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Published online by Cambridge University Press: 05 February 2009
Le premier paper que j'ai eu l'honneur de présenter à notre Société remonte au meeting de Norwich (1959), il y a vingt-cinq ans. J'y avais cherché à mettre en lumière l'unité de l'ouvrage de Luc, évangile et Actes, en m'appuyant sur les grandes articulations du récit et en y découvrant la même manière d'envisager l'accession des Gentils au salut.1 Mais cet intérêt porté par Luc à la signification théologique de l'appel des Gentils constitue l'autre face d'un problème plus fondamental encore, celui que soulève le rapport entre le peuple d'Israël et l'Eglise chrétienne.2 Ce problème a plus particulièrement retenu mon attention dans l'exposé que j'ai fait, il y a sept ans, au Colloquium Biblicum de Louvain sur les Actes (1977), en prenant comme point de départ la conclusion de ce livre.3 Ici encore, il s'agissait essentiellement de sondages opérés aux articulations majeures de l'ouvrage.
[1] ‘Le salut des Gentils et la signification théologique du Livre des Actes’, NTS 6 (1959–1960) 132–53Google Scholar, reproduit dans Etudes sur les Actes des Apôtres (LeDiv 45) (Paris, 1967) 393–419.Google Scholar Version abrégée dans The Salvation of the Gentiles. Studies in the Acts of the Apostles (New York, 1979) 11–33.Google Scholar
[2] L'attention portée à ce problème depuis quelque temps ressort bien des exposés de Grässer, E., ‘Acta-Forschung seit 1960’, ThR 41 (1976) 141–94, 259–90 (271s., 281, 290); 42 (1977) 1–68 (51–9)Google Scholar, et de Bovon, F., Luc le théologien. Vingt-cinq ans de recherches (1950–1975) (Neuchâtel-Paris, 1978) 342–61.Google Scholar A noter aussi: Bovon, F., ‘Israel, die Kirche und die Völker im lukanischen Doppelwerk’, ThLZ 108 (1983) 403–14.Google Scholar
[3] ‘La conclusion des Actes et son rapport à l'ensemble de l'ouvrage de Luc’, dans Kremer, J. (éd.), Les Actes des Apôtres. Traditions, rédaction, théologie (BEThL 48) (Gembloux-Leuven, 1979) 359–404.Google Scholar
[4] Bovon, F., Luc le théologien, p. 344.Google Scholar
[5] Sanders, J. N., ‘Peter and Paul in the Acts’, NTS 2 (1955–1956) 133–43.CrossRefGoogle Scholar Sur l'hypothèse de cet auteur prise dans son ensemble nous avons réagi dans un autre article: ‘Pierre et Paul dans les Actes’, RB 64 (1957) 35–47Google Scholar, repris dans Etudes, 174–84.Google Scholar
[6] Touché par Sanders à la p. 142 de son article.
[7] ‘ΛΑΟΣ ΈΞ ΈΘΝΩΝ (Act.xv.14)’, NTS 3 (1956–1957) 47–50.Google Scholar Réimpression avec une ‘Note additionnelle’ dans Etudes sur les Actes (n. 1) 361–5. Nous objections à Sanders (1) que le style du v. 14 est très semblable à celui des parties de Lc 1–2 auxquelles l'évangéliste a voulu donner une coloration biblique; (2) que l'expression paradoxale ‘un peuple d‘entre les Nations’ prend toute sa force si on y voit l'écho de la formule biblique désignant Israël comme le peuple que Dieu s'est choisi du milieu des Nations (Ex 19. 5; 23. 22; Dt 7. 6 et surtout 14. 2); (3) que l'opposition établie dans ces passages entre ‘peuple’ et ‘nations’ est propre à la LXX, qui se sépare sur ce point du texte hébreu. Une première mise au point a été proposée tout de suite par Winter, P., ‘Acta 15, 14 und die lukanische Kompositionstechnik’, EvTh 17 (1957) 400–6.Google Scholar Cet auteur observait que le contraste entre ‘peuple’ et ‘nations’ est également présent en Dt 26. 18–19, non seulement dans la LXX mais aussi dans l'hébreu.
[8] Dahl, N. A., ‘A People for His Name (Acts xv. 14)’, NTS 4 (1957–1958) 319–27.CrossRefGoogle Scholar A côté de textes comme Ez 36. 24, 28; 37. 21–23, c'est surtout Za 2.15, spécialement dans le Targum, qui paraît le plus éclairant.
