La critique historique au XIXe s., surtout en Allemagne, perdit progressivement tout respect pour les données géographiques et chronologiques de l'évangile selon saint Jean. D. F. Strauss dans son fameux livre ‘Das Leben Jesu’ de 1835–36 pouvait considérer cet évangile comme un développement du mythe déjà présent chez les synoptiques, et cela dans un but apologétique et dogmatique. B. Bauer voyait en 1840 en l'auteur de notre évangile essentiellement un artiste, libre de créer de toutes pièces. F. C. Bauer, l'influent hégélien qui donna naissance à ce que l'on appelle ‘l'école de Tubingue’, fixa en 1847 une date tardive pour l'évangile de Jean, dans la seconde moitié du IIe s., et le voyait entièrement dominé par une idée centrale sur Jésus, le combat entre la lumière et les ténèbres. La critique de Jean sous cette forme extrême perdit tout crédit le jour où l'on découvrit un fragment datant selon l'expertise d'environ l'an 130. Mais déjà E. Renan en 1863 dans ‘La Vie de Jésus’, sensibilisé par ses voyages en Palestine, se montrait moins sceptique que Strauss à l'égard d'au moins certaines données géographiques et chronologiques de Jean. Les oeuvres récentes (s'il est permis de s'en tenir à un rappel aussi schématique et de sauter de nombreux intermédiaries) sont, comme celles du début du XIXe s. ou celles de certains adversaires de Strauss, plus attentives aux informations concrètes que nous fournit cet évangile spirituel. Même si l'on ne défend plus avec la même netteté qu'autrefois son origine apostolique, on y trouve bien des traits caractéristiques d'une information sérieuse, souvent indépendante des synoptiques, qui semble remonter très haut. Comme arrièrefond on envisage aujourd’hui moins souvent un milieu exclusivement hellénistique qu'un enracinement juif et même nettement palestinien, du moins pour certaines couches des matériaux rassemblés. Quelle que soit l'histoire concrète d'une évolution à l'intérieur de ce qu'on nomme ‘communauté johannique’ ou ‘école johannique’, on admet volontiers que pour bien des indications géographiques et chronologiques cet écrit, qui reflète différents conflits difficiles à saisir, est plus crédible que les synoptiques.