Poursuite de l’invasion de l’Ukraine, guerre dans la bande de Gaza, crise alimentaire, transition énergétique sans précédent, rééquilibrage géostratégique, montée du populisme, ingérence de toute sorte, explosion du recours à l’intelligence artificielle, inflation à maîtriser, voilà autant de traits caractérisant l’année 2023 et ayant eu le potentiel de redéfinir les relations commerciales mondiales. Dans ce contexte, mu par une nouvelle diplomatie pragmatique,Footnote 1 le Canada tente d’innover tout en renouant avec son rôle d’antan: préserver ses partenaires usuels tout en développant de nouvelles relations d’opportunité (au risque parfois de piler sur ses valeurs), réinvestir les enceintes internationales avec le dessein de les moderniser, diversifier ses relations en déployant des forces diplomatiques dans de nouveaux territoires et réaffirmer sa souveraineté face à toute sorte de menaces que ce soit en Arctique ou dans le cadre électoral canadien. Ce contexte a nécessairement eu des impacts sur les choix que fait le Canada en matière commerciale.
Parallèlement, plusieurs États axent leur politique industrielle sur une volonté d’autonomie ou du moins sur une dépendance moins forte. Cette tendance est apparue il y a quelques années, mais l’année 2023 semble avoir permis à certains États de les afficher sans retenue. La Chine, avec sa politique “made in China 2025,” qui visait depuis quelques années à subventionner certains secteurs clés, devient aujourd’hui encore plus agressive. Elle affiche ouvertement sa volonté de s’affranchir définitivement de toute dépendance. Les États-Unis ne se cachent plus non plus pour clamer haut et fort leur désir de promouvoir le “made, hire and buy” America. Les politiques surprises relatives à l’acier et à l’aluminium de l’administration Trump, mais aussi l’Inflation Reduction Act, le Chips Act, et le durcissement de la politique Buy America de l’administration Biden semblent normaliser ce type d’entraves au commerce international dans la mesure où la volonté de rapatrier les chaînes d’approvisionnement en territoire américain est ici mûrement réfléchie, s’intègre dans un cadre global et exprime explicitement le retour de l’autonomie de production. De son côté, l’Union européenne (UE) s’est engagée dans le Green Deal et ne cache pas son intention depuis 2020 de renforcer son autonomie, bien que cette autonomie soit “stratégiquement ouverte.”Footnote 2 On remarque ainsi une tendance forte du retour du politique dans la destinée industrielle.Footnote 3 C’est donc tout un tabou qui vient de tomber … et probablement plusieurs règles du droit du commerce international qui s’en trouvent ébranlées.
Face à l’urgence des changements climatiques, cette nouvelle tendance risque fort de devenir le nouveau paradigme ambiant, du moins pour nombre de pays ayant les moyens d’orienter le développement industriel.Footnote 4 Selon une modélisation de Rhodium, l’Inflation Reduction Act aura pour effet de diminuer considérablement les émissions de gaz à effet de serre aux États-Unis, rapprochant le pays de ses cibles pour 2030.Footnote 5 Même le Groupe de travail inter-agences des Nations Unies considère la “transformation industrielle pour combler l’écart de développement croissant entre les pays et atteindre les objectifs climatiques et de développement durable”Footnote 6 et “appelle à une nouvelle génération de politiques industrielles durables, étayées par une planification nationale intégrée, pour intensifier les investissements et jeter les bases des transformations nécessaires.”Footnote 7
Le train est donc en marche et le paradigme des quatre-vingts dernières décennies fondé sur une ouverture au commerce s’ébranle. La course à la réduction des émissions de gaz à effet de serre fournit la justification idéale pour les gouvernements qui en réalité souhaitent surtout répondre à leur population qui exige un retour à l’autonomie et un meilleur contrôle sur la chaîne d’approvisionnement. Les États n’ont d’autres choix que d’y répondre et quoi de mieux que la crise climatique pour justifier une gouvernance plus serrée de leur destinée industrielle.
Comme les précédentes, cette chronique résume et analyse les développements marquants en matière de commerce international impliquant ou ayant eu un impact sur le Canada. Elle aborde le commerce canadien aux plans bilatéral et plurilatéral, revient sur les contentieux commerciaux découlant des accords de libre-échange (ALE) impliquant le Canada et termine sur les derniers développements à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tant d’un point de vue des négociations et que du règlement des différends.
1. Le commerce canadien aux plans bilatéral et plurilatéral
L’année a d’abord été marquée par deux rencontres d’importance entre le président américain et le premier ministre canadien qui ont donné lieu à des ententes intéressantes et porteuses. Parallèlement, le Canada poursuit ses efforts de diversifier ses partenaires, bien qu’aucune avance majeure ne soit notable en Amérique latine, en Europe, ou du côté de l’Afrique et de l’Asie.
