Tant que dure le terrible conflit qui ensanglante l'Europe, il serait prématuré d'en vouloir prédire toutes les conséquences; néanmoins chacun déjà, à son point vue, s'efforce de la juger et d'en tirer des enseignements; les militaires et les hommes d'Etat y puisent d'utiles lecons, et ce drame douloureux n'est pas moins instructif pour l'historien ou le philosophe, qui y cherchent des révélations sur le plan de Dieu à l'egard de l'humanité. Mais ce n'est sous aucun de ces aspects que nous avons à l'envisager. Pour nous, cette lutte abominable a été avant tout une démonstration éloquente des maux de la guerre et de l'utilité des sociétés de secours. Nous voudrions pouvoir nous dire que ces sociétés seront désormais superflues, et que, sur les flots du sang répandu, se lèvera l'aurore d'une paix perpétuelle. Mais hélas! nous n'en sommes pas là. Les manifestations dont nous avons été témoins chez les belligérants, en démasquant tout ce qu'il y encore de préjugés, de passions aveugles, de férocité native, chez les peuples les plus civilisés, sont Men de nature à faire craindre que la paix, en apparence la plus durable, ne soit qu'une treve, et que, tôt ou tard, le fléau ne se déchaine derechef sur notre vieux monde, qui devrait pourtant en être las.

Le Comité international n'a pas, comme on sait, les mêmes attributions que les Comités centraux, placés à la tête des associations nationales de secours. Ceux-ci doivent, soit par eux-mêmes, soit par l'organe de leurs sous-comités provinciaux ou locaux, solliciter, chacun dans son ressort, des secours de toute nature en faveur des blessés, et en régler l'emploi, en en centralisant la direction pour chaque pays. Ce devoir incombe, en cas de guerre, à tons les comités qui font partie de notre fédération de la Croix rouge, qu'ils appartiennent ou n'appartiennent pas aux nations belligérantes. — Quant à-l'application de ces secours au profit des victimes de la guerre, elle concerne exclusivement les comités belligérants, à la disposition desquels les comités neutres doivent se borner à mettre les ressources diverses qu'ils ont pu réunir chez eux.

Le talent d'organisation dont la Prusse vient de faire preuve, dans les mémorables événements de ces derniers jours, a, sans doute, largement contribué aux succès rapides qu'elle a obtenus. Aussi l'examen des différentes formes par lesquelles cette aptitude s'est manifestée, est-il un sujet d'étude des plus instructifs.

La Société patriotique autrichienne de secours s'est convaincue, par la grande expérience que lui ont donnée trois guerres récentes, que l'assistance privée n'est pas suffisante. Aussi, en présence de la situation exceptionnelle de pays étrangers, et lorsquele sang des armées belligérantes coulait par torrents, a-t-elle pris la résolution de mettre à leur disposition son matériel de secours, autant que cela serait possible, et sur les bases des conventions internationales. En conséquence, lors de l'ouverture des hostilités, elle a envoyé à l'adresse du Comité de Berlin 17 colis, contenant 1,015 livres de charpie, 420 livres de compresses, 2,115 bandes, et à Paris 18 colis contenant 1,023 livres de charpie, 380 livres de compresses et 2,200 bandes.

Lors de la déclaration de guerre, des appels furent immédiatement adressés par le Comité central de la Société des dames badoises, siégeant à Carlsruhe, pour susciter la formation de comités locaux.

Le Comité central de Munich a publié un rapport sur les travaux de l'Association bavaroise de secours (Bayrischer Landes-Hilfverein) jusqu'au 22 septembre dernier.

La Belgique a, dès les premiers bruits de guerre, pris une part active aux efforts si nombreux que l'Europe a faits pour soulager les souffrances des victimes de cette lutte sanglante.

La guerre a surpris l'Espagne dans des conditions qui ne lui permettaient guère d'envoyer des subsides aux belligérants. Elle est assez éloignée du théâtre des hostilités, et de plus les membres de l'Assemblée de Madrid étaient presque tous dispersés. Toutefois ces obstacles auraient été surmontés, si le pays n'eùt été épuisé et fatigué par les luttes intestines qui l'agitent depuis quelques années, et qui font naître, dans le sein même de la nation espagnole, des besoins élendus, auxquels elle doit pourvoir avant tout.

Les matériaux nous font défaut pour une notice sur les travaux du Comité central de New-York. Nous avons cependant correspondu à plusieurs reprises avec son secrétaire, M. le docteur Elisha Harris, et nous sommes en mesure d'affirmer que nos amis d'Amérique s'associent au grand mouvement philanthropique des Sociétés européennes. Le retard qu'ils ont mis à nous envoyer leurs dons, n'est nullement une preuve d'indifférence de leur part; nous savons au contraire qu'ils se préparent à rivaliserde zèle avec leurs émules de l'ancien continent, et que nous ne tarderons pas à recevoir leur offrande.

Pour juger impartialement l'œuvre accomplie par le Comité central français, il est indispensable de se reporter à l'état dans lequel se trouvait la Société qu'il dirige, au début des hostilités.

Le 4 août dernier, un grand meeting, convoqué à Londres par le Gomité provisoire dont nous avions annoncé la constitution dans notre premier Bulletin, vota la formation d'une Société pour secourir les malades et les blessés pendant la guerre actuelle.

