Une entreprise commerciale, industrielle, bancaire, repose en définitive sur le pays où elle agit et l'on ne saurait impunément s'abstraire des contingences locales. Mais le désir d'aller vite et de réaliser rapidement de gros placements ou de larges bénéfices a parfois fait reléguer ces vérités, bien qu'on puisse à bon droit les considérer comme élémentaires, dans le magasin des accessoires de luxe. Rien ne sert de courir, il faut partir à temps — et bien muni.

Trop souvent, de nos jours, l'histoire de l'antiquité et celle du moyen âge font figure de mondes séparés. La raison en est claire, les sources sont, de part et d'autre, de nature différente ; différentes aussi, par suite, les méthodes d'investigation. Cette cloison étanche n'en apparaît pas moins des plus nuisibles. Les inconvénients s'en font sentir avec une force particulière dans le domaine de l'histoire économique où, fréquemment, la comparaison s'avère indispensable à l'intelligence des documents. Sans la connaissance des méthodes commerciales du moyen âge, par exemple, nous ne pourrons jamais saisir celles de l'antiquité. Inversement, la connaissance de l'antiquité est nécessaire au médiéviste.

Deux livres, importants et par leur objet, et par leur auteur. Deux livres qui, sans se compléter, encore moins se doubler, s'appuient l'un l'autre et s'éclairent l'un par l'autre. Ils vont nous donner, avec quelques raisons d'espérer, quelques raisons de chercher. Toute la vie de l'historien.

Ce n'est point hasard si, de toutes les formes de la recherche érudite, l'interprétation des noms de lieu fut la seule, semble-t-il, à éveiller la curiosité d'un Marcel Proust. Comment un esprit sensible à la poésie du temps écoulé resterait-il sans résonance devant ces vivants témoignages du passé ? Mais le rêve n'est, ici comme ailleurs, qu'un chemin vers une connaissance plus approfondie. Pour tous les historiens — et les géographes — que préoccupent les problèmes du peuplement, substrat nécessaire de toute enquête sur les sociétés humaines, la toponymie a rang d'instrument proprement indispensable. Peu d'entre nous, malheureusement, possèdent la culture linguistique, à la fois très vaste et passablement spécialisée, qu'impose le maniement personnel de l'outil.

Les dernières années du XVIIIe siècle après la chute de l'ancienne Pologne, le XIXe, les premières années du XXe siècle enfin, jusqu'à l'armistice de 1918, forment dans l'histoire de la Pologne une époque spéciale. Cette division a été adoptée par l'histoire économique et sociale de l'ancienne Pologne qui attirait déjà l'attention des historiens polonais de la seconde moitié du XIXe et du début du XXe siècle. Il n'en était pas de même pour l'époque succédant aux partages. La seconde moitié du XIXe et le commencement du XXe siècle ont été étudiés alors beaucoup moins par les historiens que par des économistes. Après la guerre mondiale, les questions économiques se sont transformées en problèmes historiques et, actuellement, ce ne sont que les historiens qui en entreprennent l'étude. L'accès aisé, de nos jours, aux actes des archives est de nature à faciliter grandement les recherches qui, pourtant, ne se développent pas aussi vite qu'on serait en droit de l'espérer.

Préoccupées, à juste titre, on a pu le voir souvent, de l'avenir des études historiques en France, convaincues qu'il est aujourd'hui plus que jamais nécessaire d'en renouveler l'esprit et les méthodes, les Annales, qui entendent ne pas vivre dans l'abstraction, ne sauraient se désintéresser de la formation des jeunes historiens. Ni, par conséquent, des problèmes, angoissants entre tous, que posent les règlements, l'esprit, la pratique du concours actuel d'agrégation. Et sans doute ces problèmes, qui ne sont pas seulement de technique universitaire, mais touchent à quelques questions vitales d'organisation intellectuelle, faudra-t-il bien qu'un jour nous les abordions de front. Notre dessein, pour l'instant, est plus modeste. C'est un simple calcul que nous voudrions mettre sous les yeux du lecteur.