A. États-Unis
Deux rencontres importantes se sont tenues en 2023: le Sommet nord-américain des leaders ainsi que la visite du président Joe Biden au Canada. Le Sommet nord-américain des leaders, communément appelé le Sommet des Tres amigos, s’est tenu les 9 et 10 janvier 2023 à Mexico. Fort attendu, le Sommet a réuni pour une deuxième fois Justin Trudeau, Joe Biden et Andres Manuel Lopez Obrador autour de questions d’intérêt trilatéral comme celles de la crise migratoire, des ballons suspects ayant survolé les territoires américains et canadiens, de l’OTAN et évidemment du protectionnisme américain ambiant. La rencontre s’est déroulée sans heurts et a témoigné d’une réelle volonté de trouver des solutions. Le Canada a évidemment insisté sur l’impact de l’Inflation Reduction Act Footnote 8 sur l’économie canadienne. À ce titre, le Canada a fortement insisté sur l’importance de considérer le continent nord-américain comme une zone d’intégration économique plutôt qu’un terrain de compétition. Le président et chef la direction du Conseil canadien des affaires, Goldy Hyder, inclut au sein de la délégation canadienne, en a profité pour rencontrer certains membres de l’administration Biden. Il a insisté sur une approche “équipe Amérique du Nord.”Footnote 9 On doit noter la création d’un nouveau forum trilatéral sur les semi-conducteurs auquel participeront des représentants gouvernementaux et industriels des trois pays. La déclaration finale évoque certains sujets plus sensibles comme ceux des véhicules électriques, des métaux critiques et des semi-conducteurs sans qu’une annonce concrète n’ait été faite.
Quelques semaines plus tard, les 23 et 24 mars 2023, le président américain procédait à sa première visite officielle au Canada, la première depuis la visite de Barack Obama en 2009 et la 13e visite d’un président américain au Canada. La rencontre de 24 heures s’est soldée par un discours devant le Parlement lors duquel le président a affirmé que “les Américains et les Canadiens sont deux pays qui partagent un même cœur. Il s’agit là d’un lien personnel.”Footnote 10 Il a aussi imaginé le futur comme celui d’une alliance entre les deux pays, capable d’assurer une région économique plus compétitive, prospère et résiliente. Quant aux minéraux critiques, il a reconnu que la région nord-américaine avait perdu le contrôle sur la production, que les Américains comptaient sur les ressources canadiennes en la matière et a relevé les efforts faits par son pays pour assurer l’autonomie de la région, dont tout le monde serait “jaloux.” Dans le sillon des annonces en marge de la visite présidentielle, notamment quant au chemin Roxham, à l’aide à Haïti, à la protection des Grands Lacs et à la modernisation de NORAD, notons celle relative à un investissement pouvant atteindre 250 millions de dollars dans des projets liés aux semi-conducteurs, créant ainsi une ligne Albany — Bromont. Il s’agit là d’une annonce importante considérant que le Chips Act vise précisément à permettre aux Américains de reprendre la main sur la production mondiale des semi-conducteurs.Footnote 11
Malgré ces deux rencontres, la relation commerciale entre le Canada et les États-Unis continue à souffrir de l’Inflation Reduction Act. Footnote 12 Le gouvernement fédéral n’a pas conclu d’entente qui aurait permis d’atténuer ses effets pour l’industrie canadienne. Il faut néanmoins noter la demande de consultation faite par la Chine devant l’Organe de règlement de l’OMC en mars 2024 au sujet des crédits d’impôt au titre de l’Inflation Reduction Act. Footnote 13 Nous reviendrons assurément sur cette affaire dans la prochaine chronique.
B. Amérique latine
Alors que le Canada a entamé des négociations avec l’Équateur pour un éventuel accord de libre-échange, les négociations avec le Mercosur et l’Alliance du Pacifique n’ont pas évolué en 2023.
i. Négociation d’un accord de libre-échange avec le Mercosur
Les négociations entre le Canada et le Mercosur (“Marché commun du sud”) n’ont pas évolué depuis 2022. Pour rappel, les négociations entre le Canada et l’organisation constituée de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay et l’Uruguay, ont débuté en 2018, mais sont depuis restées au point mort. Or, l’élection du nouveau président Javier Milei n’est pas de bon augure en matière de libre-échange. Ce dernier a déclaré pendant sa campagne que “ni l’État, ni les organisations supranationales ne devraient interférer dans le libre-échange,” considérant en ce sens que les accords de libre-échange sont un obstacle au libre-échange.Footnote 14 Plus encore, le président Milei a suggéré un retrait de l’Argentine du Mercosur.Footnote 15 Il est néanmoins peu probable que le président argentin aille jusqu’au bout de son idée, d’une part parce qu’il n’a pas le soutien majoritaire du parlement, mais aussi parce que le Brésil est le premier pays d’exportation de l’Argentine. Pourtant, le Mercosur a continué de négocier un accord avec l’UE en 2023, ce qui aurait pu donner espoir de voir les négociations avec le Canada reprendre leur cours. Néanmoins, l’arrivée de Milei à la tête du gouvernement argentin, dont les propositions en matière d’économie sont plutôt radicales, a généré des craintes chez les Européens et jouera un rôle prépondérant dans la suite des négociations.Footnote 16 Quoiqu’il en soit, les tensions persistantes au sein du bloc du sud font planer le doute sur sa capacité à conclure un accord de libre-échange avec le Canada.
