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Deux lettres inédites de Simone Weil

Published online by Cambridge University Press:  09 June 2010

P. Guillerme
Affiliation:
Paris

Abstract

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Type
Notes—Discussion
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 1973

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References

1 Pp. 33–34. L'ouvrage est précédé d'une introduction due à Mme A. Thévenen.

2 Cf. une lettre de Marcel Moré à Jacques Lafitte, datée du 31 janvier 1930 : «Je crois que vous pourriez profiter d'une manifestation comme celle du 25 mars pour (…). Il serait bon, dans cette Conférence, que vous fassiez ressortir (…) ce qu'il y a de révolutionnaire dans vos idées …». M. Moré fut l'un des rares intellectuels à entrevoir l'originalité de la pensée de Lafitte; il eut le mérite de lui consacrer deux articles, respectivement dans Politique (mai 1933, pp. 266–71) et dans les Cahiers du sud (janvier 1936, pp. 30–50). Il avait animé un « groupe d'etudes marxistes » parmi les amis d'Esprit (Cf. Mounier, , Entretiens, VIII, 16 mai 1934, in Mounier et sa génération, Paris, 1956, p. 142)Google Scholar.

3 On sait qu'il s'agit d'une expression péjorative chère à Henry Ford. Cf. G. Friedmann, La crise du progrès, Paris, 1936, p. 99. — La défiance de Ford est, en quelque manière, partagée par Lafitte :« Il est facile de parler des machines et du machinisme — quelques revues techniques, une bonne documentation sur l'industrie américaine et l'homme de lettres et l'écrivain peuvent y aller. Mais il est dur, beaucoup plus dur de les connaître et d'en parler en connaissance de cause. Cela exige une technique d'observation, une application longue et pénible qui ne se peut faire qu'en exerçant la profession d'ingénieur … » (Note du 22 décembre 1932). Mais Lafitte et Weil pouvaient évidemment se prendre au sérieux.

4 « Allons-nous vers la révolution prolétarienne? », La Révolution prolétarienne, 25 août 1933, p. 314.

5 Cf. cette confidence de S. Weil à Auguste Detoeuf : «J'ai toujours eu, au contraire, un vif penchant pour le travail manuel (quoique je ne sois pas douée à cet égard, c'est vrai) et notamment pour les tâches les plus pénibles », La condition ouvrière, p. 182. Ainsi que des passages d'un article intitulé « Expérience de la vie d'usine», écrit à Marseille, en 1941, qui fut publié dans Économie et humanisme sous le pseudonyme de Émile Novis : « L'usine pourrait combler l'âme (…). Tous les bruits ont un sens, tous sont rythmés, ils se fondent dans une espèce de grande respiration du travail en commun à laquelle il est enivrant d'avoir part (…). Il n'y a que des bruits métalliques, des roues qui tournent, des morsures sur le métal; des bruits qui ne parlent pas de nature ni de vie, mais de l'activité sérieuse, soutenue, ininterrompue de l'homme sur les choses (…). Les courroies de transmission, là où il y en a, permettent de boire par les yeux cette unité de rythme que tout le corps ressent par les bruits et par la légère vibration de toutes choses (…). Tous les sens participent à un univers (…) où tout est heurt, heurt dur et en même temps conquérant, de l'homme avec la matière», Op. cit., p. 242. On ne peut manquer d'être frappé par la manifestation d'un érotisme diffus que le déplacement vers des sources impersonnelles rend avouable. La fixation érotique est encore plus manifeste dans un texte un peu antérieur de Maurice Timon publié dans les Cahiers de littérature prolétarienne : « Ma machine? Je l'aimais. Constamment je la nettoyais, j'enlevais les copeaux, je vérifiais le graissage, je contrôlais le jeu des verniers. Alors que ma fraiseuse était au travail, j'aimais m'accouder sur la table; les vibrations qu'elle me transmettait avaient leur écho au plus intime de moimême. De voir les copeaux, brunis et bleuis malgré l'arrosage, jaillir sous la fraise m'envahissait d'une joie puissante (…) ma machine et moi ne faisions plus qu'un»; Supplément à Esprit, 1er juillet 1936; p. 555. Cf. également, ce témoignage de F. Plantania : « Tous les ouvriers qui ont travaillé pendant des années sur une même machine (…) la personnalisent car c'est une chose qui vit avec eux. Et alors ils lui parlent, ils discutent avec elle et même la caressent», Les Temps modernes, août-septembre 1971, p. 137. Il est évident que cette identification de la machine à un quasi-sujet est tout à la fois un cas extrême et une attitude affective qui affaiblit la conscience de rapports de dépendance dans la production. Pour l'expression d'attitudes contraires, cf. M. Delbrel, « Diversité et unité », Esprit, juillet-août 1951, pp. 54–65.

