On admet en général que l'expansion de l'islam était une des principales préoccupations des géographes arabes quand ils décrivaient la situation dans les régions excentriques par rapport au monde musulman. En partant de ce présupposé on aurait pu s'attendre à trouver pour l'ètude de l'histoire d'une région précise, telle que le Kānem, des renseignements amples et explicites nous permettant de dessiner un tableau satisfaisant de la progression de l'islam, au moins dans ses grands traits. En fait, chemin faisant, on découvre que les renseignements qui nous ont été transmis dans ce type de sources, même sur un sujet aussi important, sont si lacunaires et contradictoires que presque rien ne peut être dit avec certitude du processus global dans lequel s’inscrit l'islamisation de la région. Or, dans le cas du Kānem une source interne, longtemps négligée, peut contrebalancer et corriger la vision non seulement lacunaire mais aussi déformant que les géographes arabes donnent du Kānem ancien, le Diwān salātin Bornū. Composée dans l'entourage du roi, cette source elle-même ne présente pas une vue neutre, et, surtout en ce qui concerne des questions touchant à l'islam, elle doit être maniée avec circonspection; mais contrairement aux aperçus aléatoires et sans rapport les uns avec les autres fournis par les géographes arabes, les chroniqueurs autochtones nous présentent une vision d'ensemble rigoureusement chronologique de l'histoire du Kānem dont la critique, à certains égards, est plus aisée.