Dans le premier numéro de ce « Bulletin », nous avons étudié la conjoncture économique de la Belgique de 1897 à 1913, période de travail normal et de développement, pendant laquelle les alternances d’essor et de dépression devaient se suivre sans entraves spéciales. C’était précisément l’existence de facteurs extraordinaires, tels que l’instabilité des changes, qui nous avait amené à considérer l’étude de la période 1919 à 1929 comme insuffisante pour dégager l’allure des cycles économiques en Belgique. Si aujourd’hui nous étudions cependant cette époque troublée à titre de prélude de l’observation courante de la conjoncture économique, il importe d’en indiquer d’abord les raisons et de préciser les conditions dans lesquelles pareil travail peut être effectué.

Avant d’examiner comment se présente la situation budgétaire nous devons dire un mot de la comptabilité en vigueur dans notre pays.

La Belgique pratique les comptes par exercice; les écritures ne sont donc pas arrêtées à la fin de l’année financière, comme en Angleterre. L’exercice, dit Stourm, recueille au delà du 31 décembre l’ensemble des droits et des charges qui appartiennent à l’année, afin de les lui rapporter. C’est ainsi que les impôts sur les revenus de 1928 ont pu être encaissés jusqu’au 31 octobre 1929. Il en résulte donc que le total des recettes n’est connu, pratiquement, qu’à la fin de l’année qui suit celle donnant son nom à l’exercice. D’un autre côté il arrive que, dans un but de régularisation, des crédits supplémentaires soient votés plusieurs mois après la fin de l’année.

Pour l’ensemble du marché belge des valeurs mobilières, 1928 avait été une année relativement favorable. Ce n’est pas, toutefois, que les titres à revenu variable n’aient été agités. Leur mouvement général de hausse jusqu’en mai avait, en effet, été suivi d’une chute de juin à juillet, puis d’une reprise jusqu’en septembre. Les cours s’étaient ensuite stabilsés dans une ambiance de fatigue générale pour terminer l’année sur un indice consolidant, dans l’ensemble, une appréciation de 7% par rapport au point de départ de janvier.

Même résultat pour les valeurs à revenu fixe dont la hausse est de 8 % de janvier à décembre de la même année. Mais ici, cette avance au lieu de marquer, comme pour les actions, la fin d’un grand mouvement, témoigne au contraire d’un commencement, d’une rentrée en faveur des obligations auprès des capitalistes.

Il n’est guère possible, alors que 1930 vient à peine de commencer, de porter un jugement définitif sur la reconstitution du capital en Belgique pendant l’année 1929 ni de s’essayer à commenter dans une étude détaillée l’évolution des banques belges durant la dernière année. Les statistiques que nous avons sous les yeux sont encore incomplètes et quelques banques seulement ont jusqu’ici publié leur bilan; aussi serait-il malaisé d’arrêter maintenant la situation de nos établissements de crédit au 31 décembre 1929.

Cependant il semble bien que dès à présent, nous puissions tenter de dégager les tendances qui se sont manifestées durant ces derniers mois, tant dans le domaine de l’épargne que dans l’activité de nos banques. Et puisque le cadre dans lequel sont apparus ces deux aspects de notre économie est étudié ailleurs dans cette revue, nous aborderons aussitôt notre sujet.

Les statistiques de notre commerce extérieur en 1929 ne manquent pas d’être particulièrement intéressantes à plusieurs points de vue.

Les effets de la stabilisation monétaire à un taux relativement bas pour le franc se sont de plus en plus atténués; la prime à l’exportation résultant du décalage des prix est pratiquement absorbée. L’index des prix de gros a eu durant l’année écoulée une tendance à la baisse; il est descendu de 855 en décembre 1928 à 823 en décembre 1929. Les charges fiscales sont restées proportionnellement les mêmes qu’en 1928; par contre, les salaires ont eu dans l’ensemble une tendance plutôt à la hausse.

Nous sommes en possession des statistiques mensuelles relatives à l’extraction et à la cokéfaction de la houille dans notre pays pendant l’année 1929. Leurs chiffres sont provisoires, et subiront certaines rectifications de détail dans la statistique annuelle, qui paraîtra d’ici dix mois. En raison du peu d’importance que présentent d’habitude ces rectifications, il nous a paru intéressant de rassembler dès maintenant les éléments mensuels dont nous disposons et d’en dégager une vue d’ensemble sur la marche de notre industrie houillère, pendant l’année qui de s’écouler.

Les résultats auxquels nous sommes arrivés ne prennent d’autre part, toute leur signification, que si on les compare à ceux des années antérieures. Nous avons donc jugé utile d’étudier l’évolution économique de nos deux grandes industries nationales celle du charbon et du coke, durant la période d’un quart de siècle qui s’est achevée en 1929 et qui a vu s’opérer un ensemble de modifications techniques et sociales considérables.

Le malaise qui, d’une façon générale, pèse sur nos industries textiles depuis le début de 1928, ne s’est point encore dissipé au cours de cette année. Les conclusions plutôt pessimistes de certains bilans, ainsi que les informations émanant d’observateurs avertis en témoignent nettement, et d’une manière bien plus catégorique que les statistiques du chômage ou du « short time ».

