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Limitation de l’observation externe en sociologie

Published online by Cambridge University Press:  17 August 2016

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Les sociologues veulent faire œuvre de science. Ils désirent accroître un’ ensemble de connaissances objectives relatives aux phénomènes sociaux et éviter toute vue purement personnelle ou subjective dans la présentation et l’explication de ces phénomènes. Soucieux d’atteindre un haut degré d’objectivité certains veulent suivre les traces des physiciens, des chimistes, des biologues. Ils prétendent limiter leur étude à ce qui est susceptible d’observation externe, aux éléments sensiblement perceptibles. Leur étude aura pour point de départ des faits « objectifs ». Elle ne comportera que des éléments expérimentaux. Le donné considéré sera objectif dans la mesure où des observateurs isolés, ou étrangers et indépendants les uns des autres, s’accorderont sur la description de cette chose par l’un d’entre eux. Il faut que cette description consiste en affirmations vérifiables et indépendantes des sentiments, des désirs, des intuitions et des conceptions subjectives de l’observateur. Ensuite, l’homme de science s’efforcera de mieux connaître ce donné observable en recherchant des relations entre ses éléments. Il les exprimera par des lois qui feront connaître certaines constantes.

Dans quelle mesure cet idéal est-il réalisable? Quelles sont les conséquences de son application aux phénomènes humains? Nous voudrions examiner ici certains aspects de ce problème en considérant l’attitude de quelques sociologues.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Université catholique de Louvain, Institut de recherches économiques et sociales 1946

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References

(1) E. WAXWEILER, Esquisse d’une Sociologie, Bruxelles, 1906, pp. 27–28.

(1) Ibidem, p. 28. On rencontre dans l’œuvre des affirmations semblables par lesquelles Waxweiler se refuse à reconnaître un ordre de valeurs. Ainsi, en un passage subséquent de l’Esquisse, il critique l’introduction de préoccupations morales dans l’étude des activités sociales. On ne doit pas rechercher si celles ci sont dans le sens du « progrès » ou du « mieux être » des hommes, le physiologiste ne caractérise pas comme « bonne » ou « mauvaise » la réaction due à une excitation périphérique » (p. 54). De telles affirmations vont de soi dans les disciplines strictement scientifiques. La science ne fournit aucune échelle de valeurs et les notions de « supérieur », de « bon », de « mauvais », de «juste >; ou « d’honnête » n’ont aucun sens pour elle. Peut-être faut-il interpréter les affirmations de Waxweiler en ce sens. On peut en douter. Dérivant d’une conception déterministe et non-progressiste de l’évolution sociale, partiellement reprise à Spencer, le refus d’envisager un ordre de valeur quelconque peut trouver sa pleine explication dans le dogme matérialiste qui caractérise nettement les premiers écrits de Waxweiler. D’autres passages de l’œuvre permettent de voir qu’il ne s’agit pas là d’un principe méthoaologique rigoureux.

(2) Ainsi, les exemples qu’il donne se rapportent au règne animal ou végétal, ils n’ont pas trait à l’humain… mais ils s’insèrent dans un contexte de portée plus générale qui suggère au lecteur que le domaine du vivant tout entier est le règne du hasard, de la contingence ou de déterminismes précis. (Cfr principalement, à ce propos: Esquisse…, pp. 27 à 29). Une telle suggestion ne concorde vraisemblablement pas avec sa pensée, en ce sens qu’il acmet sur le plan humain but, íinalité, concert de volontés. Mais elle révèle une tencance: partout où il le peut, et en ordre principal dans l’Esquisse, Waxweiler souligne soit le déterminisme, soit le hasard, laissant dans l’ombre le finalisme et la liberté. Adhérant aux idées de Spencer, dans la première partie de l’Esquisse d’une Sociologie, Waxweiler ne fait pas suffisamment la distinction entre le vivant conscient et non-conscient.

(1) Ainsi, Waxweiler critique fort justement les interprétations darwiniennes de la mimique animale. Darwin introduirait dans l’explication de la mimique des principes subjectifs; selon lui, elle se fait tantôt « pour terrifier l’ennemi », tantôt « pour faire paraître l’animal plus grand et plus terrible à ses rivaux ». Une semblable explication par la terreur prend l’effet pour la cause. D’après Bechterew « tous les mouvements mimiques ont un sens biologique non pas » d’utilité, ce qui est une notion subjective, mais de nécessité, comme réaction » aux impulsions reçues. C’est la nécessité biologique qui règle tous les détails » de la mimique; aucun facteur personnel ou volontaire n’intervient ». (E. WAXWEILER, Nécessité biologique ou finalité sociale de la mimique, par W. Bechterew, dans Bulletin mensuel de i’Institut de Sociologie, Archives sociologiques, juillet-août-septembre 1910, pp. 1–4).

(2) L’éthologie est, selon Waxweiler, la science des rapports de l’être avec son milieu.

(1) E. WAXWEILER. A propos des expériences de J. Loeb sur les instincts. Syllabus des Communications du 2 février 1907; Cours de Sociologie, pp. 7–10).

