Hors du temps d'Alain Boyer est l'un de ces livres qui prêtent volontiers à la critique et à la discussion, non seulement en raison des thèses soutenues par l'auteur, qui sont, de son propre aveu, controversées, mais à cause également du ton employé, souvent polémique, parfois même irrévérencieux ou iconoclaste. Et sans doute l'un des buts essentiels de l'ouvrage consiste-t-il à déboulonner une statue, non pas tant celle du philosophe Kant, dont l'auteur reconnaît le génie et l'importance, mais celle d'un certain Kant élevé au rang de chantre des modernes ou d'apôtre du pluralisme, de la liberté d'expression et du dialogue intersubjectif. Bien qu'il ne conteste pas complètement la vision poppérienne d'un Kant Aufklärer, Alain Boyer entend néanmoins la nuancer: maints aspects de la philosophie de Kant s'éloignent effectivement de l'Aufklärung. Il s'agira pour lui de montrer que Kant est un philosophe tant de l'ordre que de la liberté et que bien qu'il soit le père du criticisme, il n'en est pas moins lui-même un métaphysicien dogmatique cherchant avant tout à sauver la morale et la religion du péril que lui font courir ses principaux ennemis: les sceptiques empiriques, les rêveurs délirants ou les libres-penseurs.