Les livres, articles et publications diverses sur la crise universitaire de maijuin 1968 ne manquent pas. Ils se comptent au contraire par dizaines, voire par centaines. Mais il est frappant qu'il n'en est guère, même lorsqu'ils sont écrits par des sociologues, qui s'appuient systématiquement sur les informations relatives au fonctionnement du système universitaire, qu'elles proviennent des recherches de la sociologie elle-même, ou d'études entreprises dans un cadre administratif.

L'abbé Breuil est décédé en août 1961. En un demi-siècle, son enseignement était devenu classique. Or, en quelques années, se sont manifestées des innovations, en anthropologie et en préhistoire, que l'on qualifie à bon droit de révolutionnaires : elles sont dues principalement à M. André Leroi-Gourhan.

L'adolescence ne constitue pas une catégorie anthropologique constante, mais une catégorie historique. Il y a des civilisations sociologiquement sans adolescence. Dans les sociétés archaïques, les mécanismes sociaux de l'initiation, épreuve ritualisée, cruelle et longue où l'enfant doit mourir pour naître adulte, opèrent une mutation et scotomisent les transitions psychologiques de l'adolescence. Dans la plupart des sociétés historiques, l'absence de scolarité et la précocité du travail font de l'adolescence une réalité quasi clandestine, privée de statut culturel.

Il y a une dizaine d'années, je tentai de démontrer que les fresques paléolithiques étaient composées et non distribuées au hasard des parois décorées. Cette composition me semblait se référer à un système de la nature où s'opposaient un principe mâle symbolisé par les bovidés et un principe femelle symbolisé par les équidés.

L'idée fut reprise par A. Leroi-Gourhan, et celui-ci, après une étude détaillée, arrivait à une conclusion inverse et suggérait que, dans l'art paléolithique, le bovidé était femelle, et l'équidé, mâle.

Quand Edgar Morin débarque à Plodémet (Sud-Finistère), chargé d'une mission de « sociologie du présent », il s'intéresse au changement, à la modernité, à la métamorphose sociale et politique de la France. Mais on voit bien mal ce qu'on a sous les yeux. Partir pour Plodémet, si lointain au bout des terres, c'est se donner le champ nécessaire. Pourtant, comme cette fin de France est une commune en France, c'est à peine partir. Tout invite à n'entreprendre qu'un voyage philosophique, où le plodémétien, aussitôt oublié qu'aperçu, figurerait le Huron devant l'homme de la ville, chargé surtout de faire saisir à celui-ci sa propre modernité, ou mieux encore, de déterminer, par la découverte d'une modernité commune, l'essence de la modernité.

La Peste, « ce grand personnage de l'histoire d'hier » (B. Bennassar), n'a commencé à livrer ses secrets historiques que pour la grande épidémie qui a commencé en 1348. Les deux pandémies antérieures — celle de l'Antiquité, celle du Haut Moyen Age — attendent encore au seuil de l'historiographie. Les histoires générales du Haut Moyen Age ignorent ce grand et long événement ou le mentionnent sans s'y attarder. Ces silences ou demi-silences ne s'expliquent pas seulement par l'ignorance ou la paresse intellectuelle des historiens. Ils sont en partie justifiés par les difficultés d'une information sûre. Les textes sont peu nombreux et vagues, l'historiographie de la peste est encombrée par des études de valeur scientifique douteuse, la chronologie et la géographie du phénomène sont malaisées à établir.

Calimera est l'un des neufs villages de la Terre d'Otrante où l'on parle encore un dialecte d'origine grecque, le « grico », que les Grecs ne comprennent d'ailleurs pas. Situé au sud de Lecce, loin des grandes voies de communications et de toute ligne de chemin de fer, ses 5 805 habitants s'entassent dans de petites maisons carrées à toits en terrasses autour de la « place », le centre de la vie publique, avec sa mairie, un café, une banque, l'église, l'école, le poste des carabiniers, quelques boutiques, son restaurant (fait notable pour la région), le siège du parti monarchiste, et les quelque quinze maisons à deux étages des familles fortunées, les seules à avoir une salle d'eau.