(2) Dans le Cours de Sociologie. Waxweiler fait rentrer sous le terme « tropisme » ce qu’il avait cru expulser en répudiant le terme instinct. Après avoir cité quelques cas d’héliotropisme, il déclare: « La réaction est désignée sous le nom de » tropisme. Tout tissu vivant a une même attitude fonctionnelle qui consiste à » retrouver l’équilibre perdu. Le tropisme est la tendance à retrouver l’équilibre». Dire que l’être a « tenaance à retrouver l’équilibre perçu » et dénommer cela tropisme, n’est-ce pas substituer à la notion d’instinct une notion qui n’est guère plus claire et qui trahit, elle aussi, une vue finaliste?

(1) Voir principalement: LE DANTEC, Théorie nouvelle de la vie, 3e édition, Paris, Félix Alcan, 1904; Le déterminisme biologique, Paris, F. Alcan, 1897.

(2) ETIENNE RABAUD, Psychologie animale et finalité, dans Conduites, Sentiments, Pensée des animaux, par F. Rabaud, Mathilae Hentz, etc., Paris, F. Alcan, 1938.

(3) Ibidem, p. 2.

(4) Ibidem, p. 4.

(1) Ibidem, p. 3.

(2) W.R. THOMPSON, Le parasitisme et la doctrine transformiste, pp. 126 ss. dans Le Transformisme, par M.M. Lucien Cuénot, Roland Dalbiez, Elie Gagnebin, W. R. Thompson, Louis Viatleton, Paris, Vrin, 1927.

(3) CLAUDE A. CLAREMONT, The innumerable instincts of man, Londres, 1940.

(1) Cfr. CLAREMONT, The innumerable instincts of man, pp. 34, 57, etc…. La formule « a creature who does the right thing without knowing why » resume bien sou point de vue. Ce dernier est pourtant, nous semble-t-il, souvent exprimé de façon maladroite lorsque Claremont déclare que l’action instinctive est « purposive »: ce terme se réfère à une action intentionnelle alors que M. Claremont parle de buts que le sujet de l’action ignore.

(2) Il y a une séquence de mouvements indéterminés, mais à la fin de cette séquence il y a toujours un mouvement fixe auquel tous les autres conduisent. M. Claremont voit dans cette fin, ce « goal », « the obvious purposive action, » of the purpose of which the doer is seemingly ignorant ». {Ibidem, pp. 49–50). Une telle action est, nous montre M. Claremont, souvent le point de départ d’une autre série d’actions que le sujet ne connaît ou ne prévoit pas nécessairement.

(3) L. L. BERNARD, Instinct, pp. 187–188, New-York, 1924.

(1) J. DEWEY, Human nature and conduct, New-York, 1922.

(2) L. L. BERNARD, Instinct, New-York, 1924. F. L. ALLPORT, Social Psychology, Boston, 1924.

(3) ELLSWORTH FARIS, The beginnings of Social Psychology, p. 423, dans American Journal of Sociology, May 1945.

(4) L. L. BERNARD, op. cit., p. 509.

(1) BERGSON, Evolution Créatrice, Paris, Alcan, 1907. Chapitre I, spécialement pp. 63, 66, 67.

(1) R. COLLIN, Les cahiers de Philosophie de la Nature, Le Transformisme, Paris, Vrin, 1927, p. 8.

(2) IDEM, Physique et Métaphysique de la Vie, Paris, Doin, 1935, pp. 49–50.

(3) R. COLLIN, Physique et Métaphysique de la vie, o. c., p. 52.

(4) A. DONDEYNE, Métaphysique Spéciale, Louvain, 1938, p. 84.

(1) CLAUDE BERNARD, La Science Expérimentale, Paris, Baillière et Fils, 1890, 3e édition, pp. 209,210, 212.

(2) « Il faut admettre comme un axiome expérimental, déclare-t-il, que chez » les êtres vivants, aussi bien que dans les corps bruts, les conditions d’exis » tence de tout phénomène sont déterminées d’une manière absolue ». Introduction à l’étude de la médecine expérimentale. Paris, Levé, 1900, p. 106.

(3) Voir, Abbé LÉON NOËL, Le déterminisme, o. c., principalement les chapitres II, V et VII.

(1) R. COLLIN, Physique et Métaphysique de la Vie, pp. 54–56.

(1) VILFREDO PARETO, Traité de Sociologie Générale, 2 vol., Paris, 1816–17.

(1) Cfr. principalement l’Avant-Propos et les Contributions aux Archives Sociologiques, publiés dans le Bulletin Mensuel de l’Institut de Sociologie Solvay de 1910 à 1914.

(2) E. WAXWEILER. Sur la classification et l’évolution des types d’organisation sociale, Archives Sociologiques, mars 1912, pp. 374–375.

(1) TALCOTT PARSONS, The present position and prospects of systematic theory in sociology, p. 48, dans Twentieth Century Sociology, New York, 1945.

(2) FLOYD H. ALLPORT, Institutional Behavior, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1933.

(1) Cfr. F. H. AIRPORT, o. c, pp. 8–21.

(2) Ibidem, pp. 27–28.

(3) Op. cit., p. 21.

(4) Op. cit., p. 24.

(5) Ibidem, p. 21.