ii. Négociations d’un accord de libre-échange avec l’Alliance pacifique
Le Canada négocie son adhésion à l’Alliance du Pacifique, composée du Chili, de la Colombie, du Mexique et du Pérou, depuis 2017. Depuis, Singapour a rejoint l’Alliance, ce qui laisse penser que la voie est ouverte pour l’adhésion du Canada dans un futur proche. D’ailleurs, le Canada a déjà conclu des accords de libre-échange bilatéraux avec chacun des membres de l’Alliance du Pacifique. Les relations entre le Canada et les membres de l’Alliance du Pacifique sont positives, mais aucune information n’a filtré sur une possible date d’adhésion.
iii. Négociations d’un accord de libre-échange avec l’Équateur
En novembre 2022, le Canada et l’Équateur ont conjointement déclaré le lancement de discussions exploratoires en vue de la conclusion d’un potentiel accord de libre-échange.Footnote 17 Entre janvier et février 2023, le gouvernement canadien a mené des consultations auprès du public.Footnote 18 Des organisations non-gouvernementales ont soulevé des préoccupations concernant la conclusion de cet ALE, redoutant que celui-ci n’entraîne une augmentation des violences faites aux peuples autochtones et aux communautés locales, et ne provoque des dommages importants à l’environnement et les droits sociaux.Footnote 19 Le 13 décembre 2023, la ministre Ng a déposé devant la Chambre des communes un avis d’intention d’entamer ces négociations,Footnote 20 qui devraient commencer en mars 2024.Footnote 21
B. Europe
Les négociations de l’Accord de libre-échange Canada-Royaume-Uni ont été suspendues en 2023. L’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG) n’a pas encore été ratifié par tous les États de l’UE.Footnote 22 En revanche, l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine a été modernisé et signé en 2023 par les deux États.
i. Accord de libre-échange Canada-Royaume-Uni
L’Accord de continuité commerciale Canada-Royaume-Uni, contenant essentiellement les engagements déjà prévus dans l’AECG, avait été conclu entre les deux partenaires de manière provisoire. En vertu de ce dernier, les deux pays se donnaient un délai de trois ans pour négocier un accord permanent. Le Royaume-Uni est un partenaire commercial particulièrement important pour le Canada. En effet, celui-ci est le troisième partenaire commercial du Canada,Footnote 23 dont les importations devraient doubler d’ici 2035.Footnote 24 Or, notamment en raison d’un refus du Canada de prolonger les préférences découlant de l’octroi de quotas en matière d’importation de fromage britannique, le Royaume-Uni a notifié son intention de suspendre les négociations. La décision canadienne semble avoir été prise en réaction au refus britannique d’accepter les produits bovins canadiens.Footnote 25 Comme nous l’expliquons ci-dessous, l’adhésion du Royaume-Uni au l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP),Footnote 26 auquel le Canada est partie, permet dans tous les cas d’assurer une stabilité des relations entre le Canada et le Royaume-Uni.
ii. AECG
En 2023, l’AECG fêtait son 6e anniversaire. Entre 2016 et 2022, la valeur des exportations de l’UE vers le Canada a augmenté de 65 pour centFootnote 27 alors que celle du Canada vers l’UE n’a augmenté que de 18 pour cent.Footnote 28 Lors du 19e Sommet Canada-UE tenu les 23–24 novembre 2023 à St John,Footnote 29 les partenaires ont déclaré qu’ils “remain strongly committed to ensuring their full and effective implementation and their ratification, and commit to further expanding our cooperation under these agreements.”Footnote 30 En 2023, l’Allemagne est devenue le 18e membre de l’Union à ratifier l’AECG. Footnote 31 Pour autant, dix membres de l’UE n’ont pas encore ratifié l’AECG,Footnote 32 ce qui représente un obstacle important à la mise en œuvre pleine et effective de l’accord. La France en fait partie. Alors que l’Assemblée nationale française a voté en faveur de la ratification de l’Accord en 2019, le Sénat s’est prononcé contre au courant de l’hiver 2024. L’AECG reste donc pour l’instant au stade de l’application provisoire.