[9] Ma note de 1956 ne risquait-elle pas de conduire à l'idée que le ‘peuple tiré d'entre les Nations’ se substituait à Israël? Une telle conséquence ne s'accorderait manifestement pas avec les vues de Luc. Encore moins l'idée qu'il pourrait avoir deux peuples de Dieu: l'énormité théologique d'une telle manière de voir a été bien soulignée par Menoud, Ph.-H., ‘Le peuple de Dieu dans le Christianisme primitif’, FV 63 (1964) 386–400Google Scholar, repris dans Jésus-Christ et la Foi (Neuchâtel-Paris, 1975) 337–46.Google Scholar
[10] Voir Conzelmann, H., Die Apostelgeschichte (HNT 7) (Tübingen, 1973) 83Google Scholar; Panimolle, S. A., Il discorso di Pietro all'assemblea apostolica, I. Il concilia di Gerusalemme (Studi biblici, 1) (Bologna, 1976) 109–12Google Scholar; Brown, R. E., The Birth of the Messiah (New York, 1977) 459Google Scholar; Bovon, F., Luc le théologien, 344, n. 1Google Scholar; Richard, E., ‘The Divine Purpose: The Jews and the Gentile Mission (Acts 15)’, dans SBL Seminar Papers 1980 (Chico) 267–82 (279, n. 33).Google Scholar
[11] Dahl, N. A., ‘The Story of Abraham in Luke-Acts’, dans Keck, L. E. - Martyn, J. L. (éd.), Studies in Luke-Acts. Essays presented in honor of P. Schubert (Nashville-New York, 1966) 139–58 (152).Google Scholar
[12] C'est là qu'il faut sans doute chercher l'origine de l'importance accordée au thème du ‘Nom’. Luc emploie beaucoup le mot ὄνοµα (Mt 22, Mc 15, Lc 34, Jn 25, Ac 60); mais il ne l'use pour désigner Dieu que sous l'influence de l'A.T.: Lc 1. 41; 11. 2; 13. 35; 19. 38, et son emploi en Ac 15. 14 n'est probablement pas sans rapport avec la citation du v. 17. La phraséologie des Actes se caractérise davantage par le transfert du thème sur le ‘Nom’ du Seigneur Jésus. Bon aperçu des données dans Hartman, L., art. ὄνοµα, EWNT 2 (1981) 1268–77.Google Scholar En disant que Dieu ‘pris un peuple pour son Nom’, Ac 15. 14 emploie le verbe λαµβάνω en mettant le complément au datif. Cette construction ne se retrouve que trois fois seulement dans le N.T.: Lc 19. 12; Rm 13. 2; He 5. 4, chaque fois au sens de ‘prendre pour soi-même’. Fréquente dans la LXX, cette construction s'emploie pour Dieu en Ex 6. 7 et Dt 4. 34.
[13] L'expression ‘lukanischer Bibelstil’ est de Conzelmann, loc. cit.
[14] Panimolle, S. A. (op. cit., 110, n. 75)Google Scholar s'est donné la peine de faire le relevé des principaux passages du Targum Neofiti qui, dans la traduction du Pentateuque, utilisent l'expression ‘pour mon (son, ton) Nom’ en parlant de Dieu: il relève 129 cas! Il faudrait y ajouter les 17 emplois de la formule plus longue: ‘pour le Nom de la Parole de YHWH’. Un usage aussi massif suppose une manière courante de s'exprimer dans le langage religieux juif; il ne paraît pas téméraire de penser qu'elle remonte au premier siècle et qu'elle n'était pas limitée à la Palestine. Luc écrit ‘à la juive’, tout comme il le fait en parlant du ‘Nom’ de Jésus, ou encore en prêtant à Jacques le nom de ‘Syméon’ pour désigner Pierre (Ac 15. 14). Il s'attache à donner au langage de ses personnages un coloris approprié: Paul parle de ‘justification’ (Ac 13. 38–39) et l'ange de Césarée s'exprime dans un langage ‘liturgique’ (10. 4, 31).
[15] Menoud, Ph.-H., ‘Le plan des Actes des Apôtres’, NTS 1 (1954–1955) 44–51 (49)CrossRefGoogle Scholar, reproduit dans Jésus-Christ et la Foi (n. 9) 84–91 (89).Google Scholar Pour l'état actuel de la question, on peut voir notre article ‘La question du plan des Actes à la lumière d'un texte de Lucien de Samosate’, dans NT 21 (1979) 220–31 (220–3)Google Scholar, reproduit dans Nouvelles études sur les Actes des Apôtres (LeDiv 118) (Paris, 1984) 24–36 (24–8)Google Scholar; Neirynck, F., ‘Le Livre des Actes dans les récents commentaires’, EThL 59 (1983) 338–49 (342s.)Google Scholar.
