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Les nouveaux conflits: une modernité archaïque?

Published online by Cambridge University Press:  25 February 2011

Abstract

Today's wars are commonly called “new conflicts”. They seem new because they are unstructured, because their victims are mainly civilians and because they are waged with unconventional weapons and methods, including terrorism. A brief look at history shows that such techniques have been used in Europe since Antiquity. It is true that the Treaties of Westphalia (1648) changed the nature of warfare by ushering in the era of nation-States, which made efforts to spare unarmed civilians while steadily perfecting their weapons. Quickly, however, this model degenerated, unleashing an undreamt of destructive potential that, since 1945, has checked traditional conflicts by making wars between developed States so dangerous that they could annihilate mankind. As a result, we have seen a return to more ancient forms of warfare, of which the new conflicts typical of today's “post-bipolar” world are the most recent example. The name given to these conflicts simply reflects the fact that, after two generations of relative peace, people in the West have forgotten what war is: for them, all conflicts seem new.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © International Committee of the Red Cross 2003

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References

1 Gray, Chris Hables, Postmodern War: The New Politics of Conflict, Routledge, London, 1997.Google Scholar

2 Ces deux expressions sont de Jean-Louis Dufour, «Un siècle belliqueux: périodisation, comparaisons», Espaces Temps, 71–72–73, 1999, respectivement pp. 22 et 33.Google Scholar

3 Ghebali, Victor-Yves, «Les guerres civiles de la post-bipolarité: nouveaux acteurs et nouveaux objectifs», Relations internationales, no 105, printemps 2001, p. 38.Google Scholar

4 Thual, François, Les conflits identitaires, Ellipses, Paris, 1995Google Scholar; Derrienic, Jean-Pierre, Les guerres civiles, Presses de Sciences Po, Paris, 2001, pp. 71 ss.Google Scholar

5 Victor-Yves Ghebali, art. cit, p. 42.

6 Cette impression de flou contemporain est renforcée par une particularité lexicale qui fait rimer le vocable de guerre, déjà sujet à de multiples interprétations, avec des concepts n'ayant qu'une parenté lointaine ou incertaine avec lui. On parlera ainsi de «guerre juste», de «guerre sainte», de «guerre economique», etc. Pour un essai de définition sur la guerre, voir Michel Fortmann, «Guerre», Dictionnaire de stratégie, publié sous la direction de Thierry de Montbrial et Jean Klein, PUF, Paris, 2000, p.276; sur le concept de «guerre juste» élaboré par Saint Augustin, voir Cardini, Franco, La culture de la guerre: Xe–XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1992, pp. 318319, 333Google Scholar, et Keegan, John, An History of Warfare, Pimlico, London, 1994, p. 390Google Scholar, qui démontre que la «guerre Juste» résout en fin compte le problème Chrétien de la moralité de la guerre. Derrienic, Jean-Pierre, op. cit., pp. 49Google Scholar ss, étudie pour sa part en détail la «guerre economique».

7 Si la guerre «conventionnelle» oppose les citoyens de nations différentes, la guerre civile met en présence des concitoyens. Cette stride «compartimentalisation» a cependant subi plusieurs entorses. Ainsi, avant 1914 et après 1945, une première entorse avec la multiplication des luttes liées au réveil des nationalités, puis à la décolonisation constituent des guerres hybrides menées par les membres d'un même ensemble politique, mais au nom de nations en devenir ou, au contraire, d'empires en déliquescence (sur une définition divergente de la nature des guerres de décolonisation, voir Victor-Yves Ghebali art. cit. note 23, p. 38, et Robert Kolb, «Le droit international public et le concept de guerre civile depuis 1945», Relations internationales, no 105, printemps 2001, note 16, p. 14). De même, l'intervention étrangère dans le cadre de luttes civiles a donné naissance au vocable, quelque peu bâtard, de conflit interne internationalisé, dont la Guerre d'Espagne reste I'un des exemples les plus marquants du XXe siècle.

8 Voir Jean-Louis Dufour, art. cit., pp. 28 ss; replacé dans une perspective historique par Robert Kolb, art. cit., p. 10 et chiffré par Michel Fortmann, art. cit., p. 279. Ce phénomène se profile déjà au XIXe siècle; voir Gaston Bouthoul, René Carrère et Jean-Louis Annequin, Guerres et Civilisations, Les Cahiers de la Fondation pour les Études de Défense nationale, Paris, 1979, p. 148.Google Scholar

9 Zartman, I. William, (ed.), Collapsed States: The Disintegration and Restoration of States, Lynne Riener, Boulder, 1995.Google Scholar

10 Michel Fortmann, art. cit., tableau, p. 281.

11 L'appel lancé le 25 septembre 2002 par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) contre l'usage militaire de la biotechnologie est d'ailleurs symptomatique des préoccupations du moment. Cet appel est disponible sur le site officiel du CICR: www.icrc.org/eng.