iii. Relations économiques du Canada et de l’Ukraine
Après avoir annoncé les renégociations de l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine (ALÉCU) au début de l’année 2022, l’invasion de la Russie en Ukraine a largement perturbé les échanges commerciaux entre les partenaires. En effet, les exportations du Canada vers l’Ukraine ont diminué de 31 pour cent au courant de l’année 2022. Toutefois, cela n’a pas empêché les deux États de continuer les négociations jusqu’à avril 2023, date à laquelle les négociations ont été conclues par le premier ministre Trudeau et le premier ministre ukrainien Denys Shmyhal.Footnote 33 Le 22 septembre 2023, le premier ministre canadien et le président ukrainien ont signé l’accord modernisé.Footnote 34 La modernisation a notamment porté sur l’introduction de nouveaux domaines au sein de l’ALÉCU, comme le commerce de service, mais aussi le commerce inclusif.Footnote 35 L’accord amélioré élimine totalement les frais de douane pour les produits manufacturés canadiens à l’entrée du territoire ukrainien, et supprime la majorité des droits de douane sur les produits agricoles en provenance de l’Ukraine. L’ALÉCU complète les chapitres sur le travail (chapitre 14) et sur l’environnement (chapitre 13). Concernant le travail, le chapitre intègre plusieurs articles, à l’instar de l’interdiction d’importer des marchandises issues en tout ou partie du travail forcé.Footnote 36 Le chapitre sur l’environnement, quant à lui, contient désormais des dispositions concernant l’importance des politiques liées au commerce et aux changements climatiques,Footnote 37 et introduit une série de dispositions concernant les défis mondiaux environnementaux comme la pollution, la biodiversité, la qualité de l’air, etc.Footnote 38 L’accord contient également un nouveau chapitre sur la participation des femmes au commerce, qui vise à promouvoir l’égalité des femmes, à éliminer les obstacles au commerce pour les femmes et à en faciliter l’accès et les bénéfices qui en découlent.Footnote 39 Enfin, fait notable, l’accord entre l’Ukraine et le Canada comprend un chapitre entier sur la participation des personnes autochtones au commerce.Footnote 40 C’est une première pour le Canada. Ce chapitre a pour objectif de supprimer les obstacles et défis rencontrés par les peuples autochtones lorsqu’ils participent au commerce. Un projet de loi de mise en œuvre de l’accord modernisé (loi C-57) a été présenté par la ministre Ng à la Chambre des communes le 17 octobre 2023.Footnote 41 La loi devrait être adoptée en 2024.
C. Afrique, Asie et Océanie
Du côté des relations avec le continent africain, le Canada a réitéré son soutien à l’Union africaine pour la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine. L’année 2023 a été marquée par l’adhésion du Royaume-Uni au PTPGP, des tensions grandissantes entre le Canada et la Chine ainsi que des relations commerciales troublées entre le Canada et l’Inde. Enfin, il devrait y avoir des développements intéressants pour un accord entre l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est et le Canada dans les prochaines années et pour un accord avec l’Indonésie.
i. Zone de libre-échange continentale africaine
Alors que les pays africains mettent en œuvre Accord instaurant la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) depuis le 1er janvier 2021,Footnote 42 le Canada continue d’appuyer l’Union africaine dans la réalisation de la politique commerciale africaine. En mai 2023, s’est tenu le dialogue sur la politique commerciale entre le Canada et la Commission de l’Union africaine.Footnote 43 À cette occasion, la ministre Ng a rencontré Albert M. Muchanga, le commissaire pour le développement économique, le tourisme, le commerce, l’industrie et l’exploitation ministère de la Commission de l’Union africaine. Ce premier dialogue a été marqué par la signature d’un cadre de coopération pour établir le dialogue sur la politique commerciale,Footnote 44 et faire en sorte que le dialogue devienne une initiative permanente.Footnote 45
ii. Adhésion du Royaume-Uni au PTPGP
Depuis 2021, le Royaume-Uni avait amorcé son processus d’adhésion au PTPGP. En juillet 2023, ce dernier a signé un accord pour entrer officiellement dans le PTPGP,Footnote 46 qui réunit déjà l’Australie, Brunei, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Viet Nam. Alors que ces onze États fondateurs du Pacte généraient 13 per cent de l’économie mondiale, l’adhésion du Royaume-Uni fera augmenter le produit intérieur brut (PIB) de ce bloc à 11 000 milliards de livres sterling.Footnote 47 L’adhésion du Royaume-Uni au PTPGP était soutenue par le Canada depuis 2021 et a été favorablement accueillie par la ministre Ng.Footnote 48
iii. Relations du Canada avec la Chine
L’annonce de la ministre Mélanie Joly à la fin de l’année 2022 de la Stratégie Indo-Pacifique du Canada qui tend à s’éloigner de la ChineFootnote 49 a jeté un froid sur les relations entre les deux pays qui étaient déjà tendues. En effet, depuis quelques années, plusieurs enjeux diplomatiques ont secoué les partenaires, à l’instar de l’emprisonnement arbitraire des Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor.Footnote 50 L’année 2023 n’a pas calmé les relations tumultueuses entre le Canada et la Chine. Les soupçons d’ingérence du gouvernement chinois dans la politique canadienne ont été au cœur des discussions et l’objet de la publication d’un rapport en mai 2023.Footnote 51 Le gouvernement chinois est accusé d’avoir essayé d’influencer les élections au Canada entre 2019 et 2021,Footnote 52 ce qui a conduit à soupçonner la Chine de s’ingérer dans les affaires canadiennes depuis 40 ans.Footnote 53 En parallèle, le gouvernement canadien a expulsé le diplomate chinois Zhao Wei en