Ce texte se propose d’étudier le rôle de l’imitation dans le fonctionnement des marchés financiers. Si la présence de tels comportements n’a paséchappé à certains analystes des vagues spéculatives, sa théorisation reste, quant à elle, parfaitement marginale dans la pensée économique. Ce rejet a des racines profondes; il est consubstantiel aux présupposés de cette discipline. Effectivement l’hypothèse mimétique met en scène un sujet marchand aux antipodes de l’homo œconomicus des manuels: il est indécis, influençable, perpétuellement soumis aux rumeurs qui circulent, à l’emprise du regard des autres. Cette analyse place alors, au centre de ses préccupations, les dynamiques de contagion, d’influence réciproque, autrement dit les phénomènes de foule. Or, comme l’indique J.P. DUPUY, « l’économie se présente comme la négation de la foule: l’économie se dresse tout entière contre la foule, c’est le retour de la foule qu’elle se donne pour mission à tout prix d’empêcher ». Car, pour la théorie utilitariste, la rationalité de l’ordre marchand, son efficacité s’identifient à l’individualité calculatrice.