Article contents
Sur l'origine du couple terminologique ius ad bellum/ius in bello
Published online by Cambridge University Press: 19 April 2010
Extract
L'apparence d'être plusieurs fois séculaire qu'ont les termes ius ad bellum et ius in bello, favorisée par les mirages de l'auguste solennité du latin, est trompeuse. En réalité ces termes n'apparaissent qu'à l'époque de la Société des Nations; ils ne s'imposent comme lieu commun dans la doctrine et la pratique qu'après la Seconde Guerre mondiale, et plus précisément à l'extrême fin des années quarante. L'objet des quelques lignes qui suivent est d'en retracer l'émergence.
- Type
- Review Article
- Information
- International Review of the Red Cross , Volume 79 , Issue 827: Dossier. Vingt ans de Protocoles additionnels , October 1997 , pp. 593 - 602
- Copyright
- Copyright © International Committee of the Red Cross 1997
References
1 Le ius ad bellum a trait à la faculté de recourir à la guerre ou à la force en général; le ius in bello régit la conduite des belligérants pendant la guerre et, dans un sens plus large, comprend aussi les droits et obligations des neutres.
2 Haggenmacher, P., Grotius et la doctrine de la guerre juste, Paris, 1983, p. 250CrossRefGoogle Scholar et suiv. et p. 597 et suiv., Haggenmacher, P., «Mutations du concept de guerre juste de Grotius à Kant», Cahiers de philosophie politique et juridique, no 10, 1986, p. 117–122.Google Scholar
3 Sur le concept de guerre juste, la littérature est abondante. Voir, sur l'époque gréco-romaine en particulier: Clavadetscher-Thürlemann, S., Polemos dikaios und bellum iustum: Versuch einer Ideengeschichte, Zurich, 1985.Google ScholarMantovani, M., Bellum Iustum — Die Idee des gerechten Krieges in der römischen Kaiserzeit, Berne/Francfort-sur-le-Main, 1990.Google ScholarAlbert, S., Bellum iustum: Die Theorie des gerechten Krieges und ihre praktische Bedeutung für die auswärtigen Auseinandersetzungen Roms in republikanischer Zeit, Lassleben, 1980.Google ScholarHausmaninger, H., «Bellum iustum und iusta causa belli im älteren römischen Recht», Oesterreichische Zeitschrift für öffentliches Recht, 1961, vol. 11, p. 335Google Scholar et suiv. — Sur l'époque du Moyen Âge en particulier: Russell, F. H., The Just War in the Middle Ages, Cambridge/Londres, 1975.Google ScholarHubrecht, G., «La guerre juste dans la doctrine chrétienne, des origines au milieu du XVIe siècle», Recueil de la Société Jean Bodin, 1961, vol. 15, p. 107Google Scholar et suiv. Salvioli, J., Le concept de guerre juste d'après les écrivains antérieurs à Grotius, 2e éd., Paris, 1918.Google ScholarVanderpol, A., La doctrine scolastique du droit de la guerre, Paris, 1925, p. 28Google Scholar et suiv. Vanderpol, A., Le droit de la guerre d'après les théologiens et les canonistes du Moyen Âge, Paris/Bruxelles, 1911.Google ScholarBeesterm-Ier, G., Thomas von Aquin und der gerechte Krieg: Friedensethik im theologischen Kontext der Summa Theologicae, Cologne, 1990.Google Scholar Sur le concept de guerre juste en général, voir P. Haggenmacher, op. cit., supra (note 2). Elshtain, J. B., The Just War Theory, Oxford/Cambridge Mass., 1992.Google ScholarRegout, R., La doctrine de la guerre juste de Saint Augustin à nos jours, Paris, 1935.Google ScholarBeaufort, D., La guerre comme instrument de secours ou de punition, La Haye, 1933.Google ScholarWalzer, M., Just and Unjust Wars: A Moral Argument with Historical Illustrations, 2e éd., New York, 1992.Google Scholarde la Brière, Y., Le droit de juste guerre, Paris, 1938.Google ScholarDraper, G. I. A. D., «The Just War Doctrine», Yale Law Journal, vol. 86, 1978, p. 370CrossRefGoogle Scholar et suiv. Szetelnicki, K., Bellum iustum in der katholischen Tradition, Fribourg, 1992.Google Scholar — Sur les rapports avec la doctrine musulmane de la guerre voir Kelsay, J./Johnson, J. T., Just War and Jihad: Historical and Theoretical Perspectives on War and Peace in Western and Islamic Tradition, New York/Londres, 1991.Google ScholarSteinweg, R., Der gerechte Krieg: Christentum, Islam, Marxismus, Francfort-sur-le-Main, 1980.Google Scholar