mai 2023, accusé d’intimider le député conservateur Michael Chong.Footnote 54 Cette décision a eu pour conséquence l’expulsion de Jennifer Lynn Lalonde, la consule canadienne à Shanghai.Footnote 55 Des critiques sur la crédibilité du rapport de David Johnston, accusé d’être lié de manière trop rapprochée à Justin Trudeau, ont mené à la démission de ce dernier de ses fonctions de rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère quelques jours seulement après la publication du rapport.Footnote 56 Le 7 septembre 2023, le gouvernement canadien a décidé de lancer une enquête publique au sujet de la potentielle ingérence chinoise et d’autres États.Footnote 57 En novembre 2023, l’ambassadeur de Chine au Canada a demandé au gouvernement canadien d’essayer d’entretenir une relation “rationnelle,” prétextant une augmentation des échanges entre les deux partenaires,Footnote 58 alors que les économistes, au contraire, s’inquiètent.Footnote 59
iv. Pourparlers avec l’Inde
En 2022, d’intenses négociations avaient été menées entre le Canada et l’Inde concernant la conclusion d’un accord de libre-échange. Après quelques rencontres, des divergences importantes relatives à l’environnement, aux questions du travail et de l’accès au marché des services étaient apparues. Alors que les partenaires avaient annoncé, en mai 2023, vouloir conclure un mémorandum d’accord au courant de l’année,Footnote 60 le Canada a souhaité mettre sur pause les négociations avec l’Inde en septembre 2023. Ce revirement de situation a pour l’instant été justifié par le gouvernement canadien comme “un moment de réflexion pour faire le point sur où nous en sommes,”Footnote 61 alors que la décision a été annoncée à quelques jours seulement du Sommet du G20 qui se tenait en Inde.Footnote 62 Il faut le rappeler, les relations ont été très tendues entre le Canada et l’Inde durant l’année 2023 lorsque le gouvernement canadien a accusé le gouvernement indien d’être impliqué dans le meurtre en juin 2023 d’un leader sikh sur le territoire canadien.Footnote 63 Lors de son discours prononcé en novembre 2023 au Conseil en relations internationales de Montréal, la ministre Joly a reconnu que la relation traversait une période trouble, mais a rappelé que la relation entre les deux pays ne datait pas d’hier et que le conflit était passager.Footnote 64
v. Accord de libre-échange avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE)
Sans surprise, les négociations du Canada avec l’ANASE ont continué en 2023. En effet, suivant sa nouvelle diplomatie pragmatique, la ministre Joly a déclaré qu’à “l’avenir, je pense que nous devrons être aussi proches du Japon et de la Corée du Sud que du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne ou de l’Italie. Et nous devrons investir dans nos relations avec l’ANASE, tout comme nous l’avons fait avec l’Union européenne.”Footnote 65 Deux rencontres de négociations ont eu lieu en 2023, et plusieurs réunions hybrides se sont tenues, pour discuter des questions concernant l’environnement, le commerce inclusif et le travail.Footnote 66 Les dix membres de l’ANASE représentent un PIB de 3.3 milliards de dollars américains et une population de 666 millions d’habitants, ce qui représente une manne économique importante pour le Canada. D’ailleurs, à l’occasion de la visite du premier ministre Trudeau en Indonésie en septembre 2023,Footnote 67 le Canada et l’ANASE ont déclaré conjointement vouloir “accroître l’intégration, le développement et la résilience économique à l’échelle régionale.”Footnote 68 Les partenaires estiment pouvoir conclure une grande partie de leurs négociations en 2025.Footnote 69
vi. Vers un accord de libre-échange avec l’Indonésie
Entre 2021 et 2022, les échanges entre le Canada et l’Indonésie sont passés de 2,2 à 3,3 milliards de dollars.Footnote 70 Ce faisant, l’Indonésie est maintenant le partenaire le plus important de l’Asie du Sud-Est pour le Canada. C’est le terrain parfait pour adopter un accord de libre-échange entre les deux partenaires. Depuis 2021, les partenaires négocient un Accord de partenariat économique global.Footnote 71 En 2023, les représentants du Canada et de l’Indonésie se sont rencontrés à trois reprises.Footnote 72 Lors de la visite du premier ministre Trudeau en Indonésie en septembre 2023, les partenaires ont “réaffirmé leur appui à l’Accord de partenariat économique global, mutuellement bénéfique, qui vise à créer des emplois pour la classe moyenne et des opportunités pour les entreprises.”Footnote 73 Ils ont d’ailleurs annoncé vouloir conclure les négociations au courant de l’année 2024.Footnote 74
2. Contentieux commerciaux découlant des accords de libre-échange impliquant le Canada
Les mécanismes de règlement des différends de l’Accord de libre-échange nord-américain par l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACÉUM) et du PTPGP ont été sollicités dans différents litiges au courant de l’année 2023.Footnote 75 Cas intéressant en matière d’enchevêtrement de mécanismes de règlement des différends, la mesure canadienne relative aux contingents en matière de produits laitiers fait l’objet d’une plainte tant au niveau de l’ACÉUM que du PTPGP. Un différend sur l’interprétation à donner à la notion de valeur régionale dans le domaine automobile a permis au Canada de joindre le Mexique dans une plainte contre les États-Unis. Aussi, une mesure mexicaine relative à l’importation d’aliments de maïs génétiquement modifié a mené à une plainte des États-Unis. Le Canada est particulièrement intéressé par la question et a ainsi notifié sa volonté d’agir à titre de partie tierce. Enfin, dans le dossier de l’électricité, les consultations semblent se poursuivre pendant que les choses bougent au niveau du droit interne mexicain.