6 Ms. d'un texte intitulé Machines et techniques, p. 1.

7 Loc. cit., p. 121.

8 Ibid., p. 27.

9 Cf. ce passage d'un manuscrit de Lafitte, intitulé Techniques et techniciens, daté de février 1936 :« à la conception technocratique, hiérarchique et dirigée, il apparaît concevable et possible de substituer lentement la conception d'une organisation technomorphique (…) plus humaine. Dans un ensemble librement fonctionnant, l'interdépendance des hommes, l'interdépendance des fonctions sociales s'affirmeraient dans la règle technique » (p. 8). Ce manuscrit a-t-il rapport à la conférence que devait donner peu après Lafitte? Il est difficile de s'en assurer, d'autant que n'y figure point le thème que rappellera S. Weil dans sa correspondance. Mais la citation montre à l'évidence que Lafitte entend subsumer la division sociale du travail sous les catégories de sa division technique; S. Weil, au demeurant, paraît prête à entrer (provisoirement ?) dans le jeu.

10 « La rationalisation », in La condition ouvrière, pp. 218–19, passim.

11 Lipmann, O., « La part de l'homme dans la production », in Journal de psychologie, 15 janvier 1928, p. 27Google Scholar.

12 Selon Lipmann,« même les travaux qui, pour un ouvrier, seront expressément monotones, ne sont pas encore pour cela désagréables pour lui. Beaucoup d'ouvriers préfèrent des travaux uniformes, précisément parce qu'ils ne le forcent pas à penser au travail …» Ibid. Cf. dans ce sens, un témoignage récent de L. Parlanti de Lotta continua, reproduit dans Les Temps modernes : « à quoi bon faire des rotations, passer par tant de postes différents qui ne nous apprennent rien? C'est de la fatigue supplémentaire, c'est tout. Parce que, quand tu restes toujours au même poste, avec la pratique, tu t'adaptes à la cadence, tu sais comment gagner du temps, comment reprendre ton souffle (…). Avant d'avoir pris le tour de main dans ton nouveau travail, tu perds ce que tu as gagné avec ta (…) qualification» (août-septembre 1971, pp. 133–34). Dans son Journal d'usine, Simone Weil avait également noté, à plusieurs reprises, les difficultés qu'elle éprouva en raison de changements de poste trop fréquents.

13 Il y dénonce en 1933, dans le prospectus d'Esprit, les « économies qui s'épuisent pour adapter l'homme à la machine». Mounier et sa génération, op. cit., p. 82.

14 Dans La nouvelle revue française du 1er décembre 1932, cf. notamment les interventions de P. Lamour qui dénonce l'incommodité de la vie physique et le caractère inhumain du travail; celle de T. Maulnier qui stigmatise «la religion dégradante de la production et du travail»; et celle de A. Dandieu et C. Chevalley qui insistent sur le « néant de la vie quotidienne et de l'application professionnelle telles qu'elles sont comprises dans une civilisation matérialiste » (pp. 814, 818 et 822).

15 La technique industrielle, p. 8 — Dans l'introduction de cet ouvrage qui répète des leçons données à la Fondation libre des sciences politiques, l'auteur expose des idées qui semblent assez proches de conceptions propres à Lafitte: « L'humanité se transforme peu à peu en une immense machine aux rouages rigoureusement enchaînés (…). La réalisation intégrale du machinisme, encore aussi problématique que lointaine tendrait (…) a supprimer le capital (…) pour ne plus laisser subsister que des organes inertes et un cerveau constructeur de plan … » (p. 9). On voit pointer en ces mots le désir encore confus des techniciens de s'approprier les leviers du pouvoir économique qui s'affirmera plus nettement quelque vingt ans plus tard au détriment de la masse mal informée des actionnaires.

16 E. Antonelli, « Des raisons de la lutte pour la semaine de quarante heures», Politique, janvier 1933, p. 28. Cf. également, le rapport de la Conférence nationale extraordinaire de la C.G.T.: «le progrès scientifique et technique ne saurait être limité dans son développement; de ce fait, il doit provoquer un ordre économique assurant pour l'ensemble des travailleurs un bénéfice matériel et moral … », Ibid., p. 27.

17 Cf. XXX., « L'idéologie technocratique et le teilhardisme », Les Temps modernes, août 1966, pp. 256 sq. — Notons, incidemment, que Lafitte a publié, dans la revue belge Industrie, en février 1963, un article sur « Teilhard de Chardin et le machinisme ».

18 Note ms, du 9 février 1934, p. 2.

19 Ibid. et note ms. du 17 août 1934, p. 1.

20 Ref. 18, p. 1.

21 Réflexions …, op. cit., p. 68.

22 « Question: peut-on créer des machines automatiques souples? Pourquoi pas? Idéal : 1. Qu'il n'y ait autorité que de l'homme sur la chose et non de l'homme sur l'homme. 2. Que tout ce qui, dans le travail, ne constitue pas la traduction d'une pensée en acte soit confié à la chose … », La condition ouvrière, p. 114.

23 « Contrairement à ce que nous avons cru pendant si longtemps, l'ouvrier de la chaîne de montage automobile est loin d'être un modèle de travail humain. Il est comme un modèle déjà périmé d'un travail de machine mécanique et non humain », écrivait P. F. Drucker dans La pratique de la direction des entreprises (trad, fr., Paris, 1957, p. 289) où il préconise, sous le nom d'intégration une composition du travail industriel qui soit de nature à « utiliser les propriétés spécifiques de l'être humain ».