Contrairement à bien des écrivains et à bien des philosophes, Jean Jacques Rousseau semble avoir trouvé, dès le début de sa carrière, l'idée directrice qui devait le guider dans toute son œuvre. Contenue, déjà presque entière, dans le Discours sur les Sciences et les Arts, la théorie sur la bonté originelle de l'homme est formulée avec netteté et développée dans le Discours sur l'Inégalité; on la retrouve dans tous les ouvrages de Rousseau, c'est l'essential même de sa doctrine, le principe admis par lui comme absolu et incontestable, dont il ne se départira pas et qu'il défendra obstinément. Il est assez étonnant, au premier abord, de voir Rousseau prendre cette attitude dans la lutte philosophique à un moment où les idées de progrès out gagné tellement de terrain, dans un des siècles les plus civilisés et les plus heureux de son raffinement que l'on ait connu. Ajoutons que Rousseau, en sa double qualité de Génevois et de protestant foncier, qu'il est toujours resté, aurait dû croire plus que tout autre à ce que Calvin appelle la “malice humain.” Suffitil de dire que Rousseau “étant éminemment individualiste, toute sa doctrine sort de la constitution particulière de son moi,” comme M. Lanson le déclare? Il ne semble pas, et cette solution ne nous satisfait guère; il y a pourtant là un problème psychologique autant que littéraire qui vaut d'être examiné.