Dans la nuit du 14 au 15 juillet 1844, vers la fin de sa 72e année, mourait à Paris Claude-Charles Fauriel, membre de l'Institut. Cet événement est rappelé dans un post-scriptum de 26 lignes (en petit texte) ajouté à la “Chronique de la quinzaine” de la Revue des deux mondes, en date du 31 juillet et signé V. de Mars: “La perte si regrettable et subite de l'auteur du recueil des Chants Populaires de la Grèce a fait une impression profonde auprès des hommes éminens dont M. Fauriel avait été l'ami et sur lesquels son esprit … avait exercé une influence d'autant plus digne de remarque, que le public n'avait guère été à même de l'apprécier.” L'auteur y loue “l‘écrivain à qui Cabanis adressait ses fameuses lettres des Causes premières, l'ami dont Manzoni écoutait l'inspiration et à qui il se faisait honneur de dédier sa première pièce, l'homme que Mme de Staël consultait sur la littérature allemande, qui donnait à M. Cousin le goût de la philosophie ancienne, à M. Raynouard celui des troubadours, à M. Augustin Thierry celui des races du moyen âge, à M. Ampère celui des littératures comparées … ” Si élogieuses que puissent paraître ces observations, elles ne rendent pas complètement compte du rôle de Fauriel dans l'histoire littéraire de son temps. Elles ne disent rien, par exemple, de son rôle d'initiateur de la critique dantesque en France, tel que l'a montré Frédéric Ozanam dans un article du Correspondant en date du 10 mai 1845 et intitulé “M. Fauriel et son enseignement.” Ce n'est qu'après la publication, due aux soins de son amie et exécutrice littéraire Mary Clarke Mohl, des deux volumes sur Dante et les originesde la poésie italienne (Paris: Durand, 1854), qu'on put pleinement apprécier ce rôle. Au cours de cette même année 1854, à l'occasion d'une traduction de l‘Enfer par le président Mesnard, Sainte-Beuve parle de la “fortune” en France de Dante, qui trouvait la faveur après de longs siècles d'oubli. “Il est des révolutions dans le goût et dans les manières de voir qui ne peuvent réussir qu'en s'appelant de leur nom et en se dessinant hardiment … Fauriel était destiné à opérer ce changement profond dans le goût, je ne dirai pas du public, mais de tous les littérateurs instruits et de la portion la plus éclairée de la jeunesse française.”