Deux auteurs de la Rome impériale parlent d'une plebs
média, opposée à la plebs humilis. Il existait une
classe moyenne dans cette société à ordines, qui se
manifeste par son énorme présence matérielle (maisons, inscriptions, art
funéraire). Sa définition est négative et hétérogène : les plébéiens moyens
ne sont ni membres des ordines privilégiés, ni réduits à
gagner quotidiennement leur pain, ni positivement riches (ils sont pauvres
au sens antique du mot), ni de naissance servile ; ils incarnent le citoyen
moyen et aussi le « lecteur idéal » de la semiotique littéraire. Pour la
classe gouvernante, ils sont la « partie saine » du peuple. On appartient à
la plèbe moyenne dès qu'on ne vit plus au jour le jour et qu'on est rentier
du sol qui vit de loisir ou boutiquier ayant un gros outillage ou un
entrepôt. Cette catégorie se signale par la conscience de soi des marchands
ou artisans, par le concept de métier comme exploit et non comme identité,
par l'entraide par le crédit entre confrères ; le souci de faire des
affaires s'oppose à avoir un patrimoine ; la morale d'Horace, l'iconographie
du banquet dit funèbre et le fantasme compensatoire : « vous avez la
richesse, nous avons la bonne vie » ; les Disticha Catonis
sont « un miroir de bourgeoisie » qui renvoie aux plébéiens leur propre
sagesse, sous prétexte de la leur enseigner. La plebs de
l'Urbs n'était pas une tourbe dépolitisée ; sous des leaders issus de la
plèbe moyenne, elle conserve une légitimité politique et parfois militaire.
Mais une économie d'échanges au processus très morcelé, sans vrai système
bancaire, sans marché large et transparent, mais avec de la corruption, des
squeezes et des pots-de-vin partout, a maintenu la plèbe
moyenne dans une dépendance économique à la classe gouvernante.