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Les rapports modèle-réalité dans la théorie économique

Published online by Cambridge University Press:  17 August 2016

Michael De Vroey*
Affiliation:
Université Catholique de Louvain
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Le but de cet article est de confronter la théorie économique (ou le commun dénominateur des théories économiques « reçues ») aux critères d’une théorie scientifique, tels que la philosophie des sciences les expose.

Tant en économie qu’en critique des sciences, un grand nombre de discussions ont eu lieu, — dans la première sur le réalisme des hypothèses, dans la seconde sur l’explicitation des notions de théorie scientifique — mais on a trop rarement entrepris de mettre les deux approches en contact. Cependant une telle confrontation serait susceptible d’éclairer maints débats économiques actuels et pourrait aider à indiquer les directions de recherche fructueuses. La présente étude se voudrait une contribution à ce rapprochement.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Université catholique de Louvain, Institut de recherches économiques et sociales 1969 

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Footnotes

(*)

Nous remercions MM. les Professeurs Dupriez et Ladrière de leurs précieux conseils.

References

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(2) Opus cité, p. 91.

(3) Hutchison, T. W., The Significance and Basic Postulats of Economic Theory, New-York A. M. Kelley. 1960, 192 p.Google Scholar

(4) Opus cité, p. 30.

(5) Nagel appelle «terme théorique» les expressions contenues dans l’ensemble des axiomes et théorèmes, qui désignent non pas des choses observables en fait mais diverses entités qui ne peuvent être spécifiées autrement que par une théorie postulant leur existence ou comme limites idéales de processus théoriquement sans fin. Par exemple la notion de vide chez Galilée, l’élasticité de la demande en un point en économie.

Par contre les termes d’observation sont des prédicats exprimant soit des propriétés observables (« bleu », «chaud ») soit des relations observables (x plus grand que y) de certains événements ou de certaines choses.

(6) Opus cité, p. 100.

(7) Friedman, M., Essays in Positive Economics, Chicago, Univ. of Chicago Press, 1953, 328 p.Google Scholar

(8) Nagel, A., Assumptions in Economic Theory, American Economic Review, mai 1963, pp. 211219 Google Scholar.

(9) « Hypothesis » est synonyme de « theory » pour Friedman. Nous avons traduit le terme « assumption » par postulat.

(10) Opus cité, p. 8.

(11) Ibidem, pp. 14–15. Nous n’envisageons pas ici les spécifications de sa thèse principale, qui atténuent son caractère agressif.

(12) Nagel, E., Assumptions in Economic Theory, American Economic Review, mai 1963, Papers and Proceedings, pp. 211219.Google Scholar

(13) Nagel, E., article cité, p. 212 Google Scholar. Un exemple économique est le bien « parfaitement divisible. »

(14) p. 147.

(15) Partie, II Cfr, 3ème paragraphe pour la définition de l’explication scientifique, p. 145.Google Scholar

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Melitz, J., Friedman and Machlup, on testing economic assumptions, Journal of Political Economy, févr. 1965, pp. 3760.CrossRefGoogle Scholar

(17) Cfr la controverse avec Archibald. Notons aussi l’argument astucieux de Melitz qui remarque que si on pouvait identifier « les classes de phénomènes non désignés » on pourrait les éliminer du même fait !

(18) Friedman, M., Opus cité, P. 8.Google Scholar

(19) Pour la distinction entre les deux types de langage cfr R. CARNAP, The methodological character of theoretical concepts, in Feigl, H. et Scriven, M., éd. « Minnesota studies in the philosophy of science, vol. I, The foundations of science and the concepts of psychology and psychoanalysis», Minneapolis, 1956, 346 p., pp. 38–76Google Scholar.

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(22) Nous serions tentés de dire: sinon pour la recherche en tous les cas pour l’enseignement, mais comme celui-ci doit être basé sur des recherches, notre suggestion concerne donc les deux aspects.

(23) Robinson, J., Economic Philosophy, Londres, Watts, 1962, 150 p.Google Scholar

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(25) Hempel, C., Aspects of Scientific Explanation, New-York, 1965, 505 p.Google Scholar

(26) Idem, p. 246.

(27) Ibidem, p. 49.

(28) Voilà donc la réponse à la question sur les conditions d’utilisation de « lois pures ». cfrp. 8.

(28) Opus cité, p. 238.

(29) Papandreou, A.G., Economics as a Science, Philadelphia, J.B. Lippincott Co, 1958, 148 p., pp. 137–38Google Scholar

(30) Opus cité, pp. 145–146.

(31) A notre avis, beaucoup d’économistes sont à ranger parmi les défenseurs de cette thèse, notamment tous ceux qui affirment que la science économique est la plus développée des sciences humaines, parce qu’elle est la plus formalisée… C’est pourquoi nous avons pris les vues de Nagel et Hempel comme référence dans la première partie de cet article: pour montrer les lacunes de la théorie économique par rapport même aux critères dont elle prétend dépendre et dont ses praticiens tirent leur orgueil !

(32) Au sens philosophique du terme.

(33) Schutz, A., Collected Papers-I, The problem of social reality Google Scholar, edited by Natanson, M. The Hague, Martinus Nyhofif, 1962, 361 p.Google Scholar; part 1 : On the methodology of the social sciences : « Common-sense and scientific interpretation of human action », « Concept and theory formation in the social sciences », « Choosing among projects of actions ».

(34) Opus cité, p. 6.

(35) Weber, M., The Theory of Social and Economic Organization, Londres, Oxford University Press, 1947, 436 p, pp. 9, 12, 18, 88, 90.Google Scholar

(36) Opus cité, p. 43.