Un véritable Atlas de France — il nous aura fallu l'attendre longtemps. Je veux dire, la synthèse cartographique de toutes nos connaissances actuelles sur la structure physique, le climat, l'hydrographie, les grands aspects botaniques et zoologiques, l'activité agricole, industrielle et commerciale, l'organisation administrative, les divisions politiques et religieuses, la population et le mode de peuplement du pays. Il nous aura fallu l'attendre longtemps, sinon patiemment. Mais depuis 1920, notre école de géographie française, si active, a pensé que l'heure était venue de donner comme couronnement à tant d'investigations de détail une œuvre d'ensemble qui résume et groupe ses acquisitions récentes.

A ceux qui s'intéressent au problème des classes sociales au moyen âge, on ne saurait trop recommander la nouvelle étude que Mr Marc Bloch vient de consacrer au servage, en faisant spécialement état de documents français, étude riche de faits et d'idées qui, malheureusement, a para dans un périodique étranger médiocrement accessible aux lecteurs français.

Conçu comme un état de sujétion personnelle et héréditaire, qui a pour effet de soumettre l'homme de corps à la juridiction de son seigneur, le servage est caractérisé par trois redevances : le chevage, de montant faible, mais de perception régulière, la taxe de formariage et la mainmorte.

C'est aux rapports de la Haute-Allemagne avec la Hanse, dont l'étude générale a été suscitée par Mr Rôrig, que se rattache le travail de Mr Nordmann : le développement historique des faits concrets du commerce de Nuremberg et de Lübeck du XIVe siècle à la fin du premier tiers du XVIe . Aux commerçants de la première ville considérés avant tout s'en joignent d'autres de l'Allemagne du Nord et aussi de Lübeck même.

Les relations des deux cités commencèrent au XIVe siècle, mais, jusqu'à la fin du siècle, la pénurie des sources nous laisse dans l'ignorance des détails.

Le mémoire du Commandant H. Navel sur les mesures agraires de la Normandie mérite d'être donné en modèle à tous les érudits qui auront le courage de s'engager, à leur tour, sur ce chemin ardu, mais riche de promesses. Il frappe, tout d'abord, par l'abondance, la précision et la solidité critique des renseignements qu'il apporte sur la valeur des anciennes mesures, ramenées à l'étalon métrique. A ce titre les historiens des campagnes normandes salueront en lui le plus indispensable des outils comme le plus sûr. Mais ne nous laissons pas tromper par la simplicité du ton. Cette modeste brochure est beaucoup mieux qu'un répertoire. Ingrates seulement en apparence, les études métrologiques, aux mains d'un chercheur intelligent, se muent en instruments de sondage capables de déceler quelques grands courants de civilisation.

Il n'est pas nécessairement besoin de remonter à l'antiquité ou à la préhistoire pour découvrir des domaines inexplorés : l'histoire contemporaine peut en offrir encore. Sur un sujet un peu spécial, mais qui est d'importance, Mr Harry D. White nous en administre la preuve et comble du même coup, fort utilement, une lacune de l'histoire économique française du dernier demi-siècle.

On sait de reste que le Français est assez peu statisticien de nature, et que, si, à cet égard, il a sérieusement progressé depuis une quinzaine d'années, il le doit principalement aux exemples américain et allemand. Avant la guerre le travail statistique était dans notre pays à la fois retardataire et très fragmentaire ; c'est ainsi que le début de l'étude de Mr White sur la balance des comptes internationaux de la France de 1880 à 1913, doit commencer par cette constatation que, pour cette période, il n'a été tenu chez nous à cet égard aucune statistique.

Mr G. Demorgny a voulu attirer l'attention du grand public sur les questions redoutables que posent les divergences politiques des États de l'Europe centrale, leur réorganisation économique, les rapports de l'Italie avec la Yougoslavie et la France. Ancien secrétaire général de la Commission européenne du Danube, il semblait devoir être particulièrement informé de ces problèmes ; mais, d'autre part, sa situation officelle l'a peut-être gêné, car, s'il consacre presque tout son livre à l'exposé des négociations, il n'y apporte à peu près rien de nouveau. Les questions économiques sont traitées trop brièvement à notre gré, sauf quelques statistiques sur le commerce extérieur des pays danubiens (p. 219-231). Son utilité, pour les historiens, sera celle de présenter un recueil commode des faits et textes diplomatiques, depuis l'avant-guerre jusqu'aux tentatives de Fédération européenne, à la conférence de Stresa, aux discussions sur les emprunts, au Pacte à quatre y compris.