L'etude des conséquences de l'émancipation des esclaves est d'une grande importance pour la comprehension de l'histoire du travail en Afrique occidentale. Le système social des Soninké de la haute vallée du Sénégal, comme pour beaucoup de peuples sahéliens à l'époque précoloniale, reposait largement sur l'esclavage. L'apparition des migrations de travail chez les Soninké, cependant, s'explique beaucoup moins par l'abolition de l'esclavage que par la disparition progressive du commerce esclavagiste en Sénégambie au dix-neuvième siècle. En effet, c'est alors que furent substitutés à la traite intérieure les migrations saisonnières des jeunes Soninké. Ces migrations, traditionnellement orientées vers le commerce en Gambie, furent détournées vers la production d'arachide dans cette même région, probablement sous l'influence des trafiquants d'esclaves Soninké. Quant à l'émancipation, elle ne créa nullement un exode chez les esclaves nouvellement libérés mais elle permit leur entrée dans la courant des migrations saisonnières. Dans ce sens, l'abolition de l'esclavage fut un phénomêne important dans l'histoire du travail en Afrique occidentale. De plus, elle suscita des transformations dans 1'organisation du travail familial chez les Soninké, qui résultèrent en un surcroît de migrants.
En conclusion, l'histoire des Soninké illustre l'importance de la question des migrations traditionnelles pour la compréhension des migrations modernes en Afrique occidentale, rappelant en cela l'histoire des migrations de travail en Europe, qui furent elles aussi les héritières de courants plus anciens de mobilité géographique.