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Présentation d'un document : le journal de Me Lucien Vidal-Naquet

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Pierre Vidal-Naquet*
Affiliation:
EHESS

Extract

Le texte que je voudrais vous présenter, le Journal qu'a tenu mon père, Lucien Vidal-Naquet, entre le 15 septembre 1942 et le 29 février 1944, n'est pas complètement inédit. De larges extraits en ont été reproduits dans un mensuel juif en 1960, mais accompagnés de commentaires si insultants — il n'est pas de communauté qui n'ait ses intégristes — que j'ai été obligé de protester. Dix ans plus tard, un collaborateur de ce même mensuel osa écrire dans Combat (8 avril 1970), et pour mieux m'insulter, moi, que ce « doux avocat », ce « doux Français », ce « Juif doux », s'en est allé finir sa vie à Auschwitz, dans la chambre à gaz, « comme on prend sa retraite ». Vous comprendrez que dans ces conditions j'ai, depuis trente ans, éprouvé quelque hésitation avant de parler à nouveau de ce témoignage.

Summary

Summary

The author here gives us a brief biography of his father, Lucien Vidal-Naquet, a lawyer, and presents the journal he kept from September 1942 to February 1944. On May 15, 1944, Lucien Vidal-Naquet was deported to the internment camps of Baumettes, Drancy, and finally to Auschwitz, never to return. Lucien Vidal-Naquet was a “dejudaïzed Jewish bourgeois” (as wrote Raymond Aron) and a French patriot appalled by the armistice and the Vichy régime. Prevented from practicing law from 1942 on, he refused to flee a danger the seriousness of which he fully appreciated.

Type
La Politique Antijuive
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1993

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References

1. Voir L'Arche, n° 44 (septembre 1960) et 46 (novembre 1960).

2. Carnets du pasteur Boegner, 1940-1945, Paris, Fayard, 1992, coll. « Pour une histoire du xx’ siècle » ; Rist, Charles, Une saison gâtée. Journal de la guerre et de l'Occupation, 1939-1945, établi, présenté et annoté par Jeanneney, J.-N., Paris, Fayard, 1985.Google Scholar

3. Lambert, R. R., Carnet d'un témoin, 1940-1943, présenté et annoté par Cohen, R., Paris, Fayard, 1985.Google Scholar

4. Bloch, Marc, L'Étrange défaite, nouvelle éd., préf. de Hoffmann, St., Paris, Gallimard, «Folio», 1990.Google Scholar

5. Marc Bloch à Etienne Bloch, Lettres de la drôle de guerre. Établi et présenté par F. Bédarida et D. Peschanski, Cahiers de l'IHTP, 19, décembre 1990.

6. Ils se sont rencontrés pour la dernière fois le 8 octobre 1939, à Charleville. Ce jour-là, fut prise une photo regroupant Raymond Aron, Georges et Lucien Vidal-Naquet. C'est ce dernier qui est le plus militaire des trois. Raymond Aron est, lui, entièrement étranger à son uniforme.

7. Birnbaum, Pierre, Les Fous de la République. Histoire politique des Juifs d'Etat, de Gambetta à Vichy, Paris, Fayard, 1992.Google Scholar

8. La constitution du Cabinet Millerand lui inspira ce commentaire (lettre du 21 janvier 1920) : « Ce qu'il y a de plus remarquable, c'est la quantité de noms qui ne le sont pas. J'ai constaté que nous — et par « nous », je veux dire Papa — n'y connaissons personne, si ce n'est le sympathique président lui-même ». Il s'agit, selon Lucien Vidal-Naquet, d'un « cabinet d'affaires ». Détail plaisant, le ministre des Finances de ce cabinet d'affaires, F. François- Marsal, sera à la fin des années trente le principal client de Lucien Vidal-Naquet.

9. Association amicale des secrétaires et anciens secrétaires de la Conférence des avocats à Paris, Annuaire 49 (1954), pp.237-253, cf. p.242. La notice sur Lucien Vidal-Naquet est due à Paul Arrighi. Elle n'est malheureusement pas exempte d'erreurs de détail.

10. J'ai eu connaissance de ce sobriquet par Jean Vidalenc.

11. Lettre de Désiré Oono du 12 novembre 1991 à Pierre Vidal-Naquet.

12. L'Etrange défaite, op. cit., p. 207.

13. Carte à Margot Vidal-Naquet du 16 avril 1942.

14. Journal, 10 octobre 1942 ; cf. L'Arche de septembre 1960.

15. Lorsque j'eus treize ans, le 23 juillet 1943, il m'apprit que cet âge correspondait chez les Juifs à la majorité religieuse… et aussi chez les rois de France. Mais lorsque je voulus faire part de ce détail à mon ami Alain Michel, il me coupa aussitôt la parole.

16. L'Étrange défaite, op. cit., pp. 305-331.

17. Le Message de Bernanos (formé d'extraits de sa Lettre aux Anglais ) se trouvait dans sa chambre le 15 mai 1944, lors de l'arrestation de mes parents.

18. Cette lettre inédite est en ma possession.

19. On lit dans le Journal, à la date du 9 novembre : « Notre haut État-major — notre haute bourgeoisie —, quelque laquais de politique aux ordres des uns et des autres ont préféré la défaite de la France à la victoire de la République. Celle-ci renaîtra pourtant. Et ces hommes de boue retourneront au ruisseau, avec un peu de sang, insuffisant à laver leur infamie et notre honte ».

20. Le député communiste avait demandé : « Est-ce qu'on peut passer la brosse ? ». La réponse avait été positive.

21. Mémoires de l'ambassadeur Morgenthau, Paris, Payot, 1919 (réédité chez Flammarion, avec une préface de Gérard Chaliand, en 1984).

22. Sur Pierre Masse et Jacques Frank, voir les notices de Marcel Héraud et de Maurice Alléhaut dans l'Annuaire déjà cité, des secrétaires et anciens secrétaires de la Conférence, respectivement pp. 138-161 et 220-236.

23. Journal, 25 janvier 1943 : « Je n'ai jamais compris comme aujourd'hui ce que peut contenir de tragique le simple mot de terreur ». Sur cet événement voir Ch. Oppetit (éd.), Marseille, Vichy et les nazis ; le temps des rafles, la déportation des Juifs, Amicale des déportés d'Auschwitz et du camp de Haute-Silésie, Section Marseille-Provence, 1993.

24. Je remercie Gérard Brunschwig de m'avoir communiqué cette lettre.

25. Archives nationales, AJ 38, 146.

26. Singer, Claude, Vichy, l'Université et les Juifs, Paris, Les Belles Lettres, 1992, p. 262.Google Scholar

27. En 1927, Lucien Vidal-Naquet avait eu, comme secrétaire de la Conférence, le prix Liouville.

28. P. Arrighi, notice citée, p. 249. Je donnerai un exemple, recueilli grâce à Raymond Weil, de ses réactions en 1940. A l'occasion d'un « thé », en novembre 1940, il entendit le général Alphonse Weyler (lui-même juif) longuement expliquer la défaite par la responsabilité des instituteurs. Il riposta : « Eh bien, mon général, nous avons beaucoup parlé de la responsabilité des instituteurs. Et maintenant, si on parlait de la responsabilité des généraux ? ».

29. Ibid., p 246. C'est l'écho de cette audace qu'a recueilli Aron, Raymond, Mémoires, Paris, Julliard, 1983, p. 162 Google Scholar : « Un courage peut être excessif».

30. M. Alléhaut, notice citée sur Jacques Frank, p. 232.