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La Dispositio Rhétorique Dans Les Épîtres Pauliniennes

Propositions de Méthode*

Published online by Cambridge University Press:  05 February 2009

Jean-Noël Aletti
Affiliation:
(Pontifical Biblical Institute, via della Pilotta 25, 00187 Rome, Italy)

Extract

Mon propos n'est pas de faire le status quaestionis sur les travaux qui, depuis maintenant deux décennies, ont systématiquement étudié le NT à l'aide de la rhétorique gréco-romaine. Sans doute est-il encore trop tôt pour dresser un bilan exhaustif. Malgré tout, les tendances de la recherche se dessinent avec suffisamment de précision pour qu'il soit possible de suggérer des pistes de réflexion et des changements substantiels dans l'approche rhétorique des textes – en particulier pauliniens.

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Articles
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Copyright © Cambridge University Press 1992

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References

1 Les cinq parties de la rhétorique gréco-romaine – inventio, dispositio, elocutio, memoria et actio – sont bien connues, inutile de s'y attarder ici.

2 Aletti, J.-N., ‘La présence d'un modèle rhétorique en Romains’, Bib 71 (1990) 124Google Scholar. Pour Rm 9–11, voir aussi mon essai Comment Dieu est-il juste? Clefs pour interpréter l'épître aux Romains (Paris: Seuil, 1991)Google Scholar, qui vise à montrer combien l'attention aux modèles littéraires utilisés par Paul est de la plus grande importance pour déterminer la justesse des interprétations théologiques (sur le rapport de Paul à la Loi, au judaïsme, etc.).

3 Cf. du Toit, A. B., ‘Persuasion in Romans 1:1–17’, BZ N.F. 33 (1989) 192209Google Scholar, qui reproche à de nombreux exégètes d'être tombés dans un pan-rhétorisme grec. Pour la dispositio, il a certainement raison. Quant aux techniques de persuasion utilisées par Paul, nombreuses sont celles qui ont un parallèle dans la rhétorique grecque, mais à ce niveau il est difficile de déterminer jusqu'à quel point l'Apôtre dépend des grecs.

Sur la façon différente dont les exégètes traitent les épîtres pauliniennes, comme de véritables lettres (genre épistolaire) ou comme des discours (suivant donc les conventions rhétoriques), voir Thurén, L., The Rhetorical Strategy of 1 Peter (AÅbo: AÅbo Academy, 1990) 5764.Google Scholar

Concrètement, l'approche rhétorique donne plus de résultats que l'autre et permet de comprendre le projet de l'Apôtre.

4 Cf., par exemple, Hughes, F. W., Early Rhetoric and 2 Thessalonians (Sheffield: JSOT 1989)Google Scholar; Watson, D. F., Invention, Arrangement and Style. Rhetorical Criticism of Jude and 2 Peter (SBL Diss. Series 104; Atlanta GA: Scholars, 1988)Google Scholar; idem, ‘1 John 2,12–14 as distributio, conduplicatio and expolitio. A Rhetorical Understanding’, JSNT 35 (1989) 97110.Google Scholar

5 Depuis l'ouvrage magistral de Hengel, M., Judaismus und Hellenismus (Tübingen: Mohr, 1969)Google Scholar, plusieurs exégètes ont montré l'influence de l'hellénisme sur le judaïsme, même palestinien. Cf., entre autres, Kinneavy, J. L., Greek Rhetorical Origins of Christian Faith. An Inquiry (New York: Oxford University, 1987).Google Scholar

6 Cf. Vanhoye, A., La structure littéraire de l'épître aux Hébreux (Paris: Desclée de Brouwer, 1963).Google Scholar

7 Ainsi 1.4; 2.17; 5.9–10; 10.36–39; 12.13, qui sont des partitiones au sens strict, annoncent à la fois les questions traitées et les positions prises par l'auteur dans les développements qui ont pour fonction de les expliquer et justifier.

8 Ars rhetorica, 1414a, 31–36: ‘Il n'y a dans le discours que deux parties, car il est nécessaire de dire quel est le sujet et de le démontrer. Il est, par conséquent, impossible, une fois qu'on l'a exposé, de ne pas le démontrer, ou de le démontrer sans l'avoir préalablement exposeé car démontrer suppose quelque chose à démontrer, et une exposition préalable n'a qu'une fin, la démonstration. De ces deux parties, l'une est l'énoncé (πρόθεσις); l'autre la preuve (πίστις), tout comme si l'on distinguait d'une part le problème (πρόβλημα), d'autre part la démonstration (ἀπόδειξις).’

