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L'homme, les hommes et la femme. Étude sur le vocabulaire des biographies royales françaises (Xle-XIIIe siècle)

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Élisabeth Carpentier*
Affiliation:
Université de Poitiers

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Le développement des études de vocabulaire accompagné du dépouillement systématique de corpus constitués par l'informatique est un des traits marquants de la recherche actuelle en histoire médiévale. S'agit-il d'une sorte de retour au passé qui permet aux médiévistes — sous le couvert de nouvelles techniques et à l'abri de quelques résultats chiffrés — de revenir inlassablement sur leurs sources traditionnelles, chartes et chroniques…? Ou d'une évolution porteuse d'avenir, susceptible de fournir des bases sûres à une histoire sociale et à une histoire des mentalités en pleine transformation ? Pour répondre à ce problème de fond, il ne suffit pas de constituer des corpus, il faut apprendre à les utiliser, à les interpréter : là nous n'en sommes encore, me semble-t-il, qu'à l'aube de la recherche.

Summary

Summary

This article has made use of the indexing and concordances obtained through the data-processing of a Latin corpus comprising several French Royal biographies: the Vie de Robert le Pieux by Helgaud de Fleury, the Vie de Louis VI le Gros by Suger, the Vie de Philippe Auguste by Rigord and Guillaume le Breton. This implies trying to understand, by studying the terms vir, homo and vocables designating women, their respective roles in the biographer's narrative. A careful analysis of the usage of different cases, singular and plural, qualificatives and context enables to oppose the vir, a highly valorized social type, to the mass of homines presented in an unfavourable light and to a few women, object of the dynastic strategy of family heads.

Type
L'Histoire des Femmes
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1986

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References

1. Un bilan de ces entreprises menées aussi bien à Pise qu'à Louvain, à Nancy et ailleurs a été dressé au cours d'un colloque du CNRS tenu à Rome en 1974 et publié sous le titre Informatique et histoire médiévale, Rome, 1977. Pour la mise à jour qui s'impose, il faut consulter le Médiéviste et l'Ordinateur. L'intérêt de l'étude du vocabulaire pour la compréhension de l'époque féodale avait été vue par K. J. Hollyman, Le développement du vocabulaire féodal en France pendant le haut moyen âge (étude sémantique), Genève-Paris, 1957. Là aussi, un bilan a été dressé au cours d'un colloque du CNRS tenu à Paris en 1978 et publié sous le titre La lexicographie du latin médiéval et ses rapports avec les recherches actuelles sur la civilisation du Moyen Age, Paris, 1981. L'importance des nouveaux outils informatiques et de leur application aux recherches portant sur le vocabulaire a été soulignée avec force par Poly, J. P. et Bournazel, E., La mutation féodale, Xe-XIIe siècles, Paris, 1980, collection « Nouvelle Clio ».Google Scholar

2. Le mot miles est ici le meilleur exemple. Cf. J. Johrendt, Milites und militia im 11. Jahrhundert. Untersuchung zur fruhgeschichte des Rittertum in Frankreich und Deutschland, Nuremberg, 1971 ; P. Van Luyn, « Les milites dans la France du xie siècle », dans Moyen Age, 27, 1971, pp. 5-51 et 193-238 ; J. Flori, « La notion de chevalerie dans les chansons de geste du xiie siècle. Étude de vocabulaire », dans Moyen Age, 31, 1975, pp. 211-244 et 406-445 ; Duby, G., « La diffusion du titre chevaleresque sur le versant méditerranéen de la chrétienté latine » dans La noblesse au Moyen Age, XIe-XVe siècles, Paris, 1976, pp. 3970.Google Scholar

3. Nous nous plaçons ici dans les perspectives tracées par Duby, G. : « Histoire et sociologie de l'Occident médiéval. Résultats et recherches », dans Revue roumaine d'Histoire, 9 (3), 1970, pp. 451458 Google Scholar, repris dans Hommes et structures du Moyen Age, Paris, EHESS, 1984, pp. 353-360 ; à propos des textes narratifs : « Ces textes livrent des mots, ou plutôt des associations, des constellations de vocables, qui situent les individus ou les groupes les uns par rapport aux autres. Il appartient à l'historien des sociétés de définir les plus significatives de ces expressions, d'en pénétrer le sens, de suivre, autant qu'il est possible, les glissements sémantiques qui les affectent, de repérer les discordances entre les catégories et les relations que ces termes entendent désigner et celles qu'établissent les rapports effectifs de puissance » (Hommes et structures…, p. 357).