Le Comité central, placé sous le patronage du prince et de la princesse Charles de Hesse, et associé au Comité de dames dit Alice Verein, s'est organisé dès le 16 juillet dernier. II a formé des commissions spéciales prises dans son sein, savoir :

1° La commission du matériel, pour l'administration et l'expédition des dons;

2° La commission financière ;

3° La commission des ambulances;

4° La commission pour le transport des blessés et les soins à donner aux troupes de passage ;

5° La commission générate, qui est chargée des rapports avec l'étranger et des publications.

Dès que la guerre fut déclarée, la présidence du Comité central de Milan prévint les comités italiens de se préparer à secourir les militaires blessés et malades, suivant le but de l'institution et selon les moyens dont ils pouvaient disposer. Les membres du Comité central, ainsi que le Comité des dames, furent aussitôt convoqués, pour coopérer aux travaux de l'œuvre et donner à la présidence le mandat exigé par les circonstances.

Longtemps avant la guerre actuelle, le Comité international s'était préoccupé de la formation d'un comité central pour le grand duché de Luxembourg. Ce petit pays, en restant en dehors de la fédération de la Croix rouge, laissait subsister une solution de continuité trés-regrettable dans le réseau des sociétés de secours, qui embrassait le reste de l'Europe. II paraissait d'autant plus essentiel que Luxembourg fût pourvu d'un Comité, que sa position de ville neutre, promontoire avancé sur la frontière des deux grandes puissances dont le choc était imminent, pouvait l'appeler à rendre les plus grands services, si la guerre éclatait entre elles.

La grandeur de la distance qui sépare la Norwége de Bâle, et les difficultés que le blocus des ports allemands du nord apportait aux transports par voie d'Allemagne, ont déterminé la Société de secours de Christiania à renoncer à des envois autres que ceux d'argent. D'autre part, les statuts de la Société norwégienne ne lui permettaient d'affecter au secours des militaires blessés les fonds qu'elle possède, qu'autant que la Norwége participerait à la guerre. En conséquence, elle dut se bonier à susciter et à recueillir des dons en faveur des belligérants.

Quand la guerre éclata entre la France et la Prusse, le Comité central néerlandais avait dès longtemps arrêté ses statuts et déterminé sa ligne de conduite. II put done faire face aux circonstances avec autant de calme que de promptitude; Ses ressources étant bornées, il lui fallut en premier lieu savoir sur quel concours il lui était permis de compter; il publia donc, des le 23 juillet, dans le Staats Courant, un appel à tous les citoyens, pour solliciter, soit des services personnels, soit des dons, en nature ; cet appel indiquait en même temps en quoi devaient consister ces services, quels dons on préférait.

En annonçant, dans notre troisième Bulletin, que le Comité central de Lisbonne avait cessè d'exister, nous exprimions l'espoir de le voir renaître dans des temps meilleurs, ne nous doutant pas que ce serait, au contraire, une époque de calamités, qui lui fournirait l'occasion de se reconstituer. Emu de pitié pour les victimes de la guerre actuelle, comprenant tout ce que comportent ses devoirs internationaux, il commence à reprendre vie, et se prépare à manifester ses sentiments par ses œuvres.

Dès la réception de la circulaire du Comité international, en date du 18 juillet dernier, relative à la création, à Bâle, d'une Agence internationale de secours aux blessés des armées belligérantes, le Comité central en a informé le public, par la voie des principaux organes de la presse russe. II a procédé en outre à la convocation, à Saint-Pétersbourg, d'une assemblée générate extraordinaire, à l'effet de fixer la part de concours que la Société russe serait à même de prendre dans l'assistance des blessés. Dans la rédunion qui a eu lieu à cet effet, le 10 août dernier, il a été convenu :

1° D'expédier, d'urgence, à Bâle, en qualité de délégué de la Société, M. de Hübbenet, professeur à l'Université de Kiew, accompagné de 7 médecins; il leur a été alloué des émoluments pour trois mois et des frais de voyage ;

2° D'adresser, par la voie de la presse, un appel aux médecins russes, en vue d'en expédier encore un certain nombre à la disposition du professeur de Hübbenet, en leur attribuant, sur les fonds de la Société, des subsides de voyage;

3° De réserver au Comité central, sur les ressources de la Société, un crédit de 26,300 roubles (environ 80,000 fr.), pour faire face aux défenses qu'exigeraient les secours aux blessés.

La Société suédoise de secours aux militaires blessés, convoquée en réunion extraordinaire, a résolu d'envoyer d'emblée à l'Agence internationale, à Bâle, environ la moitié de son capital, soit vingt mille francs, pour être distribués aux blessés des deux nations belligérantes. La Société avait seulement en vue le soulagement des blessés, à quelque nation qu'ils appartinssent, et voulait surtout que l'argent qu'on allait expédier, fût employé de la manière la plus efflcace là ou le besoin serait le plus pressant. C'est pour cela que la Société s'est adressée à l'Agence internationale, et qu'elle s'eat abstenue de lui donner des indications spéciales pour l'emploi de son offrande, persuadée qu'elle était que cette Agence, loin de céder à quelque impression de sympathie ou d'antipathie politique, s'acquitterait de cette charge aussi consciencieusement que possible.

Le Comité central de secours pour les militaires suisses s'imposa trois tâches différentes:

1° Coopération au service sanitaire de l'armée suisse;

2° Secours aux families des militaires appelés sous les drapeaux;

3° Enfin, dans la mesure de ses forces, secours aux blessés des armées belligérantes;