9 Dans son ars rhetorica, Quintilien admet que la dispositio change normalement avec le genre rhétorique: il n'en prend pas moins la dispositio des discours judiciaires comme schéma de référence. Sur la souplesse des anciens orateurs, voir les remarques pertinentes de L. Thurén, 1 Peter, 50–1.

10 Ainsi, par exemple, Übelacker, W. G., Der Hebräerbrief als Appell 1: Untersuchungen zu exordium, narratio und postscriptum (Hebr 1–2 und 13.22–25) (CB NT Series 21; Stockholm: Almqvist & Wiksell International, 1989)Google Scholar, qui applique à Hébreux le schéma dont nous venons de parler: exordium (1.1–4), narratio (1.5–2.18), etc., avec, en plus, un élément souvent peu mis en valeur par les manuels, la propositio (2.17b–18).

11 Cf. par exemple, Meynet, R., dans la conclusion de son Évangile selon Saint Luc. Analyse rhétorique (2 vols.; Paris: Cerf, 1988)Google Scholar 2.265, et au dos de la couverture de Avez-vous lu Saint Luc? (Paris: Cerf, 1990).Google Scholar

12 Cf. la dernière étude en date, celle de Dupont, J., ‘La structure oratoire du discours d'Etienne’, Bib 66 (1988) 153–67.Google Scholar

13 Il n'en fut pas de même pour l'évangile de Marc, pour lequel on a déjà proposé une composition basée sur la dispositio des tragédies grecques. Cf. Standaert, B., L'Évangile selon Marc (2e éd.; Brugge: Zevenkerken, 1984).Google Scholar

14 Cf. Standaert, B., ‘La rhétorique ancienne dans Saint Paul’, L'apôtre Paul (éd. A. Vanhoye; BETL 73; Leuven: Leuven University, 1986) 90–1Google Scholar; également, Aletti, J.-N., L'art de raconter Jésus Christ. L'écriture narrative de l'évangile de Luc (Paris: Seuil, 1989) 178.Google Scholar

15 Cf. J.-N. Aletti, L'art de raconter, où l'on trouvera de plus amples preuves.

16 Pour le processus de vérification (ou de véridiction) en Lc, voir J.-N. Aletti, L'art de raconter. Notons en passant que ce contexte rhétorique global favorise une interprétation semblable, argumentative et rhétorique, des paraboles lucaniennes (cf. Aristote, Rhet. 1393b, 3–7), alors que les paraboles marciennes et matthéennes s'apparentent davantage aux meshalim bibliques.

17 Pour Rm, cf. J.-N. Aletti, Romains, surtout 140–50 et 158–63.

18 Sur ce modèle, voir Stegner, W. R., ‘Romans 9,6–29 – A Midrash’, JSNT 22 (1984) 3752Google Scholar. Egalement Ellis, E. E., Prophecy and Hermeneutic (WUNT 18; Tübingen: Mohr, 1978) 218–19Google Scholar, et Vincent, R., ‘Derash homilético en Romanos 9–11’, Salesianum 42 (1980) 751–88.Google Scholar

19 L'ouvrage de Kennedy, G. A., New Testament Interpretation through Rhetorical Criticism (Chapel Hill: University of North Carolina, 1984)CrossRefGoogle Scholar est le plus souvent cité comme exemplaire de la méthode à suivre.

20 Conclusion à laquelle arrive Betz, H. D., ‘The Literary Composition and Function of Paul's Letter to the Galatians’, NTS 21 (1975) 353–79.CrossRefGoogle Scholar

21 Ainsi G. A. Kennedy, dans l'étude citée en note 19, où l'on trouvera d'autres arguments invoqués en faveur de ce dernier genre.

22 En ce verset, le substantif paraklèsis a sans doute une double connotation: à la fois ‘exhortation’ et ‘consolation’.

23 Cf. supra, note 2.

24 Selon d'autres la narratio va jusqu'en 3.20. Cf. Vouga, F., ‘Romains 1,18–3,20 comme narratio’, La narration. Quand le récit devient communication (ed. Bühler, P.Habermacher, et J.-F.; Genève: Labor et Fides, 1988) 145–51.Google Scholar

25 Pour la disposition concentrique de cette section, voir J.-N. Aletti, Romains, 142–6.

26 Ainsi, H. D. Betz, dans l'article déjà cité (cf. note 20).

27 Standaert, B., ‘La rhétorique antique et l'épître aux Galates’, Foi et Vie 84 (1985) 3340.Google Scholar

28 Même si l'on n'est pas d'accord avec les résultats de Johanson, B. C., To All Brethren. A Text-linguistic and Rhetorical Approach to 1 Thessalonians (CB NT Series 16; Stockholm: Almqvist & Wiksell International, 1987)Google Scholar, il faut néanmoins reconnaître qu'il a évité d'appliquer rigidement la dispositio des discours judiciaires.