4 Haggenmacher, , Grotius …, supra (note 2), p. 457Google Scholar et suiv., et Mutations …, supra (note 2), p. 108–9.
5 Grotius, , De iure belli ac pads (1625)Google Scholar, lib. II, cap. I, 2, 1. Cfr. Haggenmacher, , Grotius…, supra (note 2), p. 549Google Scholar et suiv.
6 Haggenmacher, , Grotius …, supra (note 2), p. 457Google Scholar et suiv., 547 et suiv., 568 et suiv. et Mutations …, supra (note 2), p. 110–113.
7 Grotius, , De iure belli ac pads (1625)Google Scholar, lib. Ill, cap. XI–XVI. Cf. Haggenmacher, , Grotius …, supra (note 2), pp. 572–573Google Scholar, 598 et 600–602.
8 Haggenmacher, , Grotius …, supra (note 2), p. 600 et suiv.Google Scholar
9 La limitation de la compétence de guerre aux seules autorités publiques (le souverain) se trouve affirmée dans un passage classique de Saint Thomas qui fait dépendre la compétence de guerre de trois conditions: Vauctoritas principis, la iusta causa, et l'intentio recta (Summa theologica, II, II, 40, 1 ). Voir Schilling, O., Das Völkerrecht nach Thomas von Aquin, Freiburg im Breisgau/Berlin, 1919.Google Scholar Sur la recta intentio, voir Haggenmacher, , Grotius …, supra (note 2), p. 401 et suiv.Google Scholar
10 Voir infra.
11 Grotius, De iure belli ac pads, prolegomena, para. 28: «Ego cum ob eas, quas jam dixi, rationes, compertissimum haberem, esse aliquod inter populos ius commune, quod & ad bella & in bellis valeret (…).» Voir aussi lib. I, cap. I, 3,1: «De iure belli cum inscribimus hanc tractationem, primum hoc ipsum intelligimus, quod dictum jam est, sitne bellum aliquod iustum, & deinde quid in bellum iustum sit.» (En donnant à notre Traité le titre «Du droit de la guerre», nous entendons en premier lieu, ainsi qu'il a été dit, examiner si la guerre peut être juste et ce qui est juste dans la guerre. Traduction de l'auteur).
12 Haggenmacher, , Grotius …, supra (note 2), p. 601.Google Scholar
13 Haggenmacher, , Mutations …, supra (note 2), pp. 113–117.Google Scholar
14 Haggenmacher, , Grotius …, supra (note 2), pp. 599 et 605Google Scholar et suiv., et Mutations …, supra (note 2), p. 117 et suiv.
15 Sur cette dichotomie, voir Haggenmacher, Mutations…op.cit. (note 2), pp. 107–108.
16 Haggenmacher, , Grotius …, supra (note 2), p. 599.Google Scholar
17 De iure belli relectiones, nos 15 et suiv. (motifs de guerre licites) et nos 34 et suiv. (justes limites du droit de la guerre). Cf. Haggenmacher, , Grotius …, supra (note 2), pp. 171–172 et 611.Google Scholar
18 Jus gentium methodo scientifica pertractatum (1749), par. 888 et suiv.. Voir Haggenmacher, , Grotius …, supra (note 2), p. 607–608Google Scholar, et Mutations …, supra (note 2), pp. 118–189.
19 Le droit des gens … (1758), liv. III, chap. VIII. Voir Haggenmacher, , Grotius …, supra (note 2), p. 609–10Google Scholar, et Mutations …, supra (note 2), p. 119.
20 Metapysik der Sitten, Rechtslehre, par. 53.
21 Comme l'a dit avec son élégance habituelle Politis, N., Les nouvelles tendances du droit international, Paris, 1927, p. 100–101Google Scholar: «La souveraineté a tué la théorie dujustum bellum. La prétention des États de n'avoir à rendre aucun compte de leurs actes les a portés à revendiquer le droit de faire de leur force l'usage que bon leur semblait.»
