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Science des archives, science de l’histoire

Published online by Cambridge University Press:  12 October 2020

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Abstract

Type
Éditorial
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© Éditions de l’EHESS

« Mais qu’est-ce donc que l’histoire ? Je vais vous le dire… Vous recueillez les faits. Pour cela vous allez dans les Archives. Ces greniers à faits Footnote 1. » Lorsque Lucien Febvre veut attaquer les historiens traditionnels dont il critique le positivisme, il choisit les archives – l’institution autant que les séries –, qui deviennent caractéristiques du déni de l’opération historiographique et de la naturalisation des données historiques. L’histoire qui intéresse Febvre, et avec lui les Annales, est différente : « L’histoire est choix. Arbitraire, non. Préconçu, oui Footnote 2. » De cette position découle une exigence : faire de l’histoire-problème consiste peut-être avant tout à réfléchir au processus continu qui va de la production de documents écrits à leur transformation en archives, puis en « sources » pour la recherche historique. Si, dès les années 1930, l’histoire sociale a tenté, avec plus ou moins de succès, de s’affranchir de l’illusoire transparence des archives en utilisant une grille de lecture sociologique ou des outils quantitatifs et sériels, il a fallu attendre le tournant des années 1970 pour que l’évidence des archives soit globalement remise en cause au sein de la discipline historique. Les propositions de Michel Foucault, de Hayden White et de Michel de Certeau, ainsi que la réflexion sur les protocoles d’enquête en anthropologie et en sociologie, ont alors suscité de nouvelles approches Footnote 3. En témoignent aussi bien la lecture intensive proposée par la microstoria italienne que la singularisation poétique opérée par Arlette Farge Footnote 4.

À partir de la dernière décennie du xxe siècle, ce mouvement s’est amplifié en renouant avec les savoirs élaborés par les archivistes depuis près de deux siècles, souvent ignorés des historiens. La conscience nouvelle de la complexité des rapports entre les archives et l’histoire a été mise en valeur sous le nom de « tournant archivistique », lui-même lié à d’autres « tournants », « matériel » ou « documentaire ». Cette abondance d’étiquettes a été légitimement critiquée Footnote 5, mais la transformation de la place tenue par les archives dans la recherche historique reste un apport intellectuel considérable des dernières décennies, en théorie comme en pratique – un apport dont les Annales, comme d’autres revues, ont essayé de rendre compte Footnote 6. Même si les évolutions historiographiques ne sont jamais linéaires, ni généralisables à l’ensemble d’une communauté de savoir, les archives ont cessé, pour l’essentiel, d’être les « greniers à faits » de l’histoire. Elles sont désormais considérées en elles-mêmes comme des objets de recherche, la notion d’archives englobant à la fois le document, les séries, les institutions qui les conservent, les opérations qui président à leur classement, leur conservation et leur transmission ainsi que celles qui organisent leur lecture, leur prise en compte ou leur oubli par les historiens comme par d’autres utilisateurs.

L’étude critique de ces différentes dimensions des archives est devenue un préalable nécessaire à leur exploitation. Les enseignements qui en résultent sont de plus en plus souvent intégrés à la démonstration historique elle-même, au lieu d’être rejetés dans la périphérie des annexes ou des listes de sources Footnote 7, même si l’introduction aux inventaires établis par les archivistes demeure un genre sinon méconnu, du moins insuffisamment exploité. C’est pour affronter cette question que les Annales ont choisi de consacrer ce numéro spécial aux archives plutôt que de les relativiser en les confrontant, par exemple, à la diversité des autres vestiges du passé qui documentent le travail historique. En revenant aux archives, il s’agit cependant moins de réaffirmer un socle de l’identité disciplinaire que de s’interroger, avec distance, sur leur place, aujourd’hui, dans l’émergence d’une nouvelle réflexivité historienne.

