Comme des milliers de militants de l’indépendance algérienne, Maurice Audin a disparu à Alger en 1957, après son arrestation par les parachutistes. En France, son nom est devenu l’emblème de la dénonciation de la torture pendant la Guerre d’Algérie. Très engagé dans cette cause, Pierre Vidal-Naquet est ainsi devenu le tout premier historien de la torture et du système répressif à l’œuvre en Algérie. Officiellement, Audin s’est évadé, mais sa femme, Josette Audin, n’a cessé de demander la vérité et la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans la disparition du jeune mathématicien. Après un long combat, Emmanuel Macron a fini par la reconnaître, le 13 septembre 2018, et a annoncé la création d’une dérogation générale pour accéder aux archives non encore ouvertes concernant tous les disparus de cette guerre. Cet article revient sur l’histoire de cette annonce et ses enjeux, selon quatre points de vue : l’identification et la localisation des archives potentiellement concernées ; les évolutions de l’historiographie ; les attentes des familles ; la nécessaire déclassification des archives, à la suite d’une procédure récente et très critiquée qui bloque l’accès aux archives contemporaines. Deux questions émergent alors. D’une part, comment les militants et les historiens ont-ils répondu au déséquilibre qui marque la cause des « disparus », entre Algériens dits « musulmans » à l’époque et Audin, militant communiste, universitaire, Français de nationalité ? D’autre part, du point de vue de l’accès aux archives en général, quels problèmes soulève l’annonce de cette dérogation générale ?