22 Wehberg, H., The Outlawry of War, New York, 1931Google Scholar, et «La mise de la guerre hors la loi», RCADI, 1928–IV, vol. 24, p. 146 et suiv.. Morrison, C. C., The Outlawry of War: A Constructive Policy for World Peace, Chicago, 1927.Google ScholarWright, Q., «The Outlawry of War», AJIL 1925, vol. 19, p. 76 et suiv..CrossRefGoogle Scholar
23 Voir par exemple Augustin, Saint, De civitate Dei, I, 1.Google ScholarEpistula CXXXVI.
24 Augustin, Saint, De civitate Dei, I, 1Google Scholar; I, 6; XIX, 23.
25 Ibid.
26 Grotius, De iure praedae, cap. VII, art. III–IV.
27 Ibid.
28 Grotius, De iure belli ac pacis, lib. III, cap. I, par. 1.
29 Timbal, P.C. (éd.), La guerre de Cent ans vue à travers les registres du Parlement (1337–1369), Paris, 1961, p. 541.Google Scholar
30 Knighton, H., Chronicle, vol. II, Londres, 1895, p. 111.Google Scholar Voir aussi la note de Edouard III dans l'affaire de Ivo de Kerembars: Keen, M. H., The Laws of War in the Middle Ages, Londres/Toronto, 1965, p. 29Google Scholar, note 1.
31 Baker, G. of Swinbrook, , Chronicon, Oxford, 1889, pp. 86Google Scholar, 96 et 154.
32 Keen, M. H., «Treason Trials under the Law of Arms», Transactions of the Royal Historical Society, 5th series, 1962, vol. 12, p. 96.CrossRefGoogle Scholar Lettre de N. Rishton au Duc de Bourgogne, voir Keen, , supra (note 30), p. 17.Google Scholar
33 Hayez, M., «Un exemple de culture historique au XVe siècle: la Geste des nobles français», Mélanges d'archéologie et d'histoire de l'École française de Rome, 1963, t. 75, p. 162.Google ScholarKeen, , supra (note 30), p. 1.Google Scholar
34 Affaire, David Margnies c. Prévôt de Paris, Parlement de Paris, vers 1420Google Scholar, voir Keen, , supra (note 30), p. 18.Google ScholarAffaire, Jean de Melun c. Henry Pomfret, Parlement de Paris, 1365, voir Keen, supra (n. 30), p. 260.Google Scholar
35 Luce, S., Histoire de Bertranddu Guesclin et de son époque. La jeunesse de Bertrand du Guesclin, 1320–1364, Paris, 1876, pp. 600–603.Google Scholar
36 de Bueil, J., Le Jouvencel, vol. II, Paris, 1889, p. 91.Google Scholar
37 Contamine, P., Guerre, État et société à la fin du Moyen Âge, Études sur les armées des rois de France, 1337–1494, Paris/La Haye, 1972, p. 187.CrossRefGoogle Scholar
38 de Martens, G. F., Précis du droit des gens moderne de l'Europe, 3e éd., Gottingue, 1821, p. 462Google Scholar, citant un auteur ayant écrit en 1745. C. Lüder, dans: Holtzendorff, F. (éd.), Handbuch des Völkerrechts, t. IV, Hambourg, 1889, p. 254.Google Scholar
39 Pour tous ces exemples et d'autres encore voir Contamine, , supra (note 37), p. 187Google Scholar et suiv.; Keen, , supra (note 30), p. 1Google Scholar et suiv.; Audinet, E., «Les lois et coutumes de la guerre à l'époque de la guerre de Cent Ans», Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 1917, vol. 9.Google Scholar
40 Keen, , supra (note 30), pp. 7–22.Google Scholar Ce n'est qu'à l'époque de l'École de Salamanque au XVIe siècle que le ius belli prend la forme de droit public que nous connaissons. Voir Haggenmacher, , Grotius …, supra (note 2), p. 283.Google Scholar
41 Keen, , supra (note 30), p. 10Google Scholar et suiv. Sur le concept de ius gentium, voir entre autres Voigt, M., Das ius naturale, aequum et bonum und ius gentium der Römer, 4 vol., Aalen, réimpression, 1966Google Scholar (première édition, Leipzig, 1856–1875). Lombardi, G., Sul concetto di ius gentium, Milan, 1974.Google ScholarKäser, M., lus gentium, Cologne/Weimar, 1993.Google ScholarLauria, M., «Ius gentium», Mélanges P. Koschaker, t. I, Weimar, 1939, p. 258Google Scholar et suiv. Frezza, P., «lus gentium», Revue internationale des droits de l'Antiquité, 1949, vol. 2, p. 259Google Scholar et suiv. Haggenmacher, , Grotius …, supra (note 2), p. 313Google Scholar et suiv.