[16] Outre les commentaires, on consultera tout particulièrement sur ce point l'ouvrage de S. A. Panimolle et l'article d'E. Richard, cités n. 10.
[17] Au precédé d'inclusion qui unit le v. 11 au v. 1 correspond aussi le rapport qui lie le v. 10 au v. 5: le discours de Pierre est présenté comme une réponse aux requêtes des judaïsants. Voir Richard, E., art. cit. 269.Google Scholar
[18] Richard, E. (art. cit. 272)Google Scholar a finement noté que la division du discours de Jacques correspond à celle du récit lucanien de l'épisode du centenier de Capharnaüm (Lc 7. 1–10). Dans un premier temps, cet officier avail envoyé à Jésus des notables juifs, qui avaient intercédé en sa faveur, signalant le fait que c'était lui qui avait construit leur synagogue; ils avaient ainsi obtenu que Jésus les accompagne pour aller opérer la guérison demandée (7. 2–6a). Dans un second temps, le centenier envoie des amis dire qu'il ne mérite pas de recevoir Jésus sous son toit (v. 6b). L'exposé des conséquences de cette affirmation suit le même schéma que la second partie du discours de Jacques: ‘C'est pourquoi (δώ) je ne me suis pas (ούδέ) jugé digne de venir vers toi. Mais (άλλά) dis un mot… Moi-même en effet (γάρ)…’ (vv. 7–8). On remarque qu'en Ac 15. 19–21, la conséquence (δώ) est exposée d'abord dans une proposition négative, ensuite par une proposition affirmative introduite par άλλά et elle-même justifiée par une explicative (γάρ), Confirmé par d'autres constructions analogues dans Lc et dans Ac, ce parallèle signalé par Richard aide à mieux saisir que la proposition explicative en Ac 15. 21 doit justifier directement la proposition affirmative du v. 20, et elle seule. Il devient ainsi clair que, compte tenu du style de Luc, les vv. 20 et 21 sont étroitement complémentaires et doivent s'interpréter en fonction du rapport qui les unit.
[19] On pourrait noter une sorte d'inclusion entre le début du discours de Pierre, άΦ ήμερῶν άρχαίων, et la précision qui attire l'attention dans la finale du discours de Jacques: έκ γενεῶνάρχαίων. Il y a peut-être là un indice de la complémentarité des deux argumentations: celle de Pierre, qui se réclame de l'intervention directe de Dieu dans le cas de Corneille, et celle de Jacques qui fait appel à l'autorité de Moïse. Il est en tout cas important que l'attention portée à un élément particulier du récit ne fasse pas oublier l'unité littéraire du morceau dont cet élément fait partie.
[20] Il semble clair en même temps que, pris dans son ensemble, le discours de Jacques a pour fonction de ménager une transition entre le discours de Pierre et le contenu de la lettre rapporté dans les vv. 23–29. Nous n'avons pas à nous arrêter ici sur cette troisième section du chapitre. Notons simplement que la proposition présentée par Jacques au v. 20 ne démarque que très légèrement les termes employés dans la lettre au v. 29 et dont une autre variante apparaîtra en Ac 21. 25. Comme d'habitude, Luc évite les répétitions littérales. On remarque en particulier que 15. 20 modifie l'ordre des interdits par rapport à celui dans lequel ils se présentent non seulement en 15. 29 et en 21. 25, mais aussi en Lv 17–18. Il faut noter en outre que la manière dont le décret s'exprime au v. 28 avait été préparée déjà par les termes attribués à Pierre par le v. 10: Pierre avait invité à ‘ne pas imposer un joug’, la lettre déclare ne pas vouloir ‘imposer un poids’. Le souci littéraire de varier les expressions témoigne à sa manière de la conscience que l'auteur a de répéter les mêmes choses. L'observation des liens multiples qui unissent les différentes parties du récit doit mettre en garde contre le danger auquel on s'exposerait en considérant isolément un des éléments qui le composent.
[21] L'expression se rencontre aussi pour parler de la consécration d'un prophète: Jr 15. 16. On la retrouve une fois dans le N.T., en Jc 2. 7: les riches ‘blasphèment le beau Nom qui a été invoqué sur vous’. Le ‘Nom’ dont il s'agit ici est celui du Seigneur Jésus (v. 1).
[22] L'adjectif δεκτός, au sens de ‘susceptible d'être agréé par Dieu’, revient en Lc 4. 19; 2 Co 6. 2; Phil 4. 18 (voir aussi Ac 7. 59). La LXX l'emploie couramment à propos du culte sacrificiel: Ex 28. 38; Lv 1. 3, 4; 17. 4; 19. 5; 22. 19, 20; 23. 11; Dt 33. 16, 23; Jb 33. 26; Pr 11. 1; 12. 22; 14. 9; 15. 8, 28; 16. 7; 22. 11; Si 2. 5; 35. 7; Mal 2. 13; Is 49. 8; 56. 7; 58. 5; 60. 7; 61. 2; Jr 6. 20. La capacité de rendre à Dieu un culte qui lui soit ‘agréable’ constitue normalement un privilège des membres du peuple de Dieu.
