Au fond, un même sujet. Un même très grand sujel. Deux beaux et Lons livres qui le prennent, chacun, par un biais différent; en se réclamant de méthodes à la fois parentes et diverses. Deux beaux et bons livres dont les auteurs, naturellement, se sont ignorés, et qui, paraissant à peu près en même temps, furent sans doute une surprise pour l'un et pour l'autre — comme dut être une surprise pour tous deux l'apparition, presque simultanée, d'un troisième livre venant, à la même heure, dire aussi son mot sur une question sœur. Un bel exemple,de ce qu'il y a d'inorganisé dans la recherche historique, et, tout à la fois, de vigoureux dans la sève française. Une telle aubaine n'échoit pas tous les jours à l'historien. Ne marchandons point aux auteurs l'intérêt que méritent et leur tentative, et leur réussite…

Le beau livre de Maximilien Sorre, Les bases biologiques de la Géographie humaine, essai d'une écologie de l'homme — sur lequel, dans un volume précédent des Mélanges, Lucien Febvre a déjà attiré l'attention de nos lecteurs — n'est pas, comme son titre l'indique à l'avance, un ouvrage de conclusion ou d'ensemble sur la géographie humaine. L'œuvre est capitale, d'un intérêt puissant, elle pose beaucoup de problèmes, mais non pas tous les problèmes à la fois. Elle est une découverte, une recherche limitée, exposée dans tous ses détails, une série de prises de contact. D'où ses prudences, ses procédés et ses solutions. Plus qu'une introduction originale et solide, aussi concrète et terre-à-terre que possible, à un traité de géographie humaine générale, qui reste à décrire : disons, une première opération, le développement d'un thème préalable.

En signalant, ici même, le nouveau livre (et le livre nouveau) de Maximilien Sorre, je notais, il y a quelques mois, qu'il ne posait pas seulement de gros problèmes de fait, mais des problèmes de méthode de grande importance. Et j'ajoutais qu'à son propos une discussion s'engagerait fort opportunément sur la géographie : disons, plus particulièrement, sur l'état actuel des idées et des méthodes de nos géographes.

L'article vigoureux et nuancé de Fernand Braudel, qui nous est arrivé du fond d'un camp de prisonniers, entame par un biais cette discussion. Il propose, à propos du travail de Sorre, la grosse question : individu ou société ; disons plus spécialement : individu biologique ou individu social ? Et, certes, il se suffit à lui-même. Je voudrais, cependant, rappeler d'un mot, dans cette note d'après lecture et pour montrer l'intérêt actif que j'ai pris au débat, que cette grosse question ne se pose pas seulement au regard de la géograhie.

Le livre de A. S. Tuberville — English men and manners in the eighteenth century. — livre déjà ancien (la première édition remonte à 1926), vient d'être réimprimé luxueusement par l'Université d'Oxford, sur beau papier, et avec un soin qui prouve qu'on n'oublie pas entièrement les arts de la paix dans la fureur de la guerre… Il s'inscrit dans une série de belles publications sur les antiquités nationales : « Les loisirs à travers les siècles » ; « Femmes de Lettres et Femmes du monde » ; « Les voyages au XVIIe siècle » ; Les industries, le commerce et la vie au Moyen-Age » ; « L'Angleterre de Shokespeare » ; celle du Dr Johnson ; « L'Histoire de la chambre des lords » — d'autres encore, que je passe, et dont nous n'avons guère l'équivalent en France. Livres chers, beaux livres, mais livres d'usage cependant, et non de luxe, compagnons indispensables du maître et de l'élève dans leurs études littéraires et historiques.

L'attention a été attirée ici-même sur les recherches relatives à l'histoire sociale collective — à l'histoire des associations. Dans la courte note suivante, notre intention est non pas d'ordre scientifique, mais d'ordre pédagogique, si l'on nous passe l'expression. En prenant pour texte les statuts d'une association professionnelle médiévale, nous désirons non pas étudier proprement cette dernière et tirer du document tout ce qu'il peut donner, mais le décomposer, l'analyser dans ses principaux éléments el signaler ses parties essentielles ; nous voudrions ainsi, sur un exemple précis, rédiger une sorte de guide et finalement tracer un plan d'études.

