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La protection de l'eau en période de conflit armé

Published online by Cambridge University Press:  19 April 2010

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Source de vie et de bienfaits, symbole de fécondité et de pureté, l'eau est aussi porteuse de craintes, de risques et de dangers et elle est objet de convoitises et de conflits. Ses multiples fonctions, aussi nécessaires les unes que les autres, font d'elle une ressource vitale dont l'homme a toujours essayé de réglementer l'usage et la gestion. Mais contrairement au droit applicable en temps de paix, comme en témoignent les us et coutumes des sociétés les plus anciennes ou encore les instruments juridiques internes et internationaux des temps modernes, le droit des conflits armés n'a consacré à l'eau — expressément et tardivement — que certaines dispositions. Cela est moins un reproche qu'un constat et pourrait s'expliquer par le fait que l'eau est indispensable en toutes circonstances. Abstraction faite des conséquences des catastrophes naturelles où l'eau peut être menaçante et menacée, certaines activités poursuivies par l'homme peuvent engendrer des effets néfastes et dommageables pour l'environnement et les moyens de survie des populations, dont l'eau est l'élément de base. Il suffit d'évoquer les effets de la pollution ou des conflits armés. L'expérience des guerres contemporaines nous apprend, hélas!, que la population civile et les biens de caractère civil sont exposés aux opérations militaires et que, dans certains cas, la soif peut se révéler plus meurtrière que les armes. Seul le respect des règies universellement admises permettra d'y remédier, et nous insisterons, dans les développements qui suivent, sur les dispositions pertinentes du droit humanitaire applicables à la protection de l'eau en temps de guerre (I). Ecartant d'emblée certaines considérations relevant du jus ad bellum (l'eau, source de conflits) ou se rapportant à des situations «hydro-conflictuelles», nous aborderons quelques aspects pratiques en soulignant le rôle du CICR et des autres composantes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (II) avant de formuler quelques remarques d'ensemble (III).

Type
L'eau et les conflits armés
Copyright
Copyright © International Committee of the Red Cross 1995

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References

1 de Saint-Exupéry, Antoine, Terre des Hommes, Gallimard, Paris, 1939Google Scholar et rééd. 1993, pp. 156–157.

2 Il faut noter que les travaux portant sur cette question sont rares, et l'International Law Association a eu le mérite d'adopter, lors de sa 57e Conférence tenue à Madrid en 1976, une résolution sur la «protection des ressources en eau et des installations hydrauliques en temps de conflits armés». Voir texte de la résolution in International Law Association, Report of the Fifty-seventh Conference held at Madrid (30 August 1976), to 4 September 1976), 1978, p. xxxiv. L'Association avait déjà adopté, en 1966, les «Helsinki Rules» sur les «uses of waters of international rivers» dont l'art. 20 est ainsi libellé: «In times of war, other armed conflict, or public emergency constituting a threat to the life of the State, a riparian State may take measures derogating from its obligations under this Chapter to the extent strictly required by the exigencies of the situation, provided that such measures are not inconsistent with its other obligations under international law. The riparian State shall in any case facilitate navigation for humanitarian purpose».

3 Ces préoccupations seront à l'ordre du jour de la XXVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Genève, 3–7 décembre 1995) dont les travaux porteront également sur la protection de la population civile et des moyens indispensables à sa survie.

4 On citera, parmi les travaux récents traitant de certains aspects de la question: Sironneau, Jacques, «L'eau ressource stratégique», in Géopolitique, No 43, automne 1993Google Scholar; Chesnot, Christian, La bataille de l'eau au Proche-Orient, L'Harmattan, Paris, 1993Google Scholar; Bagis, Ali Ihsan (ed.), Water as an element of Cooperation and Development in the Middle East, Ayna Publications, Istanbul, 1994Google Scholar; Klötzli, Stefan, «The Water and Soil Crisis in Central Asia — a source of Future Conflicts?», Center for Security Studies and Conflict Research, ETH, Zürich, mai 1994.Google Scholar