12 Voir, entre autres, les ouvrages de Irenaüs Eibl-Eibesfeldt, dont Guerre ou paix dans l'homme, Stock, Paris, 1976.Google Scholar

13 Aristote considérait la chasse et la guerre comme deux moyens semblables d'acquisition, la première formant une branche de la seconde, La Politique, I, 8, 3 édition par Jean Tricot, Vrin, Paris, 1977, p. 595Google Scholar. Voir aussi Franco Cardini, op. cit., p. 416.

14 Il existe, à cet égard, de nombreuses théories. La plupart des auteurs admettent le point du vue exposé ici. Mais certains, tel I. Eibl-Eibesfeldt, op. cit., pp. 311–313, le récusent.

15 Keegan, John, «A brief History of Warfare - Past, Present, Futures», Prins, G., Tromp, H. (eds.), The Future of War, Kluwer Law International, The Hague, 2000, pp. 171 ss.Google Scholar

16 Voir Gaston Bouthoul ef alii, op. cit., pp. 69 ss.

17 Ce qui ne signifie pas qu'il n'y ait pas eu de razzias entre cités de même civilisation. Pour s'en convaincre, il suffit de repenser à I'lliade.

18 Voir Keegan, John, «A brief History… », art. cit. p. 174.Google Scholar

19 Hermet, Guy, Histoire des nations et du nationalisme en Europe, Seuil, Paris, 1996, pp. 29 ss.Google Scholar

20 Longtemps, les Helvètes refusèrent le terme de Suisses que leur accolaient leurs ennemis autrichiens, car ce vocable les assimilait aux Schwytzois, réputés pour leur cruauté. Voir Claudius Sieber-Lehmann, Spätmittelalterischer Nationalismus. Die Burgunderkriege am Oberrhein und in der Eidgenossenschaft, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 1995, pp. 204 ss.Google Scholar

21 Cardini, Franco, op. cit., pp. 56 ss.Google Scholar

22 Ces conflits commencent bien avant les guerres dites de religion du XVIe siècle. La croisade menée contre les Cathares, au XIIIe siècle, en témoigne bien.

23 Voir Ducrey, Pierre, Le traitement des prisonniers de guerre dans la Grèce antique. Des origines à la conquête romaine. Editions de Broccard, Paris, 1968.Google Scholar

24 Cardini, Franco, op. cit., p. 428.Google Scholar

25 Bräker, Uli, Le pauvre homme du Toggenbourg, Éditions l'Age d'homme, Lausanne, 1985, pp. 149150.Google Scholar

26 Cardini, Franco, op. cit. p. 165.Google Scholar

27 Par exemple: Osmân Agha Temechvar, Prisonnier des infidèles. Un soldat ottoman dans l'Empire des Habsbourg. Récit traduit de l'ottoman, présenté et annoté par Frédéric Hirzel, Actes Sud, Paris, 1998, p. 39.Google Scholar

28 Fuller, J.F.C., La conduite de la guerre de 1789 à nos jours, Payol, Paris, 1990Google Scholar, pour l'édition française, p. 11; Masson, Philippe, L'homme en guerre 1901–2001: de la Marne à Sarajevo, Éditions du Rocher, s.1., 1997, pp. 8889.Google Scholar

29 Ducrey, Pierre, Guerre et guerriers dans la Grèce antique, Office du Livre, Fribourg, 1985, pp. 243 ss.Google Scholar

30 Salluste raconte ainsi: «(Jugurtha) décide done de conduire la campagne non à coups de combats et de batailles rangées mais sur un outre mode. Il pénètre dans les coins les plus riches de Numidie, dévaste les cultures […] fait tuer toute la population en état de porter des armes, abandonnant le reste à la fureur des soldats…», (La guerre de Jugurtha, trad., introd. et notes de François Richard, Paris, Garnier-Flammarion, 1968, p. 110).

31 Voir, par exemple: «Copie d'une lettre escritte par le Sr Thomas Bureau de Niort en Poitou, le 30e Aoust 1685 à son frère marchand libraire à Londres», citée par Bernard Cottret, Terre d'exil. L'Angleterre et ses réfugiés français et wallons, de la Réforme à la Révocation de l'Édit de Nantes, 1550–1700, Aubier, Paris, 1985, pp. 305307.Google Scholar

32 Corvisier, André, La Guerre. Essais historiques, PUF, Paris, 1995, p. 172Google Scholar, cité par Michel Fortmann, art. cit., p. 281.