Nouveaux enjeux, nouvelles questions

De nouveaux malentendus sont nés de cet engouement récent pour des archives qui ne seraient plus considérées comme un gisement inerte, mais comme un problème historiographique. Cette évolution a pu conduire, depuis trente ans, à des réactions opposées, également discutables. D’une part, on observe une esthétisation ou une fétichisation des archives, où le postmodernisme, qui a fini par leur faire une place Footnote 8, se mêle à la résurgence d’une conception romantique marquée par Jules Michelet, faisant des archives le tombeau d’où s’élève la voix des morts. D’autre part, on assiste à un retour du positivisme le plus classique, qui prend prétexte des tournants documentaire ou archivistique pour défendre une conception purement idiographique et érudite de l’histoire. Ces attitudes divergentes rappellent aussi combien l’objet « archives » ne fait nullement consensus dans une communauté scientifique elle-même hétérogène. Le rapport individuel des chercheurs aux archives est traversé d’une pluralité d’autres investissements, affectifs ou idéologiques, créant une multiplicité de relations entre archives et pratique de l’histoire, dont il faut tenir compte. Surtout, les problèmes que posent les archives doivent être reconsidérés selon un feuilletage d’enjeux historiographiques superposés. On n’ignore pas, depuis l’institutionnalisation de l’histoire comme discipline, au xixe siècle, que la conservation ou non d’archives et les variations de leur distribution sont liées à des questions de périodisation ; la réflexion renouvelée sur les archives de l’Antiquité et sur les conditions de leur découverte archéologique en fournit une preuve Footnote 9. On sait aussi, comme l’ont montré les études culturelles, subalternes et genrées depuis les années 1970, que les archives donnent inégalement la parole aux différents acteurs et actrices, ce qui rend parfois nécessaire de les lire « à rebrousse-poil » ou de s’intéresser aux conditions sociales de leur construction et de leur transmission différenciées Footnote 10. Enfin, l’ouverture de la production historique, historiographique et archivistique à l’échelle du monde est désormais une question majeure. Il ne s’agit pas uniquement de travailler, depuis l’Europe ou les États-Unis, avec des cadres théoriques occidentaux, sur des archives non européennes, mais de prendre acte des profonds déplacements produits par des questionnaires élaborés depuis d’autres lieux. La multiplicité des pratiques archivistiques fait aujourd’hui, partout à travers le monde, l’objet de recherches et de propositions historiographiques nouvelles. Les dernières années ont ainsi vu se développer, en France, des interrogations approfondies sur le rapport entre structure archivistique et écriture de l’histoire non seulement dans le Moyen Âge arabo-musulman, mais aussi dans le Mexique maya du xvie siècle ou dans l’empire ottoman du xixe siècle, et jusque dans le Moyen Orient contemporain Footnote 11. Ces recherches ne sont cependant elles-mêmes que le reflet de pratiques plus larges, liées à des traditions archivistiques et historiographiques non occidentales. En Chine, par exemple, les enjeux politiques et historiographiques de l’histoire impériale, puis communiste, en particulier concernant la connaissance et le contrôle de la population, sont thématisés à partir des pratiques d’enregistrement documentaire des individus (« dang’an » et « hukou ») Footnote 12, tandis que l’Inde a élaboré, dès l’indépendance, une réflexion de longue durée sur l’articulation entre histoire et archives en régime colonial et postcolonial Footnote 13. C’est au Japon que s’est développé pendant plus de quinze ans, sous l’impulsion de Koichi Watanabe, le plus vaste programme à l’heure actuelle d’étude comparée des archives et de l’archivistique au niveau international. Loin d’avoir été simplement l’occasion d’échanges féconds entre les chercheurs japonais, coréens, chinois et européens, ce programme a donné lieu à des comparaisons structurelles extra-européennes, notamment entre le Japon et le monde ottoman, en faisant intervenir, de part et d’autre, des historiens et des archivistes japonais et turcs Footnote 14. Certes, l’anglais s’est imposé, dans ces échanges scientifiques internationaux, comme la langue véhiculaire et les cadres du record management se sont diffusés auprès des archivistes du monde entier. Cette évolution a eu néanmoins un effet majeur : la réflexion sur les archives est désormais polycentrique, ce qui apparaît aussi bien dans l’écriture de l’histoire que, plus largement, dans le contrôle politique et mémoriel de la documentation ancienne et contemporaine, identifiée dorénavant comme un enjeu crucial, tant par les États que par les sociétés civiles.

Le retour des archives au premier plan de la réflexion historique ne saurait correspondre, dans cette nouvelle conjoncture, à la simple restauration d’un ancien discours de la méthode. Les archives ont été essentielles pour définir la discipline historique depuis le xixe siècle, au prix parfois d’une fétichisation à la fois épistémologique – le sentiment d’un contact direct avec le passé – et sociologique – l’identité d’une profession dont les archives seraient le lieu de référence commun. Peuvent-elles être toujours aussi centrales aujourd’hui pour le métier d’historien ? Sans doute pas de la même manière, en tout cas. Si la question des archives a changé d’échelle spatiale, elle a également changé de configuration professionnelle, le métier d’archiviste s’étant considérablement spécialisé et technicisé au cours des quarante dernières années. Par rapport à leur proximité antérieure, la divergence sociologique grandissante entre le monde de l’archivistique et celui de la recherche historique constitue un paramètre essentiel pour comprendre les enjeux parallèles du « tournant archivistique » et du « tournant documentaire » ainsi que les différences profondes entre ces orientations, apparemment voisines. On aurait pu penser que ce « tournant documentaire » pris par la discipline historique allait avoir pour conséquence de normaliser le statut des archives et d’en faire un type de document parmi d’autres dans la construction du savoir historique. Or, dans le même temps, en lien avec le « tournant archivistique » venu du monde professionnel des archives, le mouvement opposé a parfois semblé se produire. Comme si, après les moments de doute de la fin du siècle dernier, l’histoire était tentée de réinvestir un terrain tenu pour rassurant, celui des archives, (re)devenues le paradigme unique de tous les documents – sans toujours prendre la mesure de l’évolution des problématiques. À travers les articles et l’ensemble des comptes rendus qui les accompagne, confrontant des travaux sur les archives et leur histoire à des éditions de documents, ce numéro cherche à rendre compte de ce moment historiographique de réinvention du rapport entre la science des archives et la science de l’histoire, dans son foisonnement et sa pluralité, sans en dissimuler les malentendus. Il s’agit donc moins d’illustrer, une nouvelle fois, l’importance des liens entre archivistique et histoire que de remettre ces liens en perspective pour en explorer les angles morts, en imaginer les prolongements possibles et en repérer la portée méthodologique et épistémologique. Des études consacrées à l’Europe du Moyen Âge au xixe siècle, terrain traditionnel de l’histoire des archives, dialoguent avec des travaux portant sur l’Éthiopie ou la Russie à la même époque, mais aussi avec des situations archivistiques contemporaines, en contexte totalitaire – dans le cas soviétique –, colonial – pour la guerre d’Algérie – ou postcolonial – pour l’Afrique du Sud post-apartheid. Une enquête réflexive sur les archives des sciences sociales constitue le terme provisoire de ce parcours, organisé autour de trois enjeux actuels du rapport entre archives et histoire : la matérialité, la politique et l’historiographie.