[23] Chiffres de Neirynck, F. et Van Segbroeck, F., New Testament Vocabulary. A Companion Volume to the Concordance (BEThL 65) (Leuven 1984) 131.Google Scholar- Il ne paraît pas utile de répéter ici la longue liste bibliographique fournie par Frankemölle, H., art. λαός, EWNT 2 (1981) 837–48 (837s.).Google Scholar Nous croyons pouvoir nous contenter d'y ajouter Flender, H., Heil und Geschichte in der Theologie des Lukas (BevTh 41) (München, 1965) 119–21Google Scholar; Zehnle, R. F., Peter's Pentecost Discourse. Tradition and Lukan Reinterpretation in Peter's Speeches of Acts 2 and 3 (Nashville-New York, 1971) 63–6Google Scholar; Prete, B., ‘“Il popolo che Dio si è scelto” negli scritti di Luca’, dans Sacra Doctrina, 26 (1981) 173–204.Google Scholar
[24] Lc 22. 2 dépend de Mc 14. 2, malgré la différence des constructions. Lc 22. 26 se trouve d'accord avec Mt 27. 1 contre Me 15. 1.
[25] Ac 4. 25 lit dans le Ps 2. 1: ‘Pourquoi les nations ont-elles frémi et les peuples formé de vains projets?’ Le v. 27 applique ce qui est dit des ‘nations’ à l'ensemble du monde non juif: le terme est ainsi pris dans son acception habituelle; il voit dans le mot ‘peuples’ une désignation d'Israël: l'anomalie du pluriel ne souligne que mieux l'application normale du mot ‘peuple’ à Israël. Le cas de Lc 2. 31 est un peu plus difficile: ‘Mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples, lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël’ (vv. 30–32). L'expression ‘à la face de tous les peuples’ paraît s'inspirer d'Is 52. 10, qui disait: ‘à la face de toutes les nations’. Les exégètes ne s'accordent pas sur le motif de la substitution du mot ‘peuples’ au mot ‘nations’. Certains estiment que ‘les peuples’ désignerait encore ‘les nations’, par opposition au ‘Peuple’ élu. D'autres pensent au contraire que, même au pluriel, le mot s'appliquerait à Israël, comme en Ac 4. 27. Pour d'autres enfin, il aurait été choisi pour inclure à la fois ‘les nations’ et ‘le peuple’. C'est l'explication qui nous paraît la plus vraisemblable.
[26] Roloff, J., Die Apostelgeschichte (NTD 5) (Göttingen, 1981) 232Google Scholar: ‘Gott hat sich aus den Völkern der Welt heraus ein neues, seinem Namen (…) unterstehendes neues Volk gewonnen. Die Heidenchristen sind - das wird hier ausdrücklich anerkannt - das Gottesvolk der Endzeit, sie sind Kirche.’
[27] 272.
[28] Jervell, J., ‘Das gespaltene Israel und die Heidenvölker. Zur Motivierung der Heidenmission in der Apostelgeschichte’, StTh 19 (1965) 68–96Google Scholar: ‘Wo die Kirche bezeichnet, 15, 14 und 18, 10, heisst es mehr unbestimmt “eine Volksmenge”; 15, 14: “ein Volk aus den Heiden”, deutlich: neben denen, die streng genommen das Volk ausmachen, die Messiasglaübigen Juden’ (77, n. 22). Version anglaise dans Luke and the People of God. A New Look at Luke-Acts (Minneapolis, 1972) 41–74.Google Scholar
[29] On ne peut écarter a priori l'explication selon laquelle Luc ne serait pas conséquent avec luimême. Ainsi Wilson, S. G., The Gentiles and the Gentile Mission in Luke-Acts (MSSNTS 23) (Cambridge, 1973) 225CrossRefGoogle Scholar: ‘The two unusual uses of λαός may simply be due to Luke's carelessness. At other points Luke uses terms loosely and with no obvious theological subtleties in mind. What for us may seem to be a conscious paradox may for Luke simply have been linguistic imprecision.’ N'est-ce pas une solution un peu trop simple?