A. ACÉUM et PTPGP: Mesure d’attribution des contingents tarifaires laitiers (second différend)
Le contentieux des produits laitiers a connu un nouveau rebondissement en 2023, au point où on peut se demander si ce dossier aura la même destinée que celui du bois d’œuvre, condamné à s’éterniser. On se rappelle qu’en 2021, un premier Groupe spécial avait tranché cette affaire, reconnaissant le droit du Canada de maintenir un système de gestion de l’offre, mais déterminant qu’il devait néanmoins modifier ses façons de faire. En effet, se rangeant aux arguments des États-Unis, le Groupe spécial avait considéré le système de distribution de quotas contraire à l’ACÉUM (le Canada réservait une majorité des quotas aux transformateurs au détriment des producteurs laitiers). À la suite de ce rapport, le Canada avait procédé à un remaniement de ses façons de faire. Toutefois, selon la Secrétaire au Commerce des États-Unis, Katherine Tai, le Canada n’a pas correctement mis en œuvre le rapport du Groupe spécial.Footnote 76 Dès lors, après avoir tenu des consultations en juin et décembre 2022, ainsi qu’en janvier 2023, les États-Unis ont demandé l’établissement d’un deuxième groupe spécial le 31 janvier 2023. Le Groupe spécial a rendu son rapport le 24 novembre 2023, donnant cette fois-ci raison au Canada, et ce, quant à l’ensemble des points soulevés par les Etats-Unis.Footnote 77 Espérons que cette affaire aura définitivement mis fin à la saga des contingents tarifaires laitiers, du moins, au regard de l’ACÉUM.
Le système canadien d’attribution des contingents tarifaires pour les produits laitiers a aussi fait l’objet en 2023 d’une plainte de la Nouvelle-Zélande, cette fois en vertu du PTPGP. Les exposés écrits et oraux ont eu lieu durant l’année, et le rapport final a été publié le 5 septembre 2023.Footnote 78 Il s’agit essentiellement des mêmes faits et arguments que ceux invoqués dans le cadre de la première affaire entendue au titre de l’ACÉUM. D’ailleurs, le Groupe spécial a noté cette similarité et a indiqué que bien que non lié par cette décision, il allait s’en servir à titre informatif.Footnote 79 Finalement, le Groupe spécial a conclu à une violation par le Canada de deux articles du PTPGP. Footnote 80 Ainsi, il a considéré que le système de mise en commun des quotas contrevenait à l’article 2.29(1) du PTPGP dans la mesure où il limitait la possibilité pour les producteurs laitiers d’obtenir des contingents tarifaires pour les produits laitiers.Footnote 81 En outre, bien qu’il ait reconnu la possibilité pour le Canada de déterminer librement la manière d’allouer ses contingents, il a considéré que ceux-ci ne pouvaient être alloués en tout ou en partie uniquement aux seuls transformateurs au regard de l’article 2.30(1)(b) du PTPGP. Footnote 82
B. ACÉUM: Règle d’origine dans le secteur de l’automobile
En janvier 2022, le Mexique a demandé la création d’un groupe spécial afin de contester l’interprétation américaine concernant les règles d’origine sous l’ACÉUM. Footnote 83 Le Canada s’est aussitôt joint à la demande mexicaine.Footnote 84 Le différend est survenu concernant l’interprétation des règles d’origine du chapitre 4 de l’ACÉUM, notamment l’article 4.5.Footnote 85 Le différend concernait plus précisément l’interprétation de l’appendice lié aux règles d’origine spécifiques aux produits automobiles (Appendice Auto).Footnote 86
Le Mexique soutenait qu’en vertu des articles 3.8 et 3.9 de l’Appendice Auto, les pièces clés telles que le moteur d’un véhicule, qui respectent la teneur en valeur régionale (TVR) de l’article 3.2 sont considérées comme étant originaires de la zone.Footnote 87 Ainsi, selon le Mexique, en vertu de l’article 4.5.4 de l’ACÉUM, la valeur de ces matières non originaires utilisées pour produire des pièces clés au sein de la zone doit être exclue lors du calcul de la TVR de cette pièce clé qualifiée d’originaire.Footnote 88 Par conséquent, les pièces clés contenant des matières non originaires, mais qui sont considérées comme étant originaires au sens de l’appendice Auto, doivent être considérées comme étant originaires à 100 pour cent lors du calcul de la TVR du véhicule.Footnote 89 Le Canada, bien que mobilisant d’autres arguments, soutenait aussi qu’une pièce qui est considérée comme étant originaire de la zone, malgré le fait qu’elle contienne des matières non originaires, doit être considérée comme étant originaire à 100 pour cent dans le calcul de la TVR.Footnote 90 Les États-Unis ont contesté cette interprétation, arguant que seule la part originaire des pièces de base pouvait être prise en compte.Footnote 91
En janvier 2023, le Groupe spécial a publié son rapport tranchant en faveur du Canada et du Mexique.Footnote 92 Le Groupe spécial a conclu que les producteurs automobiles pouvaient comptabiliser la valeur des matières non originaires dans la TVR comme étant des matières originaires de la Zone lors du calcul de la TVR globale du véhicule.Footnote 93 Un porte-parole américain a qualifié cette décision de décevante et a indiqué que les États-Unis engageraient des discussions avec le Mexique et le Canada pour résoudre le différend.Footnote 94
C. ACÉUM: Mesures mexicaines concernant le maïs génétiquement modifié