Matérialité

La matérialité est un terrain privilégié de la reconsidération des archives au sein des études historiques depuis la fin du xxe siècle, prises en tenaille entre le développement d’une science archivistique qui revendique parfois son autonomie par rapport à l’histoire et les effets d’un tournant matériel des sciences sociales dépassant largement le cadre de la discipline. Dario Internullo confronte ces approches à une réflexion de longue durée sur un terrain éloigné du centre de gravité habituel des débats sur les archives : l’Europe de la fin de l’Antiquité et du haut Moyen Âge. Il montre que les nouvelles conditions sociales de production et d’usage des supports de la documentation écrite, qui conduisent à un déplacement massif du papyrus vers le parchemin en Europe occidentale, ont des conséquences sur l’archivage de ces documents dans le temps long. L’absence – puisque les documents sur papyrus n’ont été que très rarement conservés à travers les siècles, à cause de leur fragilité en climat tempéré – ou la présence d’archives – le parchemin des siècles suivants s’étant avéré fort résistant – tient donc parfois à une dimension matérielle qui n’est pas sans effet sur l’écriture de l’histoire. Cette attention à la matérialité ne doit pas être l’occasion de réintroduire un nouveau déterminisme : l’abandon du papyrus est aussi un choix socio-politique, de même que la conservation, puisque les parchemins carolingiens ne sont pas non plus si nombreux, alors que le papier washi, au Japon, qui est fragile, a été le support de documents qu’on a pris soin de préserver. Pour autant, aurait-on parlé de Dark Ages pour ces siècles qui vont de la fin de l’Empire romain à l’époque carolingienne si les documents avaient été consignés sur parchemin et, inversement, que saurait-on de l’histoire du Moyen Âge central si on avait continué à utiliser le papyrus ? Cette thématique de la matérialité est ensuite revisitée par Anaïs Wion dans son étude des archives éthiopiennes entre le xve et le xviiie siècle. En transposant des problématiques forgées pour l’analyse des archives de l’Europe médiévale, elle rappelle que, même lorsqu’une documentation écrite a été produite, le geste de conserver et de transmettre des archives n’a rien de naturel : il participe pleinement de l’autorité de l’écrit et du passé. L’historienne montre encore que, dans la mesure où les archives ne sont pas seulement des textes, mais aussi des objets, il faut également restituer des pratiques devenues invisibles telles que les rituels, les paroles ou les techniques. Cet élargissement méthodologique élaboré à partir du terrain éthiopien est emblématique de la manière dont l’historiographie européenne peut être ressaisie et affectée, en retour, par une confrontation avec d’autres horizons archivistiques. Anna Joukovskaia et Evgenii Akelev procèdent à une opération comparable, en s’intéressant aux effets produits sur l’écriture historique par la disposition matérielle des archives russes de l’époque moderne et, en particulier, des dizaines de milliers de volumineux rouleaux du secrétariat des Domaines du xvie et du xviie siècle. La mise en regard d’un questionnement élaboré à l’origine en Europe occidentale avec une historiographie et des archives si différentes se révèle riche. Elle permet de constater que l’interpénétration entre écriture de l’histoire et science des archives, en Russie comme ailleurs, est vieille de plusieurs siècles. Son analyse critique s’avère décisive dans la longue durée, spécialement pour mesurer l’importance que l’archivistique et l’historiographie du xixe siècle occupent dans nos approches contemporaines, alors qu’elles sont souvent occultées. La matérialité des archives finit par constituer un outil de comparaison historiographique à l’échelle mondiale. Elle marque non seulement la persistance des spécificités nationales ou linguistiques, mais aussi la convergence actuelle de certaines interrogations.

Prendre en compte cette matérialité dans une perspective globale et à ses différentes échelles, depuis le support documentaire jusqu’au bâtiment où sont conservées et rendues consultables les archives, en passant par les systèmes de classement et de rangement, modifie donc sensiblement la recherche historique. Cette dernière retrouve, dans la matière même des archives, les traces laissées au cours du temps par des usages et des pratiques qui ont contribué à donner leur signification historique aux documents transmis. Un texte édité et imprimé n’exhibe pas avec autant d’ostentation le lien entre passé et présent qu’une pièce d’archives, résultat d’un processus ininterrompu d’altération temporelle, indissociablement physico-chimique et socio-historique. Par leur matérialité, les archives fournissent une image particulièrement frappante de la singularité (chaque pièce est unique) et de l’historicité (chacune incorpore, physiquement, le temps écoulé de sa production jusqu’à aujourd’hui) des traces mobilisées par l’histoire Footnote 15. C’est sans doute pourquoi, si les archives ne constituent pas des traces plus importantes que d’autres – tels les vestiges archéologiques longtemps enfouis avant d’être subitement redécouverts, ou les manuscrits, copiés, multipliés, dématérialisés au cours du temps –, elles manifestent de manière plus visible ce statut historique. Ce lien visible entre passé et présent a contribué à faire des archives le principal matériau à partir duquel l’histoire a construit son identité et sa méthode au xixe siècle. Cette dimension s’est ajoutée à l’organisation progressive de dépôts d’archives et à leur ouverture au public ainsi qu’à l’efficacité symbolique et à la valeur juridique probatoire accordée aux documents conservés. La discipline historique en a été durablement affectée : ses affinités électives avec un savoir d’État l’ont rendue dépendante, dans son écriture même, des documents jugés dignes d’être préservés, conservés et transmis.

