L'année 1951 a été, dans son ensemble, une année de grande prospérité pour la Belgique, bien que quelques signes de ralentissement se soient manifestés au cours de l'automne. Ce mouvement de recul s'est accentué au cours du début de l'année 1952, qui verra sans doute une aggravation des problèmes que notre économie, et par contrecoup nos finances publiques, auront à résoudre.

Le chômage a marqué un accroissement certain, l'augmentation saisonnière ayant été cette année notablement plus forte que la précédente. Pour les deux mois de février et mars, 288.000 chômeurs, complets ou partiels, ont en effet été comptés, contre 194.000 en 1951, soit un accroissement de près de 60 %. Ce sont surtout les industries de biens de consommation, et principalement les industries textiles, du vêtement et du cuir, qui ont été atteintes. La vente au détail marque ainsi un certain ralentissement, alors que la bourse fait montre de lourdeur, suivant en cela l'exemple des grands marchés internationaux. Dans l'ensemble du monde, d'ailleurs, les prix de très nombreuses matières premières sont en baisse ou donnent des signes de faiblesse, et, malgré les besoins toujours aussi importants des industries d'armement, l'approvisionnement des consommateurs civils semble plus aisé.

Le développement de la production industrielle et des transactions s'est opéré jusqu'en mars dans le cadre d'une hausse soutenue des matières premières et des prix de gros. Parallèlement s'accroissait le besoin de liquidités nécessaires au règlement des transactions et la tendance à recourir au crédit pour se les procurer. L,a politique monétaire devait assurer un contrôle sérieux de cette expansion du crédit. Celle-ci pouvait, en effet, accélérer la montée des prix et, par la suite, laisser l'économie en présence d'une abondance monétaire excessive qui eût empêché le retour des prix à un niveau raisonnable alors même que les facteurs de hausse disparaissaient.

Notre réglementation bancaire et, notamment, les dispositions imposant le maintien de coefficients de couverture très élevés, limite sérieusement la faculté laissée aux banques de créer de la monnaie.

L'année 1951 se révèle pleine d'enseignements sur le plan social pour ceux qui veulent prendre la peine de la scruter attentivement. I,e sociologue, l'économiste, l'homme politique auront été frappés surtout par les deux graves poussées de revendications qui l'ont marquée, à l'arrivée du printemps et puis au début de l'automne, ainsi que par la façon dont ces deux crises ont été dénouées. Le juriste, et spécialement celui qui se soucie de l'avenir du droit social, aura sans doute relevé avant toute autre chose l'importance accrue des « décisions » prises par des groupements et organismes qui, au regard des structures juridiques traditionnelles, sont étrangers à la fonction législative.

Durant les six premiers mois de l'année 1950, l'industrie charbonnière belge avait dû faire face au problème de l'écoulement de sa production et de ses stocks. Ce problème était d'ailleurs partiellement et intimement lié au coût élevé du charbon belge qui rendait l'exportation de celui-ci difficile. Malgré des diminutions de prix sur les marchés d'exportations et la régression des effectifs ouvriers résultant de la suspension, depuis le début de l'année 1949, du recrutement de la main-d'œuvre étrangère, les stocks de houille s'accroissaient rapidement ce qui eut pour conséquence l'instauration, en mai 1950, d'un chômage partiel dans les bassins de Campine et du Borinage.

En 1951 la sidérurgie belge a dépassé, et de très loin, tous ses records antérieurs de production. Pour la première fois sans doute au cours de ce siècle, l'activité a été intense tout au cours de l'année; même la période des congés payés n'a pas été marquée par un ralentissement sensible. Il est bien rare que les périodes où le marché a été vraiment bien disposé coïncident avec une année-calendrier. En général, lorsque l'activité est particulièrement bonne pendant douze à dix-huit mois, ce sommet chevauche sur deux exercices, ce n'a pas été le cas cette fois.

L'industrie textile a atteint en 1951 dans tous les domaines, sauf celui de la laine, des niveaux de production qui constituent des records. Par rapport à 1949, les indices de production se situent en filature, à 135 pour le coton, 102 pour la laine, 164 pour le lin et 144 pour le jute. En tissage, les indices atteignent respectivement 133 pour le coton, 117 pour la laine, 161 pour le lin et 144 pour le jute. Toutefois, le rythme de production n'a pas été uniforme; après une période de très forte activité au cours du premier trimestre, un fléchissement progressif est apparu qui s'est plus accentué durant le troisième trimestre. Si l'on envisage l'activité globale de l'industrie textile par rapport aux années 1937-1938, le premier trimestre se situe à l'indice 128, le second à l'indice 118, le troisième à l'indice 94 et le quatrième à l'indice 100. Comme d'habitude, le recul fut plus sensible pour les produits finis.

La production d'énergie est en relation directe avec le niveau d'activité du pays. Aussi, une augmentation nette est-elle apparue depuis que les événements de Corée et les perspectives de réarmement ont donné une impulsion nouvelle à l'économie.

Dans le secteur de l'électricité, si l'on élimine la variation saisonnière, il ressort clairement que le volume total d'énergie électrique absorbée par les réseaux a pris un nouvel essor à partir de septembre 1950 et qu'un rythme d'accroissement rapide s'est maintenu jusqu'en octobre 1951, pour fléchir toutefois au cours des trois derniers mois de l'année.

Prise dans son ensemble, la situation économique de l'agriculture belge'a évolué de façon plus normale en 1951 qu'au cours de l'année 1950. Si les rendements n'ont pas dépassé la moyenne, les prix ont évolué favorablement sous la pression de la conjoncture internationale et grâce à un certain nombre de mesures prises sur le plan national. Toutefois, certains éléments des coûts de production, notamment les aliments pour le bétail, se sont élevés beaucoup plus rapidement que d'autres, de sorte que l'écart entre l'index des coûts de la production et celui des prix de vente s'est légèrement accentué, montrant ainsi que certaines spéculations ont été défavorisées.

L'économie mondiale a continué en 1951 a être fortement influencée par les hostilités en Corée, déclenchées à la fin de juin de l'année précédente. Mais cette influence s'est exercée surtout à travers les réactions qui se sont manifestées aux Etats-Unis.

Les six à neuf premiers mois de guerre en Corée, des programmes d'armement ambitieux ont été élaborés aux Etats-Unis, provoquant des réactions spéculatives très violentes dans le domaine des matières premières, et cela d'autant plus que le gouvernement américain procédait à des achats massifs en vue de la constitution de stocks stratégiques.

1. L'opinion-publique et parlementaire continue à se montrer spécialement chatouilleuse en ce qui concerne le mouvement des prix. Elle semble considérer que la stabilité constitue un objectif à atteindre par tous les moyens. Ceci est assez curieux dans un pays comme la Belgique, qui au cours du premier après-guerre est passé de l'index 100 à 700, et du second après-guerre, de 100 à 400. Et cela n'a empê ché ni le redressement économique après les deux guerres, ni l'élévation du niveau de vie, pas plus que le progrès des salaires réels. Nous devrions avoir l'habitude de telles variations, au lieu de les considérer comme des choses anormales et calamiteuses.