En Novembre 1985, à l'occasion de la finale de la Coupe du Zaire des clubs champions opposant Tshinkunku de Kananga à Bilima de Kinshasa, la “UNE” de la rubrique sportive du quotidien de Kinshasa Salongo décrivait ainsi la mobilisation des habitants de Kananga:
L'hallali de guerre résonna: toutes les vieilles sorcières des Bakwa
Katawa et Bena Mutombo accoururent “nues” à l'appel du grand chef
Kalamba pour immoler Bilima.
Ce reportage, qui passa presqu'inaperçu, avait pourtant un caractère hautement symbolique puisqu'il traduisait une réalité devenue banale: la division de fait du groupe ethnique “Luluwa,” qui avait cent ans d'existence, en deux groupes distincts, les Bakwa Katawa et les Bena Mutombo.
Ce constat nous poussa à en savoir davantage sur les origines du groupe ethnique usager du Ciluba appelé “Luluwa,” sur les influences que le groupe a subies, la stabilisation de sa dénomination, le moment privilègié de la création de ce groupe, et enfin la dynamique de sa scission en deux groupes presque antagonistes. Notre hypothèse de travail est que l'administration coloniale n'a pas créé de toutes pièces un groupe ethnique ex nihilo; elle a mis en place un cadre et des institutions qui ont permis l'élargissement de l'identité ethnique existante à un ensemble plus grand. Il en est résulté un “centre“ et une “périphérie.” Le centre comprend les descendants de Mande Katawa (Bena Kapuku, Bena Mande, Bena Mukadi, et Bena Mukangala), les descendants de Ntiite Maloba, et ceux de Muena Mushilu; ces clans entourent en quelque sorte la ville de Kananga. La “périphérie” comprend tous les clans qui ont en commun l'éloignement géographique de la ville de Kananga, et done un accès un peu tardif à la modernité.