C’est sans doute aussi, paradoxalement, l’une des raisons pour lesquelles les archives se situent au cœur du débat sur la remise en question, par les historiographies coloniale et impériale, de la forme de l’État-nation, et qui explique pourquoi elles tiennent, aujourd’hui, une place si importante dans la redéfinition de l’histoire. Elles questionnent en effet à nouveaux frais, à travers leur matérialité, l’histoire de la souveraineté et de la domination dans la longue durée, et pas seulement l’étude des sociétés : les documents archivés, les pratiques de conservation et de transmission sont constitutifs de ces sociétés du passé et du rapport qu’elles entretenaient à l’espace et au territoire, physique et politique. En ce sens, l’opération d’archivage, c’est-à-dire la transformation matérielle de documents en archives, peut déjà être considérée comme un acte historiographique instituant. Un problème historique donné ne peut guère faire l’économie de l’analyse des archives qui le documentent et le localisent. Chaque étape, tri, destruction, classement, conservation, réemploi, modifie la perception intellectuelle du problème qu’on essaie de saisir, tout en caractérisant ce qui le différencie, l’isole ou le connecte à d’autres contextes institutionnels. Les archives sont elles-mêmes, en tant qu’objets d’étude, une dimension du problème historique ainsi construit.

Politique

Il faut donc se souvenir que les archives intègrent non seulement le présent de leur production, mais aussi tous les présents successivement révolus, contrairement à une vision partagée par de nombreux acteurs, y compris institutionnels et étatiques, qui font des archives, dans leur matérialité, l’incarnation par excellence du passé. C’est précisément parce qu’elles s’inscrivent dans cette transmission de longue durée que les archives sont des objets fondamentalement politiques Footnote 16, ce qui constitue un deuxième axe de réflexion.

Dans son étude sur les archives allemandes du xixe siècle, Philip Müller montre bien comment les historiens n’y trouvent que très progressivement leur place. D’un point de vue historique, les archives relèvent d’abord d’usages et d’institutions politiques, et non scientifiques. L’élaboration de la méthode critique au xixe siècle apparaît ainsi pour ce qu’elle est : une forme d’intrusion des historiens dans des archives qui n’ont pas été constituées à leur intention en vue d’un emploi savant. La science historique n’efface pas d’emblée les usages antérieurs, juridiques, gestionnaires, mémoriels – en somme, politiques au sens large –, qui considèrent les archives comme un lieu de pouvoir et de gouvernement ; elle se superpose dans un premier temps à ces pratiques, avant de les transformer, de les brouiller et, parfois, de les faire disparaître en mettant à distance le passé.

Ce phénomène est d’autant plus visible lors des ruptures politiques brutales, qui s’accompagnent d’un bouleversement du régime de la production documentaire et de son archivage, comme le montre Sophie Cœuré à propos des archives soviétiques. La construction d’une archivistique soviétique à partir de 1917, puis l’ouverture rapide de l’accès aux documents après 1989, suivie d’une nouvelle fermeture progressive, posent avec acuité le problème de la signification politique des archives et de ses effets sur l’écriture de l’histoire. Les archives soviétiques obligent à naviguer entre le double écueil du scepticisme radical et du positivisme, en ce qu’elles forcent leurs lecteurs et leurs lectrices à se confronter à une double question : quelle valeur revêtaient-elles aux yeux du régime qui les a produites et quel rapport entretiennent-elles avec une vérité historique qui, là peut-être pas plus mais à coup sûr différemment d’ailleurs, doit être l’objet d’une reconstruction critique ?

De même, les traces archivistiques des « disparus » de la guerre d’Algérie, tel Maurice Audin, mènent Sylvie Thénault à explorer les enjeux politiques associés à l’ouverture anticipée des archives, prises entre la raison d’un État qui, pour démocratique, n’en garde pas moins des secrets, et la quête douloureuse des familles de victimes. Aux prises avec les attentes d’acteurs toujours vivants – ce pourrait sans doute être là une bonne définition de l’histoire du contemporain : l’histoire de ce temps, où les témoins peuvent être mis en dialogue ou en opposition avec les archives –, l’historienne reconnaît qu’elle appartient au même monde qu’eux et que les acteurs institutionnels. L’histoire savante, malgré ses protocoles scientifiques, est inséparable de la vie sociale ; elle interagit sans cesse avec d’autres histoires qui sont autant de mémoires, institutionnelles, familiales, individuelles. En outre, au sein même du rapport historien aux archives, se mêlent souvent à l’approche scientifique d’autres dimensions, personnelles, poétiques ou, justement, politiques. Les chercheuses et les chercheurs, en particulier les spécialistes du contemporain, ne peuvent donc pas faire comme si les attentes de la société vis-à-vis du passé et la politisation de celui-ci, à travers les archives, ne les concernaient pas.