Le 13 février 2023, par décret présidentiel, le Mexique a interdit l’importation de tortillas et de pâtes contenant du maïs génétiquement modifié. Cette décision n’est pas étonnante compte tenu des inquiétudes de longue date exprimées par le Mexique à l’égard du maïs génétiquement modifié, et de l’attachement des Mexicains à cet aliment cultivé et consommé de manière traditionnelle depuis des millénaires.Footnote 95 Le 2 juin 2023, en réaction à cette mesure, les États-Unis ont demandé des consultations avec le Mexique et le 17 août 2023, ils ont demandé la constitution d’un groupe spécial au titre du mécanisme de règlement des différends de l’ACÉUM. Footnote 96
Chose rare dans l’univers des accords de libre-échange, l’ACÉUM prévoit une section complète sur la biotechnologie agricole au sein du chapitre sur l’agriculture.Footnote 97 Toutefois, cette section ne contient pas de disposition pertinente en l’espèce dans la mesure où celle-ci vise essentiellement à harmoniser les règles relatives aux demandes d’autorisation, les politiques visant la présence en faible concentration et à établir un groupe de travail sur la coopération en matière de biotechnologie agricole. Devant une interdiction pure et simple d’un produit, c’est plutôt au regard des obligations découlant du chapitre 9 sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, du principe du traitement national et d’accès au marché pour les produits (chapitre 2) que les États-Unis ont basé leur plainte. Selon les États-Unis, la décision mexicaine est dépourvue de fondement scientifiqueFootnote 98 car les produits issus de la transgénèse sont considérés comme sécuritaires.
Le 25 août 2023, le Canada a notifié sa volonté d’agir à titre de partie tierce dans cette affaire.Footnote 99 Cette décision n’est pas étonnante dans la mesure où le pays est un producteur et exportateur important d’organisme génétiquement modifié (OGM) agricoles.Footnote 100 Cette affaire n’est pas sans rappeler la bataille menée devant le “juge” de l’OMC par l’Argentine, le Canada et les États-Unis à l’encontre des mesures prises par certains pays européens et l’UE dans les années 2000. Cette saga avait donné lieu en 2007 à un rapport complexe et technique de plus de 1200 pages de la part du Groupe spécialFootnote 101 qui avait interprété très restrictivement la marge de manœuvre des États à limiter l’importation et la commercialisation des OGM au regard de l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS).Footnote 102
D. ACÉUM: Mesures dans le secteur de l’électricité
Le 20 juillet 2022, les États-Unis et le Canada ont tous deux présenté une demande de consultations au gouvernement du Mexique en application des articles 31.2 et 31.4 de l’ACÉUM en ce qui concerne un renfermement du secteur de l’électricité au Mexique.Footnote 103 En effet, le 9 mars 2021, le Mexique publiait un décret modifiant sa Loi sur l’industrie de l’électricité. Footnote 104 Ces modifications visaient à favoriser la production d’électricité par l’État. Celles-ci constituaient un renversement majeur des mesures prises en 2013 au Mexique visant à attirer les entreprises du secteur privé en matière d’électricité.Footnote 105 Cette réforme du droit dans le secteur de l’électricité au Mexique de 2021 vise à prioriser la distribution de l’électricité produite par la Comisión Federal de Electricidad au détriment des entreprises privées, notamment canadiennes. Par ailleurs, cette réforme modifie les exigences des certificats d’énergie propre et révoque certains contrats détenus par des particuliers.Footnote 106 Selon le Canada, ces mesures mexicaines violent de nombreuses dispositions de l’ACÉUM en matière d’investissement, notamment les articles 14.4, 15.8, 22.5.2 et 29.3.Footnote 107 Ces mesures constitueraient des violations, notamment, en ce qui a trait au traitement équitable des investisseurs.Footnote 108
Alors que les consultations sont toujours en cours, les États-Unis ont présenté une offre finale en mars 2023.Footnote 109 Or, le différend ne semble toujours pas réglé. Considérant qu’il est possible de demander l’établissement d’un groupe spécial si le différend n’est pas réglé soixante-quinze jours après la demande de consultations, il est possible depuis le 3 octobre 2022 pour le gouvernement des États-Unis ou du Canada de faire cette demande.Footnote 110 Le Canada affirme cependant que, pour le moment, ce ne sera pas nécessaire. Finalement, le 31 janvier 2024, la Cour suprême du Mexique a rendu une décision affirmant que les modifications de 2021 à la loi mexicaine étaient inconstitutionnelles.Footnote 111 Il reste à voir quel impact cela aura sur la suite du différend interétatique.
3. Les développements dans le système commercial multilatéral
Bien qu’aucune avancée notable ne soit à signaler pour l’année 2023, les travaux se sont poursuivis à l’OMC notamment en vue de la treizième Conférence ministérielle et dans le cadre du Groupe d’Ottawa pour une réforme de l’OMC. Fait à signaler, le Canada a ratifié l’Accord sur les subventions à la pêche. Footnote 112 Du côté des contentieux impliquant le Canada, l’année a encore une fois été calme pour le Canada.
