Il est peut-être encore temps de revenir sur le beau livre de Françoise Héritier, L'exercice de la parenté, dont, me semble-t-il, la publication n'a pas été saluée en son temps comme il aurait convenu, au moins à l'extérieur d'un cercle relativement étroit de spécialistes. A mon avis, ce silence tient à deux raisons : la première est bien sûr la difficulté, ou plutôt l'austérité du domaine exploré ; les études de parenté exigent patience et rigueur ; elles font appel à une agilité d'esprit qui n'est pas le lot de tous, et demandent une attention soutenue dont les lecteurs pressés que nous sommes devenus ne sont plus toujours capables. Mais la responsabilité de l'auteur est elle aussi en cause. Françoise Héritier a de nombreux talents, mais elle n'a pas celui de se mettre en valeur. Son livre est écrit sur un ton posé, calme, modeste, qui n'en laisse nullement pressentir l'importance. C'est une sonate pour violon seul : le compositeur s'est délibérément privé de l'éclat des cuivres et des cymbales qui, de gré ou de force, auraient imposé son œuvre à l'oreille du grand public.