La société urbaine pose à l'habitant d'une ville comme à l'historien un problème de fond: comment, au vu de la diversité et des fluctuations de la population urbaine, le citadin peut-il y découvrir le sens de l'identité ou de la solidarité ? En ville, les tensions ont de tous temps existé et ceci n'étonne personne. Ce qui est plus surprenant, c'est que malgré ces tensions, les sociétés urbaines aient pu, et même pendant de longues périodes, survivre à ces tiraillements sans se fragmenter de manière irrémédiable. Les historiens ont cherché à identifier les forces qui rendaient possible cette résistance, ils ont parfois invoqué des catégories de « classe » simplistes, imputant une stabilité au pouvoir présumé de « l'élite marchande » ou de l'« oligarchie urbaine » ; au contraire, les habitants de niveau plus modeste étaient assimilés au « salariat » ou aux « masses non affranchies ». Imposer des concepts aussi mal définis, c'est en préjuger la conclusion. En fait, les recherches empiriques révèlent que les habitants des villes médiévales (qu'ils soient natifs ou d'immigration récente) ont eu recours à un large éventail de stratégies pour consolider, dans la ville, leur position par des liens délibérément élaborés de clientèle, de voisinage, de parenté, d'intérêts économiques ou de fraternité artificielle, laquelle est une parenté de substitution. Cet article se veut une contribution à une littérature de plus en plus abondante sur ces solidarités sociales et pieuses de l'Europe médiévale.