Il n'est jamais trop tard pour prendre publiquement conscience que, parmi les lacunes de l'historiographie française des XIXe et XXe siècles, les plus évidentes concernent la place de l'État dans le développement économique et, plus généralement, l'histoire même de l'État en tant qu'appareil et machine. Parmi bien des raisons, relevant de l'histoire de l'histoire, c'est peut-être la domination (consciente ou non) de la vue libérale du développement du capitalisme, vue a posteriori et forgée pour les besoins de la vieille cause, qui a joué ici le rôle le plus essentiel. Comme il est difficile, en idéologie libérale, d'expliquer la croissance de l'interventionnisme étatique en longue durée, ou bien on enferme l'étude de la « croissance » dans les seules problématiques de 1’ « entrepreneur » et des entreprises, ou bien, lorsque la force des faits contraint à montrer un État actif dans la « croissance », on le présente comme incapable par nature d'agira avec bonheur et efficacité, et on l'accuse de venir finalement troubler le cours naturel des choses, lequel trouverait en lui-même ses propres mécanismes de régulation.