L’histoire de l’État marocain fut au centre des recherches de la nouvelle école de Rabat des années 1960 aux années 2000. Essentiellement écrit en arabe, cet héritage historiographique est souvent méconnu de la recherche internationale. Il permettrait pourtant de dépasser les lieux communs persistants qui entourent la monarchie marocaine. En reconstituant, depuis les sources nationales, les réalités sociales et culturelles cachées derrière le mot « Makhzen », les historiennes et les historiens marocains ont remis en cause le cliché colonial de relations expéditives et autoritaires que l’État aurait entretenu avec la société. Cet article propose ainsi de revenir d’une manière critique sur cette historiographie en présentant son contexte et les principaux visages qu’elle a donnés à l’État marocain, en repartant des méthodes et des sources déployées par plusieurs générations d’autrices et d’auteurs marocains en dialogue avec les travaux étrangers. Les dimensions économiques, administratives, idéologiques et spirituelles du Makhzen offrent des perspectives originales sur l’histoire de l’État en général. L’article entend ainsi mettre à disposition du public français les lignes fortes de cette école historique, tout en soulignant les chantiers de recherche qu’elle a laissés ouverts. Ce faisant, il propose une définition historiquement informée du Makhzen pour un public non spécialiste. Il souligne enfin et surtout la nécessité, dans la continuité des appels à la parité documentaire en matière de sources, du recours à la bibliographie arabophone pour écrire l’histoire du Maghreb.