La situation se caractérise par une existence difficile, au jour le jour. Les ordres sont rares, s’enlèvent avec difficulté et moyennant de grands sacrifices. Les filatures sont particulièrement atteintes, et principalement celles du lin, du coton, du jute et de la soie artificielle. Enfin, ce sont surtout les usines adonnées à l’exportation, qui parviennent le plus difficilement à alimenter leurs métiers. Les statistiques de notre commerce extérieur confirment parfaitement cette dernière affirmation. En effet, si le rythme d’accélération de nos exportations s’est accru de 6 pour cent de 1927 à 1928, nous constatons un mouvement de regression de 4 % de 1928 à 1929.

Le malaise qui pèse sur l’agriculture mondiale a fini par atteindre notre pays. Des conditions atmosphériques défavorables l’ont d’ailleurs amplifié pendant l’année écoulée.

Dans cet exposé nous allons passer en revue les divisions correspondant aux grandes opérations agricoles.

Il est encourageant de constater que la valeur des produits exportés du Congo en 1929 est estimée à environ 2 milliards, en majoration de 30 à 35 pour cent sur celle des exportations de 1928 et, ensuite, que des affaires coloniales déjà mûres et prudemment administrées ont réparti l’an dernier, un demi milliard de dividendes.

Néanmoins, une crise économique règne dans la Colonie et comme elle ne semble pas due exclusivement au malaise mondial, on peut se demander si les possibilités effectives du Congo sont telles que l’apport de capitaux en certaines affaires doive progresser à une allure qui, l’an dernier, a encore augmenté de plus d’un milliard le montant des investissements en notre Colonie, ceux de l’Etat et des missions, non compris.

C’est principalement le domaine de la législation et de la préparation de nouveaux projets qui attire notre attention pendant l’année 1929. Celle-ci a tout d’abord vu poursuivre la mise en application des lois existantes et l’adaptation à la situation économique actuelle, de certaines mesures législatives ou réglementaires. Si les dispositions nouvelles mises en vigueur pendant l’année ont été peu nombreuses — citons la nouvelle loi du 15 mai 1929 sur la réparation des dommages résultant des accidents du travail, et l’arrêté royal du 25 novembre 1929 sur les comités de conciliation — d’importantes questions ont été mises à l’étude et recevront sans doute prochainement leur solution. Nous allons les passer successivement en revue.

La concentration industrielle n’est pas un phénomène nouveau en Belgique. Depuis longtemps les entreprises belges qui se prêtaient à la production en masse n’ont cessé d’accroître leur capital et de grouper sous une même direction un personnel ouvrier plus nombreux

Depuis la fin du XIXe siècle, de nombreux comptoirs nationaux ou régionaux s’étaient constitués en Belgique dans le but d’équilibrer la production et la consommation à un taux rémunérateur; la participation aux cartels internationaux était fréquente avant la guerre. De même, à cette époque, on rencontrait déjà certains exemples d’entreprises combinées ou intégrées que l’on désigne actuellement sous le nom de Konzerne. Ainsi, la métallurgie lourde, obligée de tirer le minerai de l’étranger et d’y trouver des débouchés malgré les barrières douanières, possédait de gros intérêts eu France sous forme de participation dans le capital de minières et d’établissements sidérurgiques. De sou côté, la Société Générale de Belgique, en procédant à une véritable concentration financière de charbonnages, appliquait très tôt la la formule des sociétés à portefeuille ou holdings d’aujourd’hui.

L’année 1929 devait débuter pour le port d’Anvers dans des conditions moins favorables que l’année précédente.

La statistique des entrées pendant le mois de janvier de l’exercice écoulé enregistre une avance de 37 navires, mais, par contre, un recul de 28.000 tonneaux de jauge nette Moorsom (T. M.), par rapport au mois correspondant de 1928. Cette situation apparaît encore très satisfaisante, si l’on tient compte du fait qu’un brouillard intense, régnant sur la mer du Nord, a retardé l’arrivée d’un bon nombre de navires. Bien que Rotterdam comptât 45 bâtiments de plus dans ses entrées que la métropole belge, son trafic est resté de 71.000 tonneaux de jauge nette (T.) en dessous de celui de sa rivale.

La Belgique a toujours attaché une grande importance aux problèmes que posent les chemins de fer: sa situation géographique, et la densité de sa population exigent un réseau très dense pour lui permettre d’assuier un trafic nécessairement intense. D’autre part, son activité économique se reflète presque exactement dans le mouvement de ses chemins de fer. Si à cela on ajoute le fait que cette entreprise occupe plus de 100.000 personnes et l’intérêt que portent bon nombre d’actionnaires aux résultats financiers de la Société Nationale, on comprendra aisément l’utilité d’un bref examen de la situation en 1929.

A l’heure actuelle, nous ne disposons des chiffres officiels que pour les onze premiers mois de l’année: il ne peut donc êtie question d’une appréciation définitive qui exigerait des données complètes; celles que nous possédons constituent cependant une base suffisante pour permettre de se faire une idée sur l’exercice qui vient de se clôturer.