Au-delà du cas de la guerre d’Algérie, crucial du point de vue français comme du point de vue algérien, les controverses publiques sur les archives sont nombreuses ailleurs dans le monde, signe que les effets de synchronisation autour de l’objet « archives » ne sont pas seulement historiographiques : ces débats interrogent plus largement la fonction sociale des archivistes et celle des historiens. Si les uns et les autres n’ont pas pour rôle de répondre au besoin de vérité individuelle ni de trancher, plus globalement, dans le vif des enjeux mémoriels, le respect des conditions d’accès aux archives fixées par la loi, la dénonciation publique des interprétations ou des nouvelles pratiques qui les paralysent, l’incitation au débat citoyen, la défense même du financement des institutions de conservation font partie intégrante de leur métier – ce que l’on retrouve aujourd’hui aussi bien en Chine, où l’accès aux documents peut être difficile, qu’en Inde, où la politique publique de conservation est parfois contestée Footnote 17.

Cette question politique rappelle que l’accès aux archives reste un enjeu crucial de la recherche historique, même lorsqu’il ne s’agit pas d’archives sensibles. Cette inégalité d’accès selon les terrains, les conditions d’ouverture, de travail, de reproduction numérique et selon le coût économique – l’histoire connectée est souvent plus coûteuse que la microhistoire – est une dimension essentielle, mais souvent invisible, de la pratique de l’histoire à travers le monde. La question politique rappelle également, si besoin était, que l’historien ne vit pas enfermé dans une tour d’ivoire. Il est, avec les archives, au cœur de la cité, parmi ses contemporains. L’actualité la plus brûlante ramène alors aux origines mêmes des archives comme institution : la conservation de documents sous forme d’archives relève en effet d’un dispositif institutionnel, doté d’une fonction politique antérieure à tout usage historien. C’est sur une triple base, probatoire, gouvernementale et mémorielle, que les archives se sont le plus souvent constituées dans les sociétés anciennes, en Europe comme en Chine ou au Japon. Le lien noué entre archives et vérité est de nature juridique et socio-politique avant d’être historiographique ; il se perpétue jusque dans l’importance accordée aux références aux archives dans l’écriture de l’histoire.

Dans la tradition archivistique européenne, le problème juridique de la vérité des documents est même l’une des matrices de l’histoire à vocation scientifique et critique telle qu’elle se construit entre le De re diplomatica de 1681 et les règles méthodiques du xixe siècle. En témoigne la figure clé de Jean Mabillon qui affirmait : « Comme l’amour de la justice est la première qualité d’un juge, aussi la première qualité d’un historien est l’amour et la recherche de la vérité des choses passées Footnote 18. » La puissance fondatrice de ce rapport à la vérité n’a pas disparu dès lors que l’historien s’est arrogé une forme de prééminence sur le monde des archives. Les institutions continuent à penser et à produire les archives comme des objets devant être contrôlés et permettant d’exercer le contrôle – c’est d’ailleurs bien l’enjeu des débats autour des archives chinoises contemporaines. Partout, les archives sont convoitées, disputées, négociées, partagées entre des acteurs très différents, administrateurs, historiens, archivistes, juristes, généalogistes et aussi, de plus en plus, écrivains et artistes, militants ou, simplement, citoyens. Les archives sont un « objet-frontière » (boundary object) Footnote 19 autour duquel se font et se défont des communautés au sein desquelles les historiens ne sont que des usagers parmi d’autres.

Cela ne signifie pas que le travail historique sur les archives équivaille aux autres usages, mais à tout le moins n’est-il pas dans la position surplombante qu’il a voulu revendiquer à partir du xixe siècle. En corollaire, le temps de l’opposition pure et simple entre histoire et mémoire, si caractéristique de la fin du xxe siècle, est peut-être révolu : le nouveau statut des archives, dans sa dimension politique, pourrait refléter le passage d’un « âge mémoriel » – selon l’expression de Pierre Nora Footnote 20 – à un « âge réflexif », où la discipline accepte son rôle d’acteur parmi d’autres du débat public, mais tente d’y faire entendre la voix des sciences sociales. L’enjeu ne consiste plus, dès lors, à faire triompher la « juste » conception historienne des archives, face aux philosophes, aux archivistes, aux généalogistes ou aux juristes. C’est que les conceptions alternatives sont nombreuses. Ainsi, le terme d’« archive », au singulier, chez Foucault ou Derrida ne correspond pas au sens que le mot prend pour les archivistes ou les historiens, pas plus que l’usage des archives par les généalogistes ne relève de l’histoire-problème. Néanmoins, cette polysémie n’empêche pas les circulations intellectuelles. La notion d’archive(s) serait alors le nom générique d’un rapport au passé qui serait indissociablement politique, historique et mémoriel. De ce point de vue, en ressaisissant la valeur d’usage des archives de l’Ancien Régime, la Révolution française a été l’un des actes fondateurs d’un nouveau lien entre ordre politique et ordre archivistique Footnote 21, de même que le moment napoléonien fut emblématique d’un fantasme impérial qui nourrissait le projet d’Archives du monde réunies par un seul pays, la France Footnote 22. L’histoire scientifique du xixe siècle, dans sa revendication de modernité, a partagé avec ces épisodes une foi dans les archives qui s’est transmise au-delà d’elle-même, en particulier par le truchement de la doxa scolaire et universitaire. Les archives sont devenues l’un des symboles, romantique d’abord, scientifique ensuite, du rapport collectif à la vérité et au passé, que l’historien ne peut pas monopoliser, mais au sein duquel il accomplit son travail spécifique, à savoir déployer une ambition de connaissance à travers l’opération historiographique, dans laquelle la pièce d’archives est le morceau d’un puzzle et non la promesse d’un scoop.