29 Wuellner, W., ‘Paul's Rhetoric of Argumentation in Romans. An Alternative to the Donfried-Karris Debate over Romans’, CBQ 38 (1976) 330–51Google Scholar, est le premier à avoir perçu qu'il fallait éviter de reprendre, pour Rm, telle quelle la dispositio judiciaire, où une narratio est censée précéder la probatio.

30 Comme le fait W. G. Übelacker, dans l'ouvrage cité en note 10.

31 Cf. Jewett, R., ‘Following the Argument of Romans’, WordWorld 6 (1986) 382–9.Google Scholar

32 ‘Romains 1,18–3,20’ déjà mentionné en note 24. Pour une critique de cette position, voir mon article, ‘Modèle rhétorique’, 5–7.

33 Notons en passant que les v. 12–19, où se donne à lire une argumentation logique de type mégarique, imposent aussi une telle interprétation: ce que Paul montre à ses destinataires, c'est que la mise en question de la résurrection des morts rend vaine et fause la foi au kérygme (en Jésus mort et ressuscité).

34 Contre l'avis de nombreux exégètes, peu familiers avec les modèles rhétoriques de l'époque et qui interprètent ces versets comme une correction de l'hymne primitif (Col 1.15–20), on doit reconnaître en Col 1.21–3 la partitio de l'argumentation subséquente (Col 1.24–4.1):

partitio (1.21–3)

a)état et agir des croyants (v. 21–2)

b) fidélité à l'Évangile reçu (v. 23a)

c) et annoncé par Paul (v. 23b).

probatio (1.24–4.1)

C) le combat de Paul pour l'annonce de l'Évangile (1.24–2.5);

B) Fidélité à Christ (= l'Évangile), tel qu'il fut reçu (2.6–23);

A) Agir moral des croyants (3.1–4.1).

Que Col 1.21–23 soit une partitio se vérifie assez facilement:

(1) v. 21–22: annonce du sujet développé en 3.1–4.1. Cf. le rapport autrefois/maintenant repris en 3.7–8, l'autrefois des œuvres mauvaises (3.5–9: liste de vices), l'aujourd'hui du renouvellement (3.10–11, 12–17);

(2) v. 23a: préparation de 2.6–23. Cf. l'être enraciné et ferme (2.6–7) dans l'Évangile reçu (2.6), sans changer (2.8–19);

(3) v. 23b: mise en route de 1.24–2.5. Cf. l'espérance donnée par l'Évangile (1.28), la proclamation et la révélation de l'Évangile (1.27; 2.2–3), Paul serviteur (1.25, 29; 2.1).

35 Cf. J.-N. Aletti, Romains, en particulier 32–49.

36 Par sa longueur, l'épître aux Philippiens vérifie également ce qui vient d'être dit, mais comme elle soulève des difficultés au niveau de l'histoire de la rédaction, je n'en parlerai pas davantage pour ne pas entrer dans des questions qui n'intéressent pas directement notre sujet.

Quant à Col et Ep, qu'on les considère ou non comme authentiques, leur composition ne dément pas mes propos, au contraire.

37 Dans les épîtres pauliniennes, la composition concentrique ou chiastique est souvent due à des principes rhétoriques connus, selon lesquels un problème concret était d'abord présenté et discuté (A), puis élargi, par une comparaison avec d'autres cas (B), afin et avant de recevoir une solution définitive (A').

38 Chacun sait que l'unité rédactionnelle de 2 Co 1–7 pose d'énormes difficultés, tant pour le rattachement de 1.1–2.13 à ce qui suit que pour la fin de la section (6.14–7.1 et même 7.4–16). L'étude de ces questions ne change en rien l'hypothèse formulée plus haut à propos de la longueur moyenne des unités argumentatives pauliniennes.

39 Cf. Rm 6.12–13; 6.19; 11.17–18.