Le livre ii,—on l'a souvent remarqué,—manque d'unité. Des trois parties dont il se compose, la première se rapporte à l'enfance et à la jeunesse fabuleuses de Pantagruel, la seconde à son séjour à Paris, la troisième à son expédition en Utopie. Ce qui marque le début et la fin du roman, c'est le caractère extraordinaire des personnages et de leurs aventures, et le ton familier du récit. Ces deux parties, note M. Abel Lefranc, semblent avoir été rédigées avant la seconde. Dans celle-ci, il ne reste guère plus rien d'anormal, plus d'incidents surnaturels. On oublie presque que le héros est un géant. C'est dans cette seconde partie que Rabelais a exprimé des idées graves et nobles en des pages enthousiastes qui sont remarquables au point de vue littéraire. Ces contrastes ne se retrouvent pas dans les autres livres du roman rabelaisien. Gargantua, le Tiers et le Quart Livres sont mieux composés et mieux écrits. L‘élément mythique y tient moins de place. Pantagruel s'y présente sous d'autres traits: il se fait plus digne; sa bonhomie, de spontanée, devient réfléchie. Non seulement le livre II est moins harmonieux que les autres, mais ce qui le distingue, ce sont les scènes d'une vulgarité de fableau, dénuées souvent de portée, et simplement plaisantes. Par sa première et sa troisième parties, tout imprégnées d'esprit populaire, le livre n tient encore des récits traditionnistes dont les autres livres se dégagent plus nettement. C'est l‘étude des relations qui existent entre Pantagruel et les Chroniques gargantuines qui va nous occuper.