Historiographie

Le dernier axe de ce dossier met en évidence les effets historiographiques de ce regain d’intérêt pour les archives depuis la fin du xxe siècle. L’article d’Olivier Poncet présente l’abondante bibliographie consacrée aux tournants archivistique et documentaire. Il explore les apports et les malentendus issus de cette rencontre, en partie manquée du fait d’incompréhensions persistantes entre deux mondes intellectuels et professionnels, celui des archivistes et celui des universitaires, souvent formés dans des cursus différents et accomplissant des carrières séparées, en particulier en France. En restituant les coordonnées sociologiques et géographiques d’un débat longtemps cantonné aux archives de l’Europe médiévale et moderne, et en montrant qu’il existe une pluralité de rapports aux archives, Olivier Poncet met ensuite en lumière la tentation d’autonomisation de l’archivistique non seulement comme technique, mais aussi comme discipline savante. Il souligne son élargissement à l’échelle mondiale, tout en signalant que l’intérêt de l’histoire pour les archives mériterait d’être encore approfondi : mieux prendre en compte l’archivistique, notamment celle des xixe et xxe siècles, représente désormais un enjeu majeur pour l’écriture de l’histoire. En regard, Marie-Aude Fouéré se penche sur un exemple caractéristique de l’internationalisation de ces débats en analysant la réception de la notion d’archive élaborée par Jacques Derrida dans l’archivistique sud-africaine après la fin de l’apartheid. L’anthropologue propose l’étude d’un transfert intellectuel complexe advenu dans le domaine de la théorie et de la pratique des archives : elle révèle comment a circulé, avec bien des malentendus, la pensée d’un philosophe français, filtrée par sa traduction anglaise – puisque Archive Fever a été davantage diffusé que Mal d’archive – vers un monde des archives sud-africain clivé professionnellement et politiquement. La chercheuse peut alors montrer comment cette histoire témoigne de la dilatation des débats historiographiques autour des archives et leur restitue leur actualité, marquée par les débats postcoloniaux. Enfin, la note critique de Bénédicte Girault, consacrée à l’ouvrage collectif Le laboratoire des sciences sociales Footnote 23, opère un dernier décalage historiographique en posant le problème des archives produites par les sciences sociales et de leur revisite dans une perspective historique ou sociologique. En s’interrogeant sur la distinction entre documents et archives, sur la nature cumulative du savoir archivé des sciences sociales et sur la différence entre les archives des enquêtes de sciences sociales et celles d’autres formes d’enquête pratiquées dans des époques plus lointaines, Bénédicte Girault invite finalement à la mise à l’épreuve du projet réflexif et historiciste qui habite cette redéfinition de la place des archives dans le travail historique.

Au terme de ce parcours, les archives apparaissent donc, sinon comme la cause, du moins comme le révélateur d’une transformation profonde et récente de l’opération historiographique. Lestées, depuis des siècles, d’un poids particulier, celui de renfermer la vérité du passé et de pouvoir la faire éclater, en particulier en justice, les archives ont servi, au xixe siècle, de fondement à la méthode historique en Europe occidentale. Suivant l’épistémologie de l’époque, cette démarche passait par la naturalisation et par la neutralisation des archives. À l’instar du monde naturel dans les sciences expérimentales, elles devaient représenter la matière inerte sur laquelle l’expérience savante s’exerçait, selon une partition étanche entre le sujet et l’objet de savoir – une partition aujourd’hui remise en cause, comme dans les autres sciences. C’est moins par aveuglement sur leur construction sociale que l’histoire du xixe siècle a considéré les archives de la sorte que par nécessité, celle de la fondation de l’histoire en tant que science. À travers les débats contemporains sur les archives, c’est bien la redéfinition de ce statut scientifique de l’histoire qui se joue depuis le début du xxie siècle, à distance du positivisme et en dialogue avec des interrogations professionnelles, politiques et épistémologiques venues d’Afrique, d’Océanie ou d’Asie. Dorénavant, la réflexion sur les archives est à la fois un objet d’histoire et d’historiographie connectées Footnote 24. Aux nouvelles problématiques archivistiques correspond, on l’a vu, une historiographie plurielle des archives, qui ne s’écrit plus seulement depuis l’Europe et les États-Unis. Ce nouvel usage met l’accent sur la matérialité au lieu de réduire les archives à des textes ou des discours ; il précise les coordonnées socio-politiques de la recherche historique plutôt que de postuler une neutralité surplombante et illusoire, et privilégie la réflexivité épistémologique sur le positivisme autant que sur le scepticisme. Les archives se donnent désormais à lire et à voir comme l’un des lieux privilégiés d’où émergent une nouvelle théorie et une nouvelle pratique de l’histoire. C’est sans doute, en définitive, la signification de cette tension entre « tournant archivistique » et « tournant documentaire », au moment où la réflexion sur la production d’archives orales se renouvelle Footnote 25 et où la démultiplication des archives nativement numériques et la numérisation des fonds anciens lancent un nouveau défi à l’archivistique comme à l’écriture de l’histoire – cette dernière étant de plus en plus guidée, voire déterminée par l’accessibilité en ligne des archives Footnote 26. L’étude des archives ne doit pas obscurcir celle des sociétés qui les ont produites puis transmises à travers le temps et l’espace, mais au contraire y contribuer aux côtés d’autres documents venus du passé. Dès lors qu’on n’oublie pas qu’il existe un « hors archives », aussi essentiel à l’historien que le « hors champ » l’est au cinéaste, les archives constituent toujours l’un des lieux stratégiques pour repenser la discipline historique comme projet de savoir éthique, politique et épistémologique.

