Souvent utilisés à titre d’illustration, comme les images, et moins étudiés pour eux-mêmes, les témoignages autobiographiques, ici ceux que l’on peut rencontrer dans quelques villes de haute Allemagne à la fin du Moyen Aˆ ge (Francfort-sur-le-Main, Nuremberg, Augsbourg…), ne font pas que raconter à la première personne l’itinéraire d’une vie, mais prennent soin de localiser, dans un espace construit et adéquat, les étapes de l’existence. Deux occasions du récit pourront permettre d’en juger: l’arrivée ou les allées et venues en ville, d’une part, et les formes d’identification — ou de distanciation — que l’on peut d’autre part repérer entre le narrateur et la cité décrite, tantôt idéalisée, tantôt donnée comme réelle. Ce faisant, il semble bien que le fragment autobiographique parvienne à inscrire la conscience de soi dans un espace choisi et non subi (à travers le prisme du binôme enracinement-déracinement). Il en résulte une inscription de l’histoire individuelle dans l’espace, qui semble appartenir au plus vaste mouvement de « territorialisation » (comprise ici au sens urbain plus que dynastique du terme) opéré par l’historiographie tardo-médiévale. En combinant le temps de l’individu et l’espace tant géographique que social de sa ville, le propos autobiographique gagne en efficacité, renforce la construction identitaire visée, satisfait souvent l’enjeu de pouvoir sous-entendu par l’entreprise de mémoire. Second acteur dans la mémoire centrée sur soi, la ville devient cette tribune, ce truchement qui permet au discours de se faire véritablement singulier.