5 Aussi bien le droit coutumier que le droit conventionnel renferment des règles applicables à la protection de l'environnement en temps de guerre. En plus des articles 35, par. 3, et 55 du Protocole I de 1977 et de la «Convention sur l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins hostiles», adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 10 décembre 1976, certaines règles et certains instruments méritent d'être rappelés. Il est bien établi que les belligérants n'ont pas un droit illimité quant au choix des moyens de nuire à l'ennemi (Règlement annexé à la IVe Convention de La Haye de 1907, art. 22 et Protocole I de 1977, art. 35, par. 1). Le principe est réaffirmé, entre autres, dans la Résolution XXVIII de la XXe Conférence internationale de la Croix-Rouge (Vienne, 1965) et dans le Préambule de la Convention de 1980 sur les armes classiques, ci-dessous évoquée. On rappellera aussi la règle interdisant la destruction des propriétés ennemies non justifiée par les nécessités militaires (voir infra, 2). Parmi les textes relatifs à l'interdiction ou à la limitation de l'usage de certains types d'armes, on mentionnera, notammenc le Protocole concernant la prohibition d'emploi, à la guerre, de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques (Genève, 17 juin 1925), la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction (Londres, Moscou, Washington, 10 avril 1972), la Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination et ses Protocoles I, II et III (Genève, 10 octobre 1980) et la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction (signée à Paris le 13 janvier 1993).

6 Code Lieber, art. 16.

7 Arts. 13 (a) et 8 (a), respectivement.

8 Il est intéressant de relever que le droit islamique interdit explicitement d'empoisonner l'eau (cf. Marin, M.A., «The Laws of war», Recueil des cows de l'Académie du droit international de La Haye, tome 92, 1957 (II), p. 657Google Scholar), même si la doctrine classique admet de submerger les fortifications ennemies (Tabari, Ikhtilaf, éd. par J. Schacht, Leiden, 1933, pp. 6–7). La Déclaration adoptée par l'Institut international de droit humanitaire de San Remo (1990) sur les règles de droit international humanitaire relatives à la conduite des hostilités dans les conflits armés non internationaux étend à ces conflits l'interdiction «de l'emploi du poison en tant que moyen ou méthode de combat» (Section B, par. 3), voir le texte de la Déclaration dans la RICR, No 785, septembre-octobre 1990, p. 438.

9 Arts. 6 (b) et 53, respectivement.

10 IVe Convention de Genève, art. 147.

11 Règlement de La Haye, art. 46.

12 Ibid., arts. 28 et 47 et IVe Convention de Genève, art. 33, al. 2. Le droit des conflits armés non internationaux interdit également le pillage (Protocole II de 1977, art. 4, par. 2, al. g).

13 Protocole I de 1977, art. 54, par. 2 (nos italiques).

14 Ibid., par. 5.

15 Commentaire des Protocoles additionnels de 1977 aux Conventions de Genève de 1949, Sandoz, Y., Ch. Swinarski et, B. Zimmermann (éd.), CICR et Martinus Nijhoff Publishers, Genève, 1986, par. 2101, p. 673.Google Scholar

16 Protocole I, art. 54, par. 3.

17 Ibid., par. 4.

18 Protocoles I et II, art. 56 et 15, respectivement. A noter que l'art. 15 du Protocole II ne correspond qu'à la 1er phrase de l'art. 56 du Protocole I.

19 Protocole I, art. 56, par. 1, 2e phrase.

20 Ibid., par. 2, al. a, b et c.

21 Ibid., par. 4.

22 Ibid., par. 5.

23 Ibid., par. 6 et 7. Depuis l'adoption en 1993 des amendements à l'Annexe I du Protocole I, l'art. 16 de l'Annexe, auquel renvoie l'art. 56, par. 7, dudit Protocole, est devenu l'art. 17.