[30] G. Delling établit précisément un rapport étroit entre Ac 13. 17a et 15. 14: ‘Israels Geschichte und Jesusgeschehen nach Acta 13, 16–41’, dans Baltensweiler, H. - Bo, Reicke. Neues Testament und Geschichte. Historisches Geschehen und Deutung im Neuen Testament. FS O. Cullmann (Zürich-Tübingen, 1971) 187–97 (188s.).Google Scholar Dans l'expression de 13. 17: ‘Le Dieu de ce peuple Israël a choisi nos pères …’, l'auteur croit pouvoir reconnaître le thème du choix que Dieu a fait d'Israël parmi les Nations pour en faire son peuple particulier (cf. Ex 19. 5; 23. 22; Dt 7. 6; 14. 2; aussi Lv 20. 26). Avec ce qui a été fait en faveur du peuple de Dieu dans l'A.T., Ac 15. 14 établirait un parallèle en disant ce que Dieu a fait dans le cas du peuple du salut au temps messianique. Le mot λαός serait rapporté ici au ‘nouveau peuple de Dieu’. Si l'on prend garde au fait que l'intervention divine à laquelle se réfère Ac 15. 14 est celle qui concerne Corneille et les siens, ne va-t-on pas aboutir à l'idée que ce centurion est devenu le patriarche du ‘nouveau peuple de Dieu’, comme Abraham avait été celui de ‘l'ancien peuple de Dieu’? Cela nous conduit en tout cas fort loin de la pensée de Luc.
[31] L'importance de cette signification partitive du mot pour la compréhension de l'emploi qui en est fait en Ac 15. 14 et 18. 10 a été particulièrement bien mise en valeur par Lohfink, G., Die Sammlung Israels. Eine Untersuchung zur lukanischen Ekklesiologie (StANT 39) (München, 1975) 58–60.Google Scholar
[32] Voir à ce sujet les explications données dans notre article sur ‘La conclusion des Actes …’ (n. 3) 376–80.Google Scholar
[33] Bonne étude récente de Lövestam, E., ‘Der Rettungsappell in Ag 2,40., dans ASTI 12 (1983) 84–92.Google Scholar Dans le langage biblique et juif, l'expression ‘cette génération’ évoque plus particulièrement soit la génération qui a été anéantie par le déluge, soil et davantage la génération de l'exode qui a péri dans le désert, soit encore la génération de la fin des temps. Il s'agit chaque fois d'une génération condamnée par Dieu mais au milieu de laquelle des individus ont trouvé grâce en raison d'une conduite qui les dissociait de leurs contemporains: Noé et sa famille dans la génération du déluge, Josué et Caleb dans la génération du désert. Le même thème revient dans les paroles de Jésus de la tradition synoptique et se retrouve dans la prédication du christianisme primitif (cf. Phil 2. 15; He 3. 7–11 = Ps 95. 7–11). On ne peut que donner raison à l'auteur quand il conclut que l'exhortation de Ac 2. 40 relève d'une ‘vorlukanische Tradition’ (91). Mais il paraît abusif d'en tirer argument en faveur de l'utilisation d'un document, centre l'opinion de Haenchen, E., Die Apostelgeschichte (KEK 3) (Göttingen, 7 1977) 186CrossRefGoogle Scholar: ‘Lukas gliedert hier nur eine Wendung der christlichen Missionssprache’.
[34] C'est en ces termes que la question est effectivement posée par Perrot, C., ‘Les décisions de l'assemblée de Jérusalem’, RSR 69 (1981) 195–208Google Scholar = La parole de grâce. Etudes lucaniennes à la mémoire d'A. George (Paris, 1981) 195–208Google Scholar: ‘Existerait-il un autre peuple que le peuple de l'Alliance? Comment expliquer à la fois cette union (manifestée par l'emploi du mot laos pour désigner l'Israël Chrétien et les Nations converties) et cette distinction (exprimée par l'absence de l'article défini?’ (202). L'auteur semble supposer que Ac 15. 14 et 18. 10 sont les deux seuls passages dans lesquels Luc omet l'article defini devant le mot λαός. G. Lohfink avail cependant montré l'intérêt que présente la construction analogue employée en Lc 1. 17 (op. cit., 88); on peut en rapprocher celle de Ac 5. 37. Les autres cas d'absence de l'article défini devant le mot (Lc 2. 32; Ac 4. 25, 27) s'expliquent par une dépendence plus étroite à l'égard de la LXX. Ils montrent aussi la prudence avec laquelle on doit recourir au critère de la présence ou de l'absence de l'article grec. Ac 15. 14 n'invite nullement à parler de l'Israël Chrétien’ à côté des ‘Nations converties’.
