L'actuel concept de dépression (épisode dépressif majeur) du DSMIII, puis maintenant du DSMIII-R, largement repris dans le projet d'ICD 10, est extraordinairement inclusif, au point de n'avoir plus guère de valeur heuristique, du moins dans son utilisation actuelle. L'approche pragmatique à laquelle il correspond, supposée a-théorique, participe en fait d'une tautologie: est considéré comme antidépresseur tout abord thérapeutique qui améliore les échelles d'évaluation de la dépression appliquées à des groupes (généralement hétérogènes) de patients classés dans cette catégorie. Vus sous cet angle, les électrochocs, les imipraminiques, les IMAO non sélectifs et non réversibles, mais aussi certaines thérapies cognitivo-comportementales, certaines benzodiazépines, tout autant que des nouvelles molécules (inhibiteurs du recaptage spécifiques, psychostimulants, certains neuroleptiques) peuvent être qualifiés d'antidépresseurs. À cet égard, le DSMIII-R ne permet pas, dans l'ensemble, de tester des hypothèses (trouver des différences) psycho-pharmacologiques. Ce qui est comparé n'est plus l'action pharmacodynamique antidépressive puisqu'elle est équivalente pour toutes les approches, mais des actions pharmacodynamiques qui rendent compte des profils d'effets latéraux. On décrit ainsi des antidépresseurs imipraminiques classiques, des substances atypiques dont certaines ont fait la preuve de leur activité antidépressive, d'autres pas (cela dépend des critères de preuve d'activité qu'on choisit d'accepter), des nouveaux antirecapteurs, pour la plupart sérotoninergiques, des IMAO globaux et irréversibles, de nouveaux IMAO sélectifs et réversibles. On peut insister dans cette façon de décrire les antidépresseurs sur les molécules qui n'ont pas fait la preuve rigoureuse d'une action antidépressive, mais qui n'en sont pas moins des molécules pharmacodynamiquement intéressantes, des «médicaments en quête d'indications». On peut aussi insister sur les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine, dont l'intérêt pharmacodynamique majeur n'est peut-être pas l'action antidépressive, mais l'action régulatrice de la balance pondérale, l'action anti-obsessionnelle, l'action anti-impulsion, l'action anti-alcoolique, etc, mettant ainsi l'accent non plus sur ce qui rapproche ces substances des antidépresseurs, mais sur leurs propriétés originales. Le problème est l'intrication des contraintes industrielles et de l'impasse nosologique actuelle qui conduit à positionner une nouvelle molécule dans la dépression Plutôt que par rapport à des cibles pathologiques ou syndromiques plus étroites et moins ambitieuses.