(37) Schutz les appelle homunculi.

(38) Opus cité, p. 41.

(39) Opus cité, p. 45.

(40) Une telle attitude est d’ailleurs en conformité avec ces approches elles-mêmes. Schutz, par exemple, a écrit : « The social sciences, like all empirical sciences, have to be objective in the sense that their propositions are subjected to controlled verification and must not refer to private uncontrollable experience » in « Concept and theory formation in the social sciences», The Journal of Philosophy, 1954, vol. 51, p. 270.

(41) L. J. Goldstein, The phenomenological and the naturalistic approaches to the social, in Natanson, M., éd., Philosophy of the Social Sciences, New-York, 1963, pp. 286301, p. 290Google Scholar.

(42) Dupriez, L.H., Philosophie des conjonctures économiques, Louvain, 1959, 506 p.,Google Scholar

(43) Bien sur, la science est de toute facon une abstraction, mais faut-il abstraire a partir de la réalité totale ou faut-il, au préalable, découper celle-ci en tranches? Le probléme concerne done le type d’abstraction …

(44) E. Balibar, Sur les concepts fondamentaux du matdrialisme historique, dans Althusser, L. et Balibar, E., « Lire le Capital », Paris, Maspero, 1968, tome 2, p. 100.Google Scholar

(45) Opus cité, pp. 10–4.

(46) Cette constatation est également faite par Perroux, F.: « L’échange économique est soigneusement extrait et supposé isolable de ses accompagnements sociaux» in Economie et société, Paris, P.U.F., 1963, p. 9.Google Scholar

(47) Godelier, M., Rationalité et irrationalité en économie, Paris, Maspero, 1966, 293 p., p. 31.Google Scholar

Notons qu’il faut considérer la proximity entre théorie sociologique et théorie économique à des niveaux différents. On pourrait en distinguer trois:

1) La sociologie examine le contenu des concepts que l’économie emploie à l’état brut sans les analyser. Un bon exemple est le concept d’échange, pierre angulaire de la théorie du marché. Sa signification profonde a été dégagéé par des auteurs comme Mauss et Lévy-Strauss: il n’y a plus dans l’éxchange que les choses échangées. L’échange se décompose en trois obligations: donner, recevoir, rendre. II instaure un cycle qui lie les parties bien audelà du moment passager oú l’acte a lieu, il établit une alliance… Mais on n’échange pas tout avec tout le monde. Cette alliance connait des gradations: des biens aux mots, aux services, aux femmes. Le degré de perfection des systémes d’échange dépend, dés lors, des caractéristiques de ce qui est échangé. Ce premier apport reléve de ce qu’on pourrait appeler la culture générale scientiflque, dégageant la signification humaine de ce qui n’est pour l’économiste qu’un concept opératoire.

2) La sociologie étudie les mêmes réaltiés que l’économie mais dans une autre perspective. Ainsi le « management » est, pour l’économiste, un facteur de production. Pour le sociologue, il est une classe ou une strate sociale délimitée par des règies d’accès et il exprime un système d’autorité dans une organisation.

3) Comme Godelier l’a montré, la sociologie impose à l’économie des découpements structurés de la réalite sans lesquels aucune prise précise sur les phénomènes à expliquer n’est possible. Par exemple dans la théorie du travail, la distinction entre « wage-market » qui établit les prix et « job market » qui repartit les jobs…

(48) Godelier, M., Opus cité, P. 31 Google Scholar.

(49) Idem, pp. 19 et 27.

(50) Le terme matériel suggère qu’on s’intéresse au contenu des activités pour distinguer celles qui entrent dans le domaine de la science économique.

(51) Ladrière, J., Quelques remarques d’inspiration philosophique à propos de l’action économique, Séminaire de Philosophie sociale, janvier 1968, 5 pages.Google Scholar

(52) En ce qui concerne les services, on peut les intégrer de diverses manières dans la définition matérielle. Pour Godelier, l’économie étudie, en plus de son champ spécifique, un aspect particulier des activités non économiques, mais d’une manière toute différente de l’approche formelle, c’est-à-dire en référence au contenu et non à la forme de ces activités. « Pour les partisans de la définition formelle de l’économie toute activité finalisée par sa forme même est économique ou a un aspect économique puisque l’individu cherche à «économiser» ses moyens. Pour nous, à l’inverse, toute activité finalisée peut avoir un aspect économique, par son contenu même, c’est-à-dire si sa réalisation implique directement ou indirectement l’usage de moyens matériels. » (opus cité, p. 28). Pour Ladrière, il faut inclure les services dans la sphère de la production. « Sans doute les services ne transforment-ils pas directement le donné, mais ils interviennent à titre de conditions indispensables dans le processus de la production (entendu bien sûr en un sens très large, en tant que posant tous les préliminaires de la consommation). On pourrait rattacher les services aux dépendances spatiales et temporelles qui affectent le comportemnt humain» (article cité, p. 3).

(53) Dès qu’elles sortent du «système formel» proprement dit.

(54) Paelinck, J., Science économique et finalité humaine. Efficacité, justice et clairvoyance, Faculté des sciences économiques et sociales, Namur, Séminaire de Philosophie sociale, 1967.Google Scholar

(55) Löwe, A., Opus cité, p. 91 Google Scholar.

(56) Signalons en passant que les objections d’Arrow sur la possibilité d’une définition démocratique des objectifs ont été répétées par Katona, G. dans Rational behavior and economic behavior, Psychological review, 1953 CrossRefGoogle Scholar.