[35] NTS (1957–1958) 326.Google Scholar
[36] Il peut être utile de s'arrêter un instant sur Ac 3. 23: ‘Et quiconque n'écoutera pas ce prophètelà (semblable à Moïse) sera retranché (ou: exterminé) de son peuple.’ Signalée dans toutes les bibliographies, l'étude fondamentale de C. M. Martini ne semble guère avoir été utilisée: ‘L'esclusione dalla comunità del popolo di Dio e il nuovo Israele secondo Atti 3, 23.’ Elle a été publiée d'abord dans Bib 50 (1969) 1–14Google Scholar, puis, sous une forme remaniée, dans Communio, 12 (1973) 63–82Google Scholar, réimprimée dans le recueil La parola di Dio alle origini della Chiesa (Roma, 1980) 239–58.Google Scholar L'auteur y montre que la citation de Ac 3. 22–23 doit être considérée comme une composition lucanienne sur la base de Dt 18. 15–19. C'est à Luc qu'il faut attribuer le remplacement de la menace de Dt 18. 19, ‘Moi je lui en demanderai compte’, par la formule beaucoup plus explicate: ‘Il sera retranché (exterminé) du milieu du peuple.’ Il ne s'agit pas simplement, comme on le dit trop souvent, d'une citation empruntée à Lv 23. 29, mais d'une formule très courante qui se retrouve en Ex 30. 33; Lv 17. 4, 9; 18. 29; 19. 8; 23. 30; Nb 9. 13; 15. 30–31 (cf. Gn 17. 14; Ex 12. 15, 19; 31. 14; Lv 20. 17–18; 20. 5–6)’ C'est une sentence d'exclusion qui se distingue mal d'une condamnation à mort (Ex 31. 14–15; Lv 20. 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 27; 24. 14–18, 21, 23). Luc a done dramatisé la menace de Dt 18. 19. Mais que vise exactement cette menace? Con-cerne-t-elle une exclusion immédiate, ou n'envisage-t-on sa réalisation que lors du jugement eschatologique? La question mérite d'être posée: s'il est vrai, en effet, que Luc étend en deux endroits la signification du terme λαός, on ne voit pas qu'il refuse jamais ce nom aux Israélites. Il leur reste acquis jusque dans la finale des Actes (28. 26–27). L'évolution dont témoigne sur ce point la pensée d'A. George peut donner à réfléchir. Celui-ci écrivait en 1968 (‘Israël dans l'oeuvre de Luc’, RB 75, 481–525Google Scholar = Etudes sur l'oeuvre de Luc (Paris, 1978) 87–125)Google Scholar: ‘En tuant Etienne, l'Israël incrédule de Judée consomme son refus de Jésus et se prive de la prédication de l'Evangile … Son rejet de Jésus l'exclut du peuple de Dieu (Ac 3. 23 = Lv 23. 29). Il n'est plus qu'une race et une nation parmi les autres peuples …’ (512 ou 114). Dans un article paru en 1978, le même auteur adopte une interprétation différente: ‘Le jugement (eschatologique) peut entraîner condamnation … Luc n'ajoute guère sur ce point. Ses exhortations parénétiques sont sobres en menaces. Tout au plus peut-on citer en ce sens … surtout la menace de Pierre citant Lv 23, 29: “Tout homme qui n'écoutera pas ce prophète sera retranché du peuple” (Ac 3. 23)’ (Etudes sur l'oeuvre de Luc, 327).Google Scholar Mêinterprétation d'Ac 3. 23 en un sens eschatologique dans Zehnle, R. F., op. cit. (n. 23) 90Google Scholar; Kränkl, E., Jesus der Knecht Gottes. Die heilsgeschichtliche Stellung Jesu in den Reden der Apostelgeschichte (Regensburg, 1972) 192 et 210Google Scholar; Grässer, E., ‘Die Parusieerwartung in der Apostelgeschichte’, dans Kremer, J. (éd.), Les Actes des Apôtres (n. 3) 99–127 (124)Google Scholar; F. Hahn, ‘Das Problem alter christologischer Ueberlieferungen in der Apostelgeschichte unter besonderer Berücksichtigung von Acte 3, 19–21’, ibid. 129–54 (150); P. G. Müller, ‘Die jüdische Entscheidung gegen Jesus nach der Apostelgeschichte’, ibid. 523–31 (526–8).
[37] Nous avons consacré à ce discours une étude dont la première partie a paru sous le titre ‘Le discours à l'Aréopage (Ac 17, 22–31), lieu de rencontre entre christianisme et hellénisme’ dans Bib 60 (1979) 530–46Google Scholar, et dont la second partie a été intitulée ‘La rencontre entre christianisme et hellénisme dans le discours à l'Aréopage (Actes 17, 22–31)’ et incorporée dans le volume collectif Foi et Culture à la lumière de la Bible. Actes de la Session plénière 1979 de la Commission Biblique Pontiflcale (Leumann-Torino, 1981) 261–86.Google Scholar Les deux articles ont été réunis dans Nouvelles études (n. 15), 380–423.Google Scholar
[38] Sur l'importance du recours de Luc au procédé de l'entrelacement voir notre article ‘La question du plan des Actes …’ (n. 15).
