Maine de Biran passe à raison pour avoir rénové l'empirisme. Mais il semble qu'on n'ait pas toujours aperçu à quelle distance il a porté de son origine la méthode issue de Locke et de Condillac. Nous voudrions montrer ici comment il a pu infléchir la tradition empiriste dans un sens complètement opposé aux doctrines de ses fondateurs, comment il en a pu tirer une anthropologie tout à fait nouvelle, où l'homme n'apparaissait plus comme un élément de la nature, non plus d'ailleurs que de la pensée, mais comme le principe absolu de tout ce qui est susceptible d'exister pour lui. Nous laisserons de côté le problème purement historique qu'a pu poser l'évolution personnelle de l'auteur par rapport à sa propre philosophic, et qui s'est notamment manifesté par l'abandon de la morale stoïcienne dans la dernière période de sa vie, de même que par la conversion tardive à certaines thèses, platoniciennes et substantialistes, sur la nature du moi. Ce qui sera examiné, c'est le biranisme tel qu'il fut, tel qu'il commença de se constituer, aux alentours de 1799, avec le premier Mémoire sur l'habitude.