Le mot de « concentration » est susceptible de recouvrir bien des choses différentes. Pour écarter toute ambiguïté, il ne suffirait pas d'indiquer que nous n'avons en vue ni la concentration géographique, ni la concentration technique en grandes unités de production, mais la concentration économique. En effet, on peut dire qu'il y a concentration économique dans une industrie lorsque, la production augmentant ou restant constante dans l'ensemble, le nombre des entreprises diminue, ou même lorsque le nombre des entreprises augmentant, la part relative des grandes entreprises dans la production totale s'accroît. Une telle concentration ressort essentiellement des comparaisons de statistiques. Or, l'industrie hydroélectrique, surtout envisagée dans un cadre régional étroit, ne se prête guère à des études statistiques de ce genre ; en outre, la taille des entreprises hydro-électriques est en partie déterminée par des conditions naturelles impérieuses, ce qui ôte à la concentration, aux sens envisagés, jusqu'ici, beaucoup de sa signification.

La thèse de M. A. Dupont. Les villes de la Narbonnaise première depuis les invasions germaniques jusqu'à l'apparition du Consulat, est trop étendue pour que nous puissions songer à en donner une analyse complète. Nous nous bornerons donc à une sorte de table des têtes de chapitres. Le livre I expose l'affaiblissement des cités dans la Narbonnaise au cours des trois périodes impériale (du 1er au IVe siècle), wisigogothique (du Ve au début du VIIe) et musulmane (du VIIIe jusqu'à la reconquête de Pépin le Bref, 721-768). Le livre II comprend « le resaisissement » des cités pendant la période carolingienne, de 768 à 877, puis « l'épreuve féodale », de 877 à la fin du XIe siècle. Le livre III expose l'épanouissement des cités et de la vie urbaine, les transformations intérieures des villes et l'apparition du régime consulaire, de la fin du XIe siècle jusqu'à la seconde moitié du XIIe exclue.

L'historien de la Réunion de Metz à la France, Gaston Zeller, vient de publier dans les Annales de l'Est, publiées par la Faculté des Lettres de l'Université de Nancy, un excellent petit livre consacré au Siège de Metz par Charles-Quint (octobre-décembre 1552). Enrichi de quatre planches d'illustrations — deux portraits et deux plans — il se compose de deux parties : une étude sur le siège, qualifiée modestement d'Introduction : 86 pages ; et un recueil de pièces et de documents : 154 pages. Pour finir, 17 pages de conclusions et une note sur le Siège de Metz dans la poésie et la chanson (6 pp.). En somme, d'un côté 103 pages d'études personnelles, nourries et, comme nous allons le voir, d'un vif intérêt. De l'autre côté, 154 pages de documents. Appeler Introduction le travail neuf, fécond, original de l'historien — et l'immoler, en quelque sorte, devant la majesté des documents — je me fais de moins en moins, je l'avoue, à cette habitude, si vénérable soit-elle et si consacrée par une longue tradition.

Les biographies de Philippe II se succèdent sans grand bénéfice pour nos études. Un besoin d'amour aveugle les anime, de réhabilitation à tout prix, de surestimation, de méditation sans limite… Car, à propos du Roi Prudent, si souvent perdu de vue, c'est l'esprit religieux en soi qui est mise en cause, ou la catholicité, ou plus encore l'Espagne, que l'on veut saisir dans son originalité irréductible, dans son essence, dans sa, dans ses grandeurs..

Hier, c'était à qui stigmatiserait le Démon du Midi, celui qu'Auguste Comte appelait, sans remords, un « rétrogradeur de l'humanité ». Hier, c'est-à-dire avant la parution, en 1912, dans sa version française, du petii livre combatif du Danois Bratli, qui a vraiment porté un coup décisif à la légende noire de Philippe II, — à cette legenda nigra contre laquelle les historiens de la Péninsule, eux surtout, s'étaient déjà si vivement inscrits en faux.

M. Jean Bouchary, à qui l'on doit un excellent instrument de travail sur « Le Marché des changes de Paris à la fin du XVIIIe siècle », publié en 1937, dans la Collection des Mémoires et Documents relatifs à la vie économique de la Révolution, a entrepris une histoire du crédit privé à Paris à la même époque. Parallèlement à des études sur les manieurs d'argent, il nous a procuré en trois volumes un remarquable ensemble documentaire sur Les Compagnies financières à Paris à la fin eu XVIIIesiècle. On n'analyse pas un tel répertoire, mais on doit signaler et sa richesse et sa précision. Force est donc de nous contenter ici de donner un résumé trop sommaire du contenu d'un ouvrage très dense.