La tâche humanitaire de la Croix Rouge est bien connue. On peut, il est vrai, taxer de paradoxe le fait d'aider les blessés à guérir pour qu'ils soient ensuite renvoyés de nouveau au front. On peut s'étonner aussi qu'il soit permis à une institution comme la Croix-Rouge de jeter, par son activité, comme un voile sur le carnage insensé que les nations déchaînent de temps en temps. Ne serait-il pas plus politique, pour forcer l'humanité à ouvrir les yeux, de ne pas intervenir du tout, et de laisser la misère se montrer dans toute sa laideur répugnante? N'y a-t-il pas une amère ironie dans le fait qu'une partie de la nation fait tout son possible pour détruire des existences, tandis que l'autre partie de cette même nation s'efforce de sauver et de guérir ceux qui ont été massacrés par les premiers? Une telle manière d'agir n'est-elle pas une «contradictio in adjecto’, une absurdité, une sottise, une naīveté?