(…) por ce est il droiz que li contes le vos die, car autrement seroit ce uns enlacemenz de paroles se il ne devisoit la vérité et il n'esclairoit ces choses porquoi eles furent ainsi establies.
Au-delà d'un enchevêtrement de paroles trompeuses, illusoires car se bornant à effleurer la surface des choses, le récit se réclame d'une ambition plus haute : dire la vérité, faire la lumière sur tous les événements racontés, en circonscrire l'origine, en déterminer la cause. Toutefois, pour échapper à cette circularité déprimante, qu'il récuse, force lui est de recourir à d'autres paroles, d'ourdir d'autres toiles, si bien qu'il se trouve entraîné, pris au piège de sa propre logique, dans un engrenage sans fin. Les diverses Suites du Merlin s'inscrivent dans un tel processus. Ces textes, volontiers prolixes, qui visent à faciliter l'insertion du corps étranger que constitue le Merlin dans le cycle du Lancelot-Graal, ont vocation à explorer les antécédents de faits déjà connus qui seront exposés plus loin, compte tenu du décalage existant entre la chronologie interne du récit et celle de la composition.