4. Index et concordances ont été établis à Poitiers par le programme appelé Peci (Programme d'Établissement de Concordances et d'Index). Cf. R. Pellen et Cl. Siredey, « Peci : un système de dépouillement de textes », dans La Licorne (Poitiers), 1980, n° 4, pp. 121-141.

5. Par exemple : « le caractère artificiel de la terminologie latine de parenté » aux xiie et xiiie siècles a été souligné par Guerreau-Jalabert, A., « Sur les structures de parenté dans l'Europe médiévale », Annales ESC, 1981, n° 6, p. 1044.Google Scholar

6. Carpentier, E., « Histoire et informatique. Recherche sur le vocabulaire des biographies royales françaises », dans Cahiers de Civilisation médiévale, 25, 1982, pp. 330.CrossRefGoogle Scholar

7. Cf. les deux premiers sens du mot vir dans le dictionnaire Gaffiot : 1. homme (opposé à femme). 2. homme (dans la plénitude du terme, distinct de homo, être humain en général).

8. L'opposition juvenis-vir a été mise en évidence par Duby, G., « Les ‘ jeunes ’ dans la société aristocratique dans la France du Nord-Ouest au xiie siècle », dans Annales ESC, 1964, n° 5, pp. 835846 Google Scholar ; repris dans Hommes et structures…, pp. 213-225.

9. Nous avons utilisé les éditions suivantes : Helgaud DE Fleury, Vie de Robert le Pieux, éd. et trad. R. H. Bautier et G. Labory, Paris, 1965 (« Sources d'histoire médiévales », 1) ; Suger, Vie de Louis VI le Gros, éd. et trad. H. Waquet, Paris, 1964 (« Les classiques de l'histoire de France au Moyen Age », 11) ; Œuvres de Rigord et de Guillaume Le Breton, éd. F. Delaborde, Paris, 1882 (« Société de l'histoire de France »). Les textes seront cités : Helgaud, Suger, Rigord, Guillaume.

10. Suger, p. 38.

11. Rigord, p . 115.

12. Id.,p. 146.

13. Guillaume, p. 227.

14. Est animae virtus potior quam corporis ulla, Adalberon DE Laon, Poème au roi Robert, éd. Cl. Carozzi, Paris, 1979, vers 25, p. 2 (” Les classiques de l'histoire de France au Moyen Age », 32).

15. Suger, p. 28.

16. Rigord, p. 38.

17. Id.,p. 142.

18. Id.,p. 153.

19. Id.,p. 138.

20. Id.,p. 57.

21. Id., p. 100.

22. Id., p. 160.

23. Viris honestis et litteratis, id., p. 102.

24. Virosindustriosetreligiosos, id.,p.!9.

25. L'idée de magni viri apparaît à propos de personnages très importants : nuncii imperatoris (p. 61) ou baronesFrancie (p. 153).

26. Guillaume, p. 271.

27. Sauf dans le sens de mari. Helgaud décrit les aumônes de la reine Constance post mortem viri sui sanctissimi, mais il emploie de préférence, et dans le même sens, le mot dominus : aspicit regina dominum suum (p. 64) ; sperabat dominum suumforti laetificari gloria (p. 72).

28. Helgaud, p. 70. Il s'agit d'Helgaud lui-même.

29. Helgaud, p. 62.

30. Suger, p. 150.

31. Hominemperditissimum…cujusintolerabilem velut inmanissimilupirabies, id., p. 30.

32. Furorelupinodevoraverat, id.,p. 174.

33. Homoperditissimushumanisanguinissitibundis, id.,p. 92.

34. Juguloejuscitissimeinsistet, id.,p. 94.

35. Id.,p. 150.

36. Id.,p. 174.

37. Ainsi la formule employée par Suger à propos de Léon de Meung : Leonium, virum nobilum Mauduni castri, episcopi Aurelianensis hominem, id., p. 28.