Footnotes

*

Je remercie beaucoup toute la rédaction de la revue pour avoir discuté ce texte de manière approfondie ainsi que Pierre Chastang, Marie Fontaine-Gastan, Bénédicte Girault, Olivier Poncet et Valérie Theis.

References

1 Lucien Febvre, « Sur une forme d’histoire qui n’est pas la nôtre », Annales ESC, 3-1, 1948, p. 21-24, ici p. 24.

2 Ibid., ici p. 23.

3 Michel Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969 ; Hayden White, Metahistory: The Historical Imagination in Nineteenth-Century Europe, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1973 ; Michel deCerteau, L’écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 1975. Sur les rapports à la documentation et à la critique de l’anthropologie et de l’histoire depuis les années 1970, voir Étienne Anheim, « L’historien au pays des merveilles ? Histoire et anthropologie au début du xxie siècle », L’Homme, 203-204, 2012, p. 399-427.

4 Carlo Ginzburg, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier frioulan du xvi esiècle, Paris, Aubier, [1976] 1980 ; Arlette Farge, Le goût de l’archive, Paris, Éd. du Seuil, 1989.

5 Voir le numéro spécial « AHR Forum: Historiographic ‘Turns’ in Critical Perspective », The American Historical Review, 117-3, 2012, p. 698-813.

6 Outre les références évoquées dans l’article d’Olivier Poncet, « Archives et histoire : dépasser les tournants », Annales HSS, 74-3/4, 2019, p. 713-743, publié dans ce numéro, voir les numéro spéciaux « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire », Revue de synthèse, 125, 2004 et « The Social History of the Archive: Record-Keeping in Early Modern Europe », Past and Present, 230, suppl. 11, 2016. Pour des jalons dans les Annales, voir Jean-Frédéric Schaub, « Une histoire culturelle comme histoire politique », Annales HSS, 56-4/5, 2001, p. 981-997 et, plus largement, le numéro spécial « Pratiques d’écriture », Annales HSS, 56-4/5, 2001, coordonné par Roger Chartier ; Pierre Chastang, « Archéologie du texte médiéval », Annales HSS, 63-2, 2008, p. 245-269 ; Filippo De Vivo, « Cœur de l’État, lieu de tension. Le tournant archivistique vu de Venise (xve-xviie siècle) », Annales HSS, 68-3, 2013, p. 699-728.

7 Pour des exemples d’intégration de la problématique archivistique à la construction du récit, empruntés à des champs comme l’histoire coloniale ou l’histoire européenne médiévale, voir Miriam Hoexter, Endowments, Rulers and Community: Waqf al-Ḥaramayn in Ottoman Algiers, Leyde, Brill, 1998 ; Ann Laura Stoler, Au cœur de l’archive coloniale. Questions de méthode, Paris, Éd. de l’Ehess, [2002] 2019 ; Didier Lett, Un procès de canonisation au Moyen Âge. Essai d’histoire sociale, Paris, Puf, 2008 ; Valérie Theis, Le gouvernement pontifical du Comtat Venaissin (v. 1270-v. 1350), Rome, École française de Rome, 2012.

8 Carolyn Heald, « Is There Room for Archives in the Postmodern World ? », The American Archivist, 59, 1996, p. 88-101.

9 En assyriologie, par exemple, voir le bilan proposé par Brigitte Lion et Cécile Michel, « Un demi-siècle d’archéologie et d’histoire du Proche-Orient ancien : la participation française », in Colloque du Cinquantenaire de la SoPHAU (1966-2016). Regards croisés sur l’histoire ancienne en France, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2017, p. 137-156 et Nicholas Postgate, Bronze Age Bureaucracy: Writing and the Practice of Government in Assyria, Cambridge, Cambridge University Press, 2013, sur l’effet historiographique de ces découvertes d’archives sur la réécriture d’une histoire étroitement articulée à la structure de la documentation. En histoire économique, voir François Lerouxel, « Le marché du crédit privé, la bibliothèque des acquêts et les tâches publiques en Égypte romaine », Annales HSS, 67-4, 2012, p. 943-976, sur le rôle de la structure d’archivage ancien ; Véronique Chankowski, « Nouvelles recherches sur les comptes des hiéropes de Délos : des archives de l’intendance sacrée au ‘grand livre’ de comptabilité », Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 157-2, 2013, p. 917-953.

10 Michèle Riot-Sarcey, « Questionner l’histoire ‘à rebrousse-poil’ », Espace Temps, 82-83, 2003, p. 17-27 ; Françoise Blum (dir.), Genre de l’archive. Constitution et transmission des mémoires militantes, Paris, Codhos éditions, 2017.