24 Protocole I, art. 85, 3, c).

25 Nous ne reviendrons pas ici sur les dispositions déjà citées des Protocoles. Signalons à ce stade que l'eau est aussi une voie de transport et même de repos importante, et dans certains cas indispensable, pour les personnes protégées, comme l'indique le régime des navires-hôpitaux et autres embarcations sanitaires. A part les importantes dispositions des articles 54 et 56, déjà examinées, le Protocole I mentionne l'eau dans d'autres articles reflétant une conception large et accordant aux moyens sanitaires et aux personnes une protection étendue «que ce soil en mer ou en d'autres eaux» (Protocole I, art. 8, b), 23, par. 1, et 44, par. 8). Sur un autre plan, il est tenu compte de l'eau comme moyen permettant l'évasion réussie d'un prisonnier de guerre (IIIe Convention, art. 91, al. 1, ch. 3).

26 IIIe et IVe Conventions, art. 26, al. 3, et 89, al. 3, respectivement.

27 Protocole I de 1977, art. 61, a, vii, x, xii et xiv, notamment.

28 Dans son projet d'articles sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation, la Commission du droit international de l'ONU a adopté un article (29) intitulé «cours d'eau internationaux et installations en période de conflit arme» stipulant que «[l]es cours d'eau internationaux et les installations, aménagements et autres ouvrages connexes bénéficient de la protection accordée par les principes et règles du droit international applicables aux conflits armés internationaux et internes et ne sont pas utilisés en violation de ces principes et règles». Cf. Rapport de la CDI sur les travaux de sa 46e session (1994), A/49/10, p. 341.

29 Voir CICR, Rapport d'activité 1990, pp. 83–84.

30 CICR, Rapport d'activité 1991, p. 107.

31 En 1991, quelque 40 ingénieurs sanitaires ont participé au programme d'assainissement du CICR en Irak. Cf. Rapport d'activité 1991, p. 107.

32 Voir ibid., pp. 103 et 107.

33 Voir Rapport d'activité 1994, p. 234.

34 Ibid., pp. 242–243.

35 En 1994, par exemple, l'une des priorités du CICR en Bosnie-Herzégovine a été de remédier aux pénuries d'eau et aux problèmes d'accès à l'eau potable. Les Sociétés nationales ont apporté leur concours et ont continué de travailler avec le CICR, entre autres, à des programmes relatifs à l'eau et à l'assainissement. Cf. Rapport d'activité 1994, pp. 178–179.

36 Statute du Mouvement, art. 5, par. 2, c) et Statuts du CICR, art. 4, par. 1, c). Voir textes des Statuts in Manuel du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, CICR et Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Genève, treizième édition, mars 1994, pp. 429 et 462.

37 Voir «Les démarches du Comité international de la Croix-Rouge en cas de violations du droit international humanitaire», RICR, N0 728, mars-avril 1981, pp. 79–86.

38 Les actes des travaux de ce Symposium sont en préparation. Voir aussi Chesnot, Christian, «L'arme de la soif» in HydroplusMagazine international de l'eau, janvier-février 1995, No 50, pp. 1620Google Scholar; Remans, Wilfried, «Water and War» in Humanitäres Völkerrecht, No 1, 1995, pp. 414.Google Scholar

39 Dans sa Déclaration finale, la Conférence internationale pour la protection des victimes de la guerre, tenue à Genève du 30 août au 1er septembre 1993, a demandé aux Etats, entre autres, d'œuvrer à «améliorer la coordination des actions humanitaires d'urgence afin de leur donner la cohérence et l'efficacité nécessaires, accorder le soutien nécessaire aux organisations humanitaires qui ont pour mandat d'apporter protection et assistance aux victimes des conflits armés et de leur fournir, en toute impartialité, des biens ou services essentiels à leur survie…» (Déclaration finale, section II, par. 8). Voir texte de la Déclaration de 1993 in Manuel du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, op. cit., p. 389.