À partir du milieu du XIIe siècle et pendant le XIIIe siècle, la canonistique produit l’essentiel d’une matière matrimoniale dont l’un des traits fondamentaux est celui de la judiciarisation des rapports charnels, de la constitution d’un droit au corps qui est, encore de nos jours, le seul objet juridique du consentement. Or, si le mariage a donné lieu à une bibliographie gigantesque, les constructions casuistiques qui ont pour objet l’union sexuelle pensée en termes de droit ont, au contraire, été bien plus rarement l’objet d’analyses précises. On propose ici l’étude de deux situations en quelque sorte extrêmes dans lesquelles ces questions émergent: celle où l’on s’interroge sur la naissance et, indirectement, sur la nature du droit au corps du conjoint, et celle où l’on analyse la possibilité de la perte de ce même droit. Il s’agit de savoir, d’une part, si le premier coït est gratuit – c’est-à-dire non dû – et si de son accomplissement naît l’obligation future d’offrir son corps aux usages maritaux. D’autre part, il s’agit de se demander si l’absence d’usage du corps du conjoint suffit à induire la prescription de ce droit.