Le concept d’alimentation émotionnelle se définit comme le fait de moduler la consommation alimentaire en réponse à un ressenti émotionnel plutôt qu’à celui de la faim ou de la satiété [1]. Il postule que l’affectivité ferait partie des traits psychologiques qui augmentent ou diminuent la consommation alimentaire et le contrôle du poids. Le recours à l’alimentation émotionnelle est de plus en plus mis en cause dans la surconsommation (overeating) et l’obésité [2], et les différents sous-types de troubles du comportement alimentaire [3]. Si des études suggèrent qu’adopter un comportement alimentaire « de réconfort » peut avoir des effets délétères, on ne sait pas encore dans quelle mesure certaines ou toutes les émotions sont associées à des modifications importantes de la prise alimentaire. L’objectif de l’étude était de mieux identifier si toutes ou certaines émotions favorisent l’émergence de l’alimentation émotionnelle, et quelles sont les personnes les plus vulnérables. Des étudiants (n = 149 ; âge = 21,5 ± 2,9 ; 81,9 % femmes) ont complété des évaluations de l’alimentation émotionnelle (EMAQ), l’alimentation intuitive (IES), l’addiction à l’alimentation (YFAS) ainsi que la personnalité affective (ANPS). Des corrélations bivariées (Spearman) et des régressions linéaires ont été menées. L’effet de la catégorie d’IMC a été analysé par des tests de Mann-Withney. On retrouve des associations significatives entre la personnalité affective et : la propension à moduler sa prise alimentaire (ex. : EMAQ-émotions négatives/ANPS-négatif Rho = –0,17, p = 0,04 ; IES-Total/ANPS-Tristesse Rho = –0,19, p = 0,03) et à présenter des symptômes d’addiction alimentaire (e.g. YFAS-Sevrage/ANPS-Tristesse Rho = 0,18, p = 0,04). L’alimentation émotionnelle et l’alimentation intuitive prédisent l’IMC (EMAQ-négatif/IMC : = 0,17, p = 0,04 ; IES-Total/IMC : = –0,17, p = 0,04). Le fait de moduler la consommation alimentaire indépendamment de la sensation de faim ou de la satiété (IES-signaux internes) est significativement plus marqué chez les étudiants en surpoids/obèses (p = 0,03). L’étude confirme l’importance de prendre en compte le recours à l’alimentation comme une stratégie potentiellement inadaptée de régulation émotionnelle et ses conséquences sur la santé.