38. Rigord, p. 128.

39. « rusticum quemdam, staturaprocerum, prunas in ignesufflantem…, aspectu horribilem, carbonum nigretudine infectum, vultu deformem, super collum securim magnam tenentem ». C'est l'anti-portrait du vir (Rigord, p. 11). Sur l'aspect physique du noble et celui du vilain, beaucoup a été écrit. Récemment, à partir des fabliaux : M. Th. Lorcin, « Corps féminin, corps masculin, corps de vilain », Moyen Age, 1984, n° 3-4, pp. 433-453.

40. Id.,p. 100.

41. Guillaume, p. 228.

42. Nous passons ainsi de ce que P. BONNASSIE appelle une « lecture obéissante » à une « lecture désobéissante » qui « consiste le plus souvent à obliger les sources à dire ce qu'elles ne veulent pas dire », cf. « Idéologie tripartite et révolution féodale », Moyen Age, 1980, n° 2, p. 273.

43. Il n'est pas question d'établir ici une bibliographie sur un sujet qui suscite actuellement, pour toutes les périodes de l'histoire, une littérature proliférante. Sur la place de la femme dans la société féodale, les deux ouvrages de base sont collectifs : soit un colloque tenu à Paris en 1974 et publié sous le titre Famille et parenté dans l'Occident médiéval, Rome, 1977 et un colloque tenu à Poitiers en 1976 et publié sous le titre La femme dans les civilisations des Xe-XIIIe siècles, Poitiers, 1977. Depuis, le sujet a été renouvelé par Duby, G., Le chevalier, la femme et le prêtre. Le mariage dans la France féodale, Paris, 1981.Google Scholar Il ne cesse de s'approfondir grâce à de nombreuses études et publications parmi lesquelles on peut citer A. Guerreau-Jalabert, art. cit., ou encore J. E. Ruiz Domenec, « Système de parenté et théorie de l'alliance dans la société catalane », Revue historique, 532, 1979, pp. 305-326.

44. Le vocabulaire de la femme, latin et français, a été étudié par Grisay, A., Lavis, G., Dubois-Stasse, M., Les dénominations de la femme dans les anciens textes littéraires français, Liège, 1969.Google Scholar

45. Genitrix est réservé à la Vierge Marie.

46. Nous avons dans nos textes quatre occurrences du mot puella : il s'agit dans trois cas sur quatre d'une jeune fille sur le point de se marier ; dans le dernier cas, au pluriel, il s'agit de religieuses.

47. Ancilla apparaît une fois pour désigner une servante ; pour les deux autres emplois, il s'agit du sens figuré A'ancilla Dei.

48. Voir note 45.

49. Voir note 46.

50. Après des formules du type in honore, sub honore…

51. Que adeo bene laudata tantifilii digna exstititprerogativa (Helgaud, p. 58).

52. La « femme couchée », parce que gravement blessée. Il s'agit de l'épouse de Gui de la Roche-Guyon (Suger, p. 116).

53. Et d'étudier aussi ceux de la traduction. Une étude systématique, par exemple, des traductions entreprises à Saint-Denis à la fin du xine siècle pourrait, malgré le décalage chronologique, être très éclairante.

54. Débat récemment relancé pour le Moyen Age par Cl. Carozzi, « Les fondements de la tripartition sociale chez Adalberon de Laon », Annales ESC, 1978, n° 4, pp. 683-702 et dans son Introduction au Poème au roi Robert, cité note 14 ; et par Duby, G., Les trois ordres ou l'imaginaire duféodalisme, Paris, 1978.Google Scholar Ce dernier ouvrage a suscité un large débat auquel ont contribué P. Bonnassie, art. cit., et Le Goff, J., « Les trois fonctions indo-européennes. L'historien et l'Europe féodale», Annales ESC, 1979, n° 6, pp. 11801215 Google Scholar (avec bibliographie).