La monnaie souveraine, ouvrage collectif dirigé par Michel
Aglietta et André Orléan, a tout pour susciter des jugements tranchés. Il
déplaira… souverainement aux tenants d'une stricte clôture disciplinaire de
l'économie, pour qui l'hybridation avec les sciences sociales est le
commencement du fourvoiement. Il est vrai qu'en matière de monnaie, l'appel
à la coopération de l'anthropologie, de la psychanalyse ou de l'histoire
sonne comme un aveu d'échec — celui de l'économie — à saisir intégralement
l'objet même que l'on aurait spontanément tendance à considérer comme le
plus parfaitement économique. Cet aveu d'échec, les auteurs y consentent
sans l'ombre d'une hésitation. Tout ce qui déplaît aux uns ravira les autres
: la pensée par concepts, plutôt que l'exclusivité des mathématiques, un
parfait irrespect pour les frontières disciplinaires, qui démultiplie les
points de vue, mais toujours sous la fédération de l'idée-force selon
laquelle dans la monnaie se joue un rapport particulier des individus à la
totalité sociale.