Les psychoses majeures telles la schizophrénie sont des troubles complexes qui peuvent impliquer des interactions multiparamétriques comprenant des facteurs génétiques et environnementaux comme des infections. Des études successives ont montré une association entre la schizophrénie et les rétrovirus endogènes humains (HERV). Les HERVs sont des composants du génome humain qui représentent 8 % de l’ADN chromosomique. Depuis plus d’une décennie, une famille spécifique de HERV, HERV-W, a été associée à la schizophrénie. Or, une fois activée, l’expression HERV-W peut être à l’origine de la production d’une protéine d’enveloppe (HERV-W Env) aux propriétés pro-inflammatoires et cytopathogènes via une très haute affinité pour le toll-like receptor 4 (TLR4). Ainsi la sécrétion de cette « toxine endogène » ou sa présentation à la surface des cellules productrices, induit une forte activation des voies de signalisation TLR4 dans les cellules du système immunitaire ou du tissu cérébral (microglie, en particulier). Une transcription élevée des gènes HERV-W a été rapportée dans des études effectuées sur différentes populations de patients schizophrènes en Europe, en Amérique du Nord et en Chine. Les antigènes de capside et d’enveloppe des protéines HERV-W ont été mis en évidence dans des échantillons de sang de patients schizophrène corrélant avec le dosage de CRP (marqueur d’inflammation), ceci, dans la sous-population des patients ayant une CRP positive. Par ailleurs, on a montré que certains Herpesviridae (CMV, HSV…), le virus influenza ou le parasite Toxoplasma gondii, qui sont des facteurs positivement associés à un risque plus élevé de développer une schizophrénie, avaient la capacité d’activer des éléments de la famille HERV-W dans certaines cellules. Les études expérimentales ainsi effectuées, démontrent que des facteurs environnementaux peuvent induire une modification de l’expression de ces éléments génétiques et, ainsi, induire une production auto-entretenue de protéine pathogène codée par certaines copies HERV-W. Différentes études ont aussi montré un effet potentiel de HERV-W Env sur le développement et le fonctionnement neuronal, via la dérégulation de neurorécepteurs (NMDA/DRD3) ou de facteurs comme le BDNF. D’autres paramètres de ces interactions complexes ont aussi été mis en évidence, comme certains profils immunogénétiques (HLA/génotype TLR4 susceptibles aux infections), un faible contrôle épigénétique (infections périnatales), des toxiques (cannabis ?) ou des stress particuliers. La résultante de ces interactions multiples, peuvent permettre de relayer les effets des facteurs environnementaux au niveau d’une expression génique HERV-W anormale codant pour une protéine immuno- et neurotoxique. Ainsi, HERV-W pourrait constituer un élément pivot dans la pathogenèse de la maladie, une fois activé au niveau du génome de certaines cellules. Par conséquent, notre hypothèse est qu’un événement infectieux ou inflammatoire majeur au cours de la grossesse, peut déclencher l’activation des éléments de HERV-W dans l’embryon ou le nouveau-né. L’activation de ces HERVs qui peuvent rétrotransposer dans le génome affecté, pourrait provoquer des modifications de l’ADN telles qu’observées ultérieurement chez les malades atteints de schizophrénie (CNV, microdélétions ou réarrangements génétiques, etc.). Un remaniement du génome HERV-W et d’éléments « génétique mobiles » associés, pourrait causer une expression aberrante HERV-W et conduire à un développement neurologique anormal, dans un contexte général de neurotoxicité inflammatoire. Des conditions de stress particulières et/ou des infections secondaires avec des agents neurotropes tels que, par exemple, le cytomegalovirus (CMV) ou le virus de l’herpès simplex de type 1 (HSV-1), pourraient alors venir augmenter ou réactiver l’expression des éléments modifiés de HERV-W modifiés ou dérégulés. Ceci conduirait à atteindre un seuil d’expression qui déclencherait des épisodes neuro-inflammatoires et/ou neurotoxiques à l’origine d’une symptomatologie psychotique aiguë. L’existence d’anticorps neutralisant cette toxine endogène, dont une IgG4 humanisée est actuellement développée en phase II d’essais cliniques pour d’autres pathologies neuro-inflammatoires, suggère que des études précliniques sont nécessaires pour étayer des stratégies de traitement spécifiques analogues. Une telle approche innovante ciblant une protéine endogène qui agirait en amont de la cascade pathogénique responsable de l’évolution de la maladie schizophrénique, pourrait la neutraliser et, potentiellement, réduire puis prévenir la survenue d’épisodes psychotiques ainsi que les conséquences neuropathologiques induites.