A. La préparation de la Conférence ministérielle 13
L’année 2023 a permis d’avancer considérablement en vue de la 13e Conférence ministérielle devant se tenir aux Émirats arabes unis en février 2024. À ce titre, le Canada a continué à travailler sur les différents sujets au cœur des négociations, notamment le commerce électronique, l’agriculture, l’Accord II sur les subventions à la pêche, la réforme de l’OMC, tout en poursuivant ses efforts comme coordonnateurs avec le Costa Rica des Discussions structurées sur le commerce et la durabilité environnementale.Footnote 113 Nous reviendrons assurément sur les résultats de cette ministérielle importante dans notre chronique 2024.
B. Groupe d’Ottawa
Le Groupe d’Ottawa est dirigé par le Canada et réunit quatorze membres de l’OMC partageant des positions similaires (Australie, Brésil, Canada, Chili, UE, Japon, Kenya, Corée du Sud, Mexique, Nouvelle-Zélande, Norvège, Singapour, Suisse et Royaume-Uni).Footnote 114 Ce dernier a été constitué afin de “relever les défis particuliers qui mettent le système commercial multilatéral sous pression,”Footnote 115 les discussions du Groupe portant sur le renforcement du mécanisme des différends de l’OMC, sur la valorisation des négociations multilatérales et sur la meilleure façon d’intégrer le développement dans l’élaboration des règles. En 2023, le Groupe s’est rencontré pour préparer la treizième conférence ministérielle de l’OMC de février 2024.Footnote 116 Les ministres du groupe se sont retrouvés en janvier 2023,Footnote 117 en marge du Forum économique mondial. Dans ce cadre, ils ont réaffirmé leur engagement en faveur d’une réforme de l’OMC en soulignant l’importance de mieux inclure les pays en développement. Afin de faire avancer la question, les fonctionnaires ont reçu le mandat de faire progresser les travaux.Footnote 118
C. Accord sur les subventions à la pêche
Le 2 mai 2023, le Canada a déposé son instrument d’acceptation de l’Accord sur les subventions à la pêche de l’OMC,Footnote 119 devenant ainsi le 5e membre à le faire. Par ailleurs, le gouvernement du Canada a fait un don de 1,4 million de dollars canadiens au Mécanisme de financement sur les subventions à la pêche intégré à l’accord, dont l’objectif est de soutenir les pays les moins avancés et les pays en développement à mettre en œuvre le contenu de l’accord.Footnote 120 L’accord n’est pas entré en vigueur au courant de l’année, ne ralliant pas encore les deux tiers des membres de l’OMC.
4. Contentieux commerciaux impliquant le Canada
Encore cette année, le Canada n’a pas été au cœur des différends à l’OMC. Outre le fait qu’il ait demandé à intervenir à titre de partie tierce dans trois litiges,Footnote 121 aucune affaire n’a été rendue impliquant directement le Canada.
5. Conclusion
Mis à part nos traditionnelles rubriques, certains événements importants se sont produits au cours de l’année qui méritent notre attention. Les chroniques précédentes indiquaient que l’UE était en train d’élaborer un Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Celui-ci est entré en vigueur le 1er octobre 2023.Footnote 122 Ce mécanisme vise à aligner le prix du carbone payé pour les produits fabriqués sur le territoire de l’UE avec celui des marchandises importées.Footnote 123 Il s’applique au secteur du fer et de l’acier, du ciment, de l’aluminium, des engrais, de l’électricité, de l’hydrogène et à certains produits finaux comme les boulons. Le mécanisme s’appliquera d’abord de manière transitoire.Footnote 124 Dans cette première phase, les importateurs de marchandises devront procéder à de simples déclarations. Il s’agit notamment de déclarer les quantités totales pour chaque marchandise importée, les émissions de carbone directes intrinsèques, ou encore si un prix sur le carbone émis est déjà payé dans le pays d’origine.Footnote 125 Pour les industries canadiennes, cela signifie que les marchandises exportées vers l’UE et qui tombent dans le champ d’application du mécanisme devront se conformer à cette nouvelle réglementation.
On ne peut évidemment pas terminer cette chronique 2023 sans aborder la nouvelle Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement et modifiant le tarif des douanes. Footnote 126 Adoptée à l’unanimité le 3 mai 2023, cette loi entre en vigueur le 1er janvier 2024 et prévoit en quelque sorte un devoir de transparence à l’égard des institutions fédérales et des entreprises rencontrant les seuils d’applicabilité. Il s’agit là d’une première pour le Canada qui, jusqu’à maintenant, n’avait pas encore de loi de vigilance. Si le résultat apparaît décevantFootnote 127 — dans la mesure où la loi n’impose qu’une obligation de produire un rapport sur les mesures prises pour prévenir et réduire les risques — on doit le considérer comme une première étape d’une longue série de mesures à venir. Des discussions ont en effet déjà cours à Ottawa à ce sujet.