassera. Mais si l'incertitude financière persiste en Europe, elle empêchera la reprise des affaires aux États-Unis et la dépression en sera prolongée. Dans l'état actuel des choses, la situation reste obscure à cause de la répercussion qu'auront, dans un avenir immédiat, des événement européens que nous ne pouvons pas prévoir.

La réduction du taux d'escompte est intervenue à un moment où l'argent est extrêmement abondant, ce qui aura comme résultat de fortifier les changes étrangers et d'orienter les capitaux vers les placements à long terme. Les paiements par chèque dans les villes hors de New-York ont connu dans le courant d'avril, pour la première fois depuis onze mois, une augmentation substantielle; on y trouve l'indice d'un arrêt au moins temporaire dans la diminution du volume des affaires. La plupart des indices spéciaux, et notamment ceux des ventes dans les magasins à succursales, de la production industrielle et des wagons chargés, viennent confirmer, avec les paiements par chèque, une reprise bien marquée dans le volume des affaires. Il faut citer comme facteurs de découragement une nouvelle chute des valeurs boursières et une régression dans lés contrats de l'industrie du bâtiment, malgré le mouvement saison¬nier favorable. Si ces facteurs exercent un certain freinage sur l'activité commerciale, les statistiques courantes indiquent, d'autre part, qu'ils n'ont pas produit un recul général, et il est probable que les mois à venir seront caractérisés par une continuation du mouvement d'accroissement des affaires.