Dès le XIIIe siècle, par les portes largement ouvertes de la ville, affluent à Sienne les premières vagues de miséreux des campagnes. Leur lopin de terre perdu, ils viennent en ville chercher de nouveaux maîtres et de nouveaux moyens d'existence. Sienne, qui développe son activité industrielle, a besoin de ces bras sans emploi, de ces gens sans aucune spécialisation, venus travailler en ville à n'importe quelles conditions. Même ceux qui restaient attachés à leur terre, dans le « Comté », percevaient la pulsation plus forte de la ville : les agents recruteurs des compagnies drapières venaient chez eux embaucher la main-d'œuvre, et ils la trouvaient parmi les paysans, et surtout les paysannes, lesquelles assuraient le travail du filage. Le capitalisme naissait, et l'Italie en fut le pionnier. Karl Marx l'a bien dit, en une formule laconique et expressive : « En Italie, où le système de production capitaliste s'est développé avant le reste, le servage s'est détérioré en premier lieu. Le serf s'y est émancipé avant d'avoir eu le temps de s'assurer un quelconque droit de prescription sur le sol, et pour cette raison sa libération le transformait immédiatement en prolétaire non protégé par la loi, qui, par surcroît, trouvait immédiatement de nouveaux maîtres dans les villes. » Formule nullement abstraite. Marx la déduit d'une étude approfondie de l'histoire italienne. Un manuscrit inédit, conservé à Moscou et qu'il m'a été donné d'étudier il y a quelques années, témoigne de son travail en la matière.