La thèse de M. Kenneth Vignes vient combler une lacune. S'il est une période mal connue dans l'histoire de l'Algérie, c'est bien celle des « rattachements ». Personne n'en nie l'intérêt, mais personne jusqu'ici n'a osé la fouiller, par suite de difficultés particulières. M. Vignes a eu ce courage, et il a bien posé le problème : problème de gouvernement et d'administration. A quels besoins répondait ce système? Quelle idéologie l'animait? Quels résultats a-t-il obtenus?

M. Vignes a tiré de ses recherches un livre qui se lit aisément. Le style est ferme, l'exposé toujours clair, et l'idée générale n'est jamais perdue de vue au cours de ces 400 pages. C'est un théorème, démontré avec une sobriété toute mathématique. Pas de grâces surannées, pas de prétentions à l'éloquence; un souci constant d'être concis et clair.

Nous attendions depuis longtemps le grand livre que notre ami Paul Leuilliot avait l'intention de consacrer à l'Alsace entre 1814 et 1830. C'est dire le plaisir que nous avons déjà éprouvé à lire, la plume à la main, les deux premiers des quatre tomes entre lesquels cette thèse monumentale est distribuée Bien qu'il soit délicat de rendre compte d'un fragment d'oeuvre et que la publication des volumes restant à paraître ne puisse tarder beaucoup, nous n'avons pas cru pouvoir nous dérober à la cordiale invitation qui nous a été faite de coucher dès à présent par écrit nos impressions.

En Angleterre de même qu'en France, les études urbaines sont restées longtemps négligées, en particulier par les historiens. La plupart des ouvrages publiés ne sont que des traités sur la topographie ou l'architecture : beaucoup de détails sur les maisons historiques, mais rien sur les habitants des maisons ordinaires ; de riches développements sur les organismes administratifs, mais rien sur les administrés. Dans un passé récent, l'on peut citer quelques excellentes monographies, telles que celles de Asa Briggs sur Birmingham ou de W. Chaloner sur Crewe. L'histoire des villes, grandes ou petites, reste à faire. Lacune particulièrement regrettable dans un pays aussi fortement urbanisé que l'Angleterre, où le paysage urbain est le cadre de vie de la plupart des habitants.

La Basse-Californie, cette étroite péninsule qui prolonge, au Mexique, les Chaînes Côtières de Californie, présente aujourd'hui dans sa partie moyenne, entre 26° et 30° lat., un aspect désolé : de misérables « ranches » au bétail étique, quelques oasis sur les rares points d'eau pérennes, des traces éparses laissées par les chercheurs d'or du dernier siècle, des camps saisonniers de pêcheurs sur la côte poissonneuse du Pacifique. Or le même « Désert Central » avait nourri, avant l'arrivée des Blancs, une population aborigène au moins cinq fois supérieure à l'actuelle : déjà très réduite à la fin du XVIIIe siècle, elle a fini de s'éteindre au milieu du XIXe.

Le développement harmonieux des économies socialistes, opposé à l'anarchie des pays capitalistes, a toujours été un des principaux arguments avancés pour affirmer la supériorité du système socialiste. Staline l'évoquait encore dans son grand discours au XVIIIe Congrès du Parti Communiste de l'U.R.S.S. Au moment où il prononçait ces paroles, la situation de l'agriculture démentait d'une façon éclatante l'harmonie du développement de l'économie soviétique. Les difficultés de l'agriculture n'étaient d'ailleurs pas un phénomène propre à l'U.R.S.S. ; le problème était le même dans tous les pays socialistes, y compris la Yougoslavie.

Voici un livre traitant d'un thème classique de l'histoire sociale au Moyen Age, thème qui, depuis plusieurs siècles, requiert la méditation comme la recherche érudite des médiévistes les plus illustres. On entrevoit la difficulté première que dut affronter l'auteur avant de penser son livre : au delà d'une bibliographie considérable qu'il avait à maîtriser, il lui a fallu, « toute science bue », retrouver l'objet de son enquête à l'état de question, redécouvrir dans son ingénuité la voix de textes tant de fois invoqués comme preuves. R. Boutruche a su vaincre cette difficulté son livre est plus qu'un « état des questions », il est neuf et enrichissant. Neuf ? Tout historien connaît les étapes du développement de la société féodale.

Voila que paraît, six ans après la mort de l'auteur, l'ébauche du livre préparé par Jean Casevitz. Jean Casevitz ! ce nom évoque pour moi, d'abord, tout un lointain passé. L'époque où, jeune étudiant, frais émoulu de ma Faculté de province, j'arrivais à la Sorbonne pour préparer l'agrégation. J'étais intimidé par ce groupe de jeunes Parisiens qui se connaissaient depuis longtemps, par ces Normaliens, qu'à tort ou à raison, nous jugions de redoutables concurrents. Un de ceux qui vinrent à moi, avec le plus de gentillesse, fut Jean Casevitz. Je revois encore sa bonne figure rouge, sa démarche balancée, je me souviens de sa conversation si séduisante.

Au temps où j'étais élève de lycée, il y avait dans nos manuels d'Histoire, de place en place, un chapitre sur la « civilisation » ; cette civilisation, je le rappelle, était essentiellement conçue comme un trivium d'arts nobles (littérature, peinture, musique) ; elle constituait visiblement une sorte de rebut de l'enseignement historique : la place lui était réduite, et en extension (cinq ou six chapitres perdus dans toute l'Histoire du monde), et en profondeur (rien sur les techniques, l'habitat, les mentalités) : la civilisation était un objet « pour mémoire ».

Il est superflu de souligner l'importance de la démographie historique pour les études de sociologie et d'histoire économique ; elle est aujourd'hui incontestée. La méthode la plus efficace, semble-t-il, en ce domaine paraît être la monographie bornée à une ville ou à un pays bien délimité, comme l'a écrit si bien le R.P. Mois : « Seules des monographies consciencieuses, limitées à un canton rural ou aux murs d'une ville pourraient fournir, grâce à un dépouillement exhaustif et systématique de toutes les archives disponibles, une vue d'ensemble dont maints éléments pourraient se prévaloir d'être acquis à la science historique. »