33 Englund, Peter, Poltava, chronique d'un désastre, Esprit ouvert, Stockholm, 1999.Google Scholar

34 Voir, notamment, Amin Maalouf, Les Croisades vues par les Arabes, J'ai lu, Paris, 1985, p. 41.Google Scholar

35 Zoé Oldenbourg a donné de ces atrocités un témoignage qui, pour être littéraire, n'en est que plus parlant. Voir, Les bûchers de Montségur: 16 mars 1244, Gallimard, Paris, 1959.Google Scholar

36 Voir, notamment, les analyses du Centre de recherches de Spiez.

37 La tentation de contaminer l'ennemi aura d'ailleurs été une constante historique, aboutissant parfois à des épisodes dramatiques comme à l'occasion du siège de Caffa (1347) où, après trois ans de siège de la place tenue par les Génois, les Mongols firent catapulter par-dessus les murailles les cadavres de leurs propres soldats frappés par la peste. Les Génois, contaminés par les parasites répandant la maladie, finirent par s'embarquer, mais disséminèrent ainsi le mal en Sicile, en Sardaigne, à Venise, à Gênes et à Marseille, donnant naissance à la Grande Peste du Moyen Âge. Ainsi, la tactique des Mongols aura réussi au-delà de toute espérance!

38 Cite par Cardini, Franco, op. cit., p. 61.Google Scholar

39 On estime que l'arbalète causait une létalité d'environ 50% supérieure à celle des arcs classiques. Voir le tableau de T.N. Dupuy, cité par Laurent Murawiec, La guerre au XXIe siècle, Odile Jacob, Paris, 2000, pp. 7475.Google Scholar

40 Cette même distinction s'appliquera lorsqu'il s'agira, à la fin du XIXe siècle d'interdire l'usage des balles explosives, cette interdiction ne concernant que la guerre «entre nations civilisées» et non celle menée contre des peuples indigènes; voir la Déclaration de St. Petersburg (1868), reproduite dans Dietrich Schindler, Jirí Toman, Droit des conflits armés, Genève, Comité international de la Croix-Rouge, Institut Henry-Dunant, 1996, p. 102.

41 La bataille de Morgarten, en novembre 1315, illustre parfaitement l'emploi de la ruse par les Confédérés suisses. Contre toutes les coutumes de la guerre alors existantes, les montagnards helvètes surprennent et désorganisent la cavalerie autrichienne, engagée dans l'étroit défilé de Morgarten, par une avalanche préparée à l'avance de rocs et de troncs d'arbres. Cette tactique victorieuse sera du reste reprise lors de la bataille de Naefels (9 avril 1388).

42 Voir le dossier «Assassins» dans Histoire Médiévale, no 21, septembre 2001.

43 Voir Vincent Desportes, Comprendre la guerre, Economica, Paris, 2000, p. 142.Google Scholar

44 L'apparition au début du XVIIe siècle des uniformes militaires, puis leur généralisation procède de cet effort d'efficacité, en permettant dans la mêlée des combats une meilleure identification des troupes, mais aussi en donnant au soldat une conscience plus profonde d'appartenance à un corps homogène.

45 L'Église va d'ailleurs notablement contribuer à cette évolution qui, un siècle avant son éclosion véritable, prépare le substrat sociétal duquel se nourrira l'État-nation. Sur la précocité du phénomène, voir Liah Greenfeld, Nationalism: Five Roads to Modernity, Havard University Press, Cambridge (Mass.), London, 1992Google Scholar; sur les liens entre armée et constitution de l'État-nation, voir les ouvrages de Charles Tilly et notamment Coercion, Capital and European States: AD 990–1992, Cambridge (Mass.), Oxford, B. Blackwell, (reed.) 1995.Google Scholar

46 Cardini, Franco, op. cit., pp. 320Google Scholar ss, revient sur le role de l'Église dès le XIe siècle pour contenir la guerre privée, en instaurant une Pax Dei et une Tregua Dei.

47 Car, contrairement à une idée répandue, le carnage provoqué par la Guerre de Trente ans ne freine en rien la létalité croissante des victimes civiles, déplaçant simplement son centre de gravité vers des régions qui avaient jusqu'alors échappé aux combats.

48 «Nous faisons la guerre en renards plutôt qu'en lions (…)», écrira le comte d'Orrery en 1677, cite par Fuller, J.F.C, op. cit., p. 18.Google Scholar

49 A l'image de la bataille de Kunersdorf (aujourd'hui Kunowice), le 12 août 1759, durant laquelle l'armée de Frédéric II de Prusse, forte d'une cinquantaine de milliers d'hommes, aux prises avec une coalition russoautrichienne perdit plus de 93% de ses effectifs en quelques heures!

50 Cardini, Franco, op. cit., pp. 190Google Scholaret passim.

51 Desportes, Vincent, op. cit., p. 145.Google Scholar

52 André Corvisier, op. cit., cite par Michel Fortmann, art. cit., p. 281.

53 Masson, Philippe, op. cit., p. 104.Google Scholar

54 Idem, p. 105.

55 Voir le tableau de T.N. Dupuy, cité par Murawiec, Laurent, op. cit., pp. 7475.Google Scholar

56 Paul Ricœur, «Imaginer la paix», Le Monde, 24 décembre 2002. Dans son analyse, Paul Ricœur note la détérioration de la guerre depuis les années 1960, sans préciser que la période d'après 1939–1945 constitue, avec le XVIIIe siècle, une exception dans l'histoire de la conflictualité.