11 Mathieu Tillier, « Le statut et la conservation des archives judiciaires dans l’Orient abbasside (iie/viiie -ive/xe siècle) : un réexamen » et Julien Loiseau, « Le silence des archives. Conservation documentaire et historiographie de l’État dans le sultanat mamelouk (xiiie-xvie siècles) », in Shmesp, L’autorité de l’écrit au Moyen Âge. Orient-Occident, Paris, Publications de la Sorbonne, 2009, respectivement p. 263-276 et 285-298 ; Caroline Cunill, « Archivos en los pueblos mayas de Yucatán y la construcción de una memoria legal (siglo xvi) », Fronteras de la Historia, 21-1, 2016, p. 14-39 ; Marc Aymes, « Un grand progrès – sur le papier ». Histoire provinciale des réformes ottomanes à Chypre au xix esiècle, Louvain, Peeters, 2010 ; Christine Jungen et Jihane Sfeir (dir.), Archiver au Moyen Orient. Fabriques documentaires contemporaines, Paris, Karthala, 2019.

12 Wenxian Zhang, « Dang An: A Brief History of the Chinese Imperial Archives and Its Administration », Journal of Archival Organization, 2-1/2, 2004, p. 17-38 ; William W. Moss, « Dang’an: Contemporary Chinese Archives », The China Quaterly, 145, 1996, p. 112-129 ; Kam Wing Chan, « The Chinese Hukou System at 50 », Eurasian Geography and Economics, 50-2, 2009, p. 197- 221 ; Adam Tyner et Yuan Ren, « The Hukou System, Rural Institutions, and Migrant Integration in China », Journal of East Asian Studies, 16-3, 2016, p. 331-348.

13 Sailen Ghose, Archive in India, Calcutta, Firma K.K. Mukhopadhyay, 1963 ; S. N. Prasad, « Archives in India », Archivaria, 7, 1978, p. 52-60 ; Meena Gautam, « History of Archives and Archival Sciences from 1950 Onwards Based on Indian Practices », Atlanti, 23, 2013, p. 135-147.

14 Koichi Watanabe a dirigé les projets A Comparative Study of Historical Archives among Several Nations (2004-2007), The Multilateral Comparative Study on Documents from the 9th to the 19th Centuries (2010-2014, avec publication de rapports annuels par le National Institute for Humanities) ainsi que Archives and Human Life: Interactive Study among Past, Present and Future (en cours).

15 Joseph Morsel, « Traces ? Quelles traces ? Réflexions pour une histoire non passéiste », Revue historique, 680-4, 2016, p. 813-868.

16 Voir, récemment, le numéro spécial « Politique de l’archive / The Politics of Archives », Revue française d’études américaines, 162-1, 2020.

17 Dans le cas chinois, voir Maura Cunningham, « Denying Historians: China’s Archives Increasingly Off-Bounds », The Wall Street Journal, 2014, https://blogs.wsj.com/chinarealtime/2014/08/19/denying-historians-chinas-archives-increasingly-off-bounds/ ; dans le cas indien, sur les détériorations des documents aux Archives nationales d’Inde, voir Choodie Shivaram, « How the National Archives of India Is Actually Destroying History », 2017, https://thewire.in/history/national-archives-of-india.

18 Jean Mabillon, « Brèves réflexions sur quelques règles de l’histoire » [1677], in Le moine et l’historien. Dom Mabillon. Œuvres choisies, éd. par O. Hurel, Paris, Robert Laffont, 2007, p. 932.

19 Susan L. Star et James R. Griesemer, « Institutional Ecology, ‘Translations’ and Boundary Objects: Amateurs and Professionnals in Berkeley’s Museum of Vertebrate Zoology », Social Studies of Science, 19-3, 1989, p. 387-420.

20 Pierre Nora, « L’âge mémoriel de l’histoire », Divinatio, 23, 2006, p. 137-152.

21 Sur la transformation qu’a représentée l’archivistique de la Révolution française, voir O. Poncet, « Archives et histoire… », art. cit.

22 Maria Pia Donato, L’archivio del mondo. Quando Napoleone confisco la storia, Bari, Laterza, 2019.

23 Gilles Laferté, Paul Pasquali et Nicolas Renahy (dir.), Le laboratoire des sciences sociales. Histoires d’enquêtes et revisites, Paris, Raisons d’agir, 2018.

24 Sur ces questions documentaires et sur les rapports entre archives et histoire connectée, outre les contributions sur l’Afrique ou la Russie publiées dans ce numéro, voir Romain Bertrand, L’histoire à parts égales, Paris, Éd. du Seuil, 2011 ; Camille Lefebvre et M’hamed Oualdi, « Remettre le colonial à sa place. Histoires enchevêtrées des débuts de la colonisation en Afrique de l’Ouest et au Maghreb », Annales HSS, 72-4, 2017, p. 937-943 ; Romain Bertrand et Guillaume Calafat, « La microhistoire globale : affaire(s) à suivre », Annales HSS, 73-1, 2018, p. 1-18.

25 Florence Descamps, Archiver la mémoire. De l’histoire orale au patrimoine immatériel, Paris, Éd. de l’Ehess, 2019.

26 Voir par exemple, sur le cas des archives d’internet, Valérie Schafer et Benjamin Thierry, « L’ogre et la toile. Le rendez-vous de l’histoire et des archives du web », Socio, 4, 2015, p. 75-95. Pour un exemple d’ouvrage appuyé sur une consultation à distance d’archives numériques, voir Charlotte deCastelnau-L’Estoile, Páscoa et ses deux maris. Une esclave entre Angola, Brésil et Portugal au xvii esiècle, Paris, Puf, 2019.