42 Histoire de Rome, liv. II, 12 et liv. XXXI, 30: «Esse enim quaedam belli iura, quae ut facere ita pati sit fas».
43 Heffter, A. G., Le droit international de l'Europe, 4e éd., Berlin/Paris, 1883, p. 260.Google Scholar
44 Histoires, liv. V, 9, 11.
45 Nys, E., Les origines du droit international, Bruxelles/Paris, 1894, p. 208.Google Scholar
46 Voir par exemple Ward, R., An Enquiry into the Foundations and History of the Law of Nations in Europe, vol. II, Londres, 1795, p. 165.Google ScholarPhillimore, R., Commentaries upon International Law, vol. III, Londres, 1857, p. 141.Google Scholar
47 Voir, par exemple, de Martens, G. F., Précis du droit des gens moderne de l'Europe, 3e éd., Gottingue, 1821, p. 461Google Scholar, par. 270: «Loix de la guerre».
48 Voir, Actes et Documents relatifs au programme de la Conférence de la Paix, La Haye, 1899Google Scholar, et Actes et Documents: deuxième Conférence internationale de la Paix, La Haye, 15 juin-18 octobre 1907, La Haye, 1907, 3 vol.
49 Enriques, G., «Considerazioni sulla teoria della guerra nel diritto internazionale», Rivista di diritto internazionale, 1928, vol. 20, p. 172.Google Scholar
50 Keydel, H., Das Recht zum Kriege im Völkerrecht, Frankfurter Abhandlungen zum modernen Völkerrecht, Cahier no 24, Leipzig, 1931, p. 27.Google Scholar
51 Strupp, K., «Les règles générales du droit de la paix», RCADI 1934–1, vol. 47, p. 263 et suiv.Google Scholar
52 Sur l'école philosophique néo-positiviste de Vienne: Kraft, V., Der Wiener Kreis: der Ursprung des Neopositivismus, 2e éd., Vienne/New York, 1968.CrossRefGoogle Scholar Sur l'école juridique de Vienne, voir Kunz, J., The Changing Law of Nations, Toledo, 1968, p. 59Google Scholar et suiv., et Stone, J., The Province and Function of Law, Cambridge (Mass.), 1950, p. 91Google Scholar et suiv.
53 Kunz, J., «Bellum justum and Bellum legale», AJIL, 1951, vol. 45, p. 528 et suiv.CrossRefGoogle Scholar
54 RGDIP, 1934, vol. 41, p. 22.
55 Vienne, 1935, pp. 1 et 2.
56 Verdross, A., Völkerrecht, Berlin, 1937, p. 289.Google Scholar
57 Verdross, A., Völkerrecht, 2e éd., Berlin, 1950, p. 337.CrossRefGoogle Scholar
58 Regout, R., La doctrine de la guerre juste de saint Augustin à nos jours, Paris, 1935, p. 15 et suiv.Google Scholar
59 Ballis, W., The Legal Position of War: Changes in its Practice and Theory from Plato to Vattel, La Haye, 1937, p. 2.CrossRefGoogle Scholar
60 II s'agit de l'édition originale (en allemand), plus ancienne que la version française: Guggenheim, P., Lehrbuch des Völkerrechts, t. II, Bâle, 1949, p. 778.Google Scholar
61 Voir par exemple Grob, F., The Relativity of War and Peace, New Haven, 1949, pp. 161 et 183–185.Google Scholar
62 Kotzsch, L., The Concept of War in Contemporary History and International Law, Genève, 1956, p. 84 et suiv.Google Scholar
63 Une contribution à la nouvelle édition du Dictionnaire de droit international, sous la direction de Jean Salmon et Eric David.
- 4
- Cited by