[39] Litt.: ‘un peuple nombreux est à moi dans cette ville’. La construction du verbe ‘être’ avec un complément au datif est fréquente dans la LXX. Dans le N.T. (38 fois), elle caractérise le style de Luc: Mt 3, Mc 2, Lc 15, Jn 2, Ac 10. On remarque que Luc l'emploie surtout dans les paroles qu'il prête aux personnages de son récit. Voir Hawkins, J. C., Horae Synopticae. Contributions to the Study of the Synoptic Problem (Oxford, 2 1909) 38.Google Scholar
[40] Cf. Lohfink, G., Sammlung (n. 31) 58.Google Scholar
[41] On pourrait rappeler ici Jn 10. 16: ‘J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de ce bercail; celles-là aussi, il faut que je les conduise: elles écouteront ma voix, et il n'y aura plus qu'un troupeau, qu'un berger.’
[42] L'A.T. avait déjà dépassé une conception purement raciale du peuple de Dieu, et le christianisme pouvait se réclamer des prophètes. C'est ce que fait Paul quand il cite Osée: ‘J'appellerai mon peuple celui qui n'était pas mon peuple …’ (Rm 9. 25 = Os 2. 25). Orientation semblable dans l'oracle de Za 2. 15 LXX: ‘Et de nombreux Gentils chercheront refuge auprès du Seigneur en ce jour-là, et ils seront peuple pour lui.’
[43] Même vocabulaire pour parler de l'intervention de Dieu en faveur de son peuple en Lc 1. 68, 78; 7. 16; 19. 44; 1 P 2. 12.
[44] A l'infinitif: construction qu'on peut rapprocher de celles de Lc 1. 25; 12. 32; Ac 16. 14. Son tour elliptique tend à donner plus de solennité à la phrase: voir Haenchen, E., Die Apostelgeschichte (n. 33) 430Google Scholar; Blass, F., Debrunner, A., Rehkopf, F., Grammatik des neutestamentlichen Griechisch (Göttingen, 14 1976) § 392, 3.Google Scholar
[45] Au lieu de parler d'un peuple que Dieu a ‘pris’ pour son Nom, Is 43. 21 LXX dit équivalem-ment: ‘mon peuple que je me suis acquis afin qu'il célèbre mes exploits’ (le TM est différent). L'idée d'une ‘acquisition’ revient en 1 P 2. 9: ‘Vous êtes la race élue, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple d'acquisition, afin que vous célébriez les exploits de celui qui vous a appelés à son admirable lumière.’ L'expression employée dans la version grecque d'Isaïe influence ici une définition qui s'inspire avant tout d'Ex 19. 5–6: ‘Vous serez pour moi un peuple m'appartenant en propre parmi toutes les nations, car toute la terre est à moi. Vous serez pour moi un sacerdoce royal et une nation sainte.’ A λαός περιούσιος la Lettre de Pierre substitue λαός είς περιποίησιν. La même terminologie influence également Luc quand il parle, en Ac 20. 28, de ‘l’Eglise que Dieu s'est acquise’. La substitution du mot έκκλησία au mot λαός est remarquable, car c'est λαός qu'on aurait attendu dans ce contexte: ce que Dieu ‘acquiert’ est un ‘peuple’ plutôt qu'une ‘assemblée’. Mais si ce peuple a pour fonction de ‘célébrer les exploits’ de Dieu (Is 43. 21 et 1 P 2. 9), il n'est peut-être pas étrange qu'il soit désigné comme έκκλησία, assemblée cultuelle. La précision apportée par Ex 19. 5 mérite d'être relevée: en acquérant un peuple qui lui appartienne en propre et soit son peuple particulier, Dieu ne renonce nullement à la propriété de la terre entière. La LXX a rendu par λαός περιούσιος le mot hébreu segullah: ‘Vous serez pour moi une segullah parmi tous les peuples, car la terre entière est à moi.’ Israël ne sera pas simplement la propriété de son Dieu, mais un bien qui lui appartient à un titre tout particulier. On précise en ce sens ‘am segullah (Dt 7. 6; 14. 2; 26. 18) ou λαός περιούσιος (Ex 19. 5; 23. 22 et les trois passages du Dt), ou encore ‘am nahalah, λαός έγκληρος (Dt 4. 20); on dit aussi que le Seigneur a choisi Israël pour être son περιονσιασμός (Ps 135. 4 LXX). Dans le N.T., l'expression λαός περιούσιος reparaît en Tit 2. 14, mais dans une perspective christologique: en rachetant les chrétiens et en les purifiant, le Christ a fait d'eux son peuple particulier. On retrouve là le déplacement que nous avons observé en Ac 18. 10. D'autres matériaux sur le thème du ‘peuple de Dieu’ ont été rassemblés dans notre ouvrage sur Le Discours de Milet, testament pastoral de saint Paul (Actes 20, 18–36) (LeDiv 32) (Paris, 1962) 167–73.Google Scholar
[46] Rappelons (voir n. 18) que S. A. Panimolle a consacré tout un volume (de plus de 400 pages) aux vv. 7–9 du discours de Pierre: Il discorso di Pietro all'assemblea apostolica, 2. Parola, fede e Spirito (Atti 15, 7–9) (Bologna, 1977).Google Scholar
[47] On sait que, dans la perspective de Luc, le don de l'Esprit présuppose la purification des péchés. Il ne faut done pas confondre sa manière de voir avec celle de Paul. C'est à la lumière de ce présupposé lucanien, illustré avec une clarté toute particulière par Ac 2. 38, que l'événement de Césarée prend toute sa signification de témoignage divin: en accordant l'Esprit à des païens, Dieu atteste que leur coeur a été préalablement purifié. Ac 15. 9 présente cette purification comme un effet de la foi (puisqu'il n'y a pas encore eu de baptême pour la rémission des péchés).
[48] La citation d'Is 6. 9–10 en conclusion des Actes (28. 26–7) montre assez que, même incrédules, les Juifs ne cessent pas d'appartenir au ‘peuple’, quitte à devenir ‘ce peuple’. On peut penser que ce n'est pas par hasard que les termes ‘Israël’ et ‘Israélites’ ne sont appliqués qu'aux Juifs qui ne sont pas, ou pas encore, devenus Chrétiens. Il ne désigne jamais ceux d'entre les Juifs qui ont déjà accepté le message évangélique (2. 22, 36; 3. 12; 4. 10, 27; 5. 21, 31, 35; 7. 23, 37, 42; 9.15; 10. 36; 13. 16, 17, 23, 24; 21. 28; 28. 20). Le vocabulaire de Luc n'est manifestement pas favorable à l'idée que la communauté (judéo-)chrétienne constituerait le ‘véritable Israël’. Il n'en est pas moins vrai que le ‘salut de Dieu’ auquel les Gentils ont accès (Ac 28. 28) est précisément celui qui fait l'objet de l'espérance d'Israël’ (28. 20). Nous avons déjà dit (n. 36) pourquoi il ne semble pas nécessaire de faire une exception pour Ac 3. 23, dont la perspective peut fort bien être celle, par exemple, de Lc 13. 24–30.
[49] Relevons encore la formule significative de Rt 1. 16: ‘Ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu.’
[50] Dans la première partie de cette étude, nous avons observé que chacune des deux parties du discours de Jacques prend son point de départ dans chacune des deux parties du discours de Pierre. Il y a ainsi une certaine correspondence entre ce que le v. 14 dit de l'initiative de Dieu qui a pris d'entre les Nations (έξ έθνῶν) un peuple pour son Nom’ et l'invitation du v. 19 à ‘ne pas tracasser ceux d'entre les Nations (άπό τῶν έθνῶν) qui se convertissent à Dieu’. Notons en passant la construction typiquement lucanienne έπιστρέΦω έπί (Lc 1.16; Ac 9. 35; 11. 21; 14. 15; 26. 20; on ne la retrouve dans le N.T. qu'en 1 P 2. 25). A l'initiative divine en faveur des Gentils correspond ainsi un changement d'attitude des Gentils à l'égard de Dieu. Dans les deux cas, la situation nouvelle des Gentils se définit par rapport à Dieu. On rapprochera aussi 15. 14 d'une première allusion à l'ouverture universelle à venir dans la conclusion du discours de la Pentecôte: ‘Car elle est pour vous la promesse, ainsi que pour vos enfants et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que les appellera le Seigneur notre Dieu’ (2. 39). La pointe de cette déclaration lui vient de la manière dont elle ‘corrige’ l'oracle de J1 3. 5, oú il était question des rescapés de Jérusalem ‘que le Seigneur appellera’. Mais il faut aussi remarquer le point de vue que nous avons qualifié de ‘vertical’: c'est Dieu qui appelle ceux qui bénéficieront de la promesse, et son appel ne s'adresse pas uniquement à ceux qui étaient les destinataires immédiats de cette promesse.