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Guerre juste et guerre régulière dans la doctrine espagnole du XVIe siècle*
Published online by Cambridge University Press: 19 April 2010
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Les problèmes éthiques et juridiques soulevés par la guerre occupent une place importante dans la pensée des théologiens et des juristes du Siècle d'or espagnol. Cependant, en réfléchissant et en se prononçant sur ces problèmes, ils n'inventaient pas de toutes pièces. Car ils avaient devant eux un acquis doctrinal considérable, datant pour l'essentiel du Moyen Age. Une juste appréciation de leur rôle en la matière doit donc commencer par un rappel de ce que fut la doctrine médiévale de la guerre. Partant, on examinera d'abord cette doctrine, avant d'en venir à l'accueil que lui réserveront les auteurs espagnols au XVIe siècle et les transformations qu'ils lui feront subir.
- Type
- La doctrine espagnole de la guerre au XVIe siècle
- Information
- International Review of the Red Cross , Volume 74 , Special Issue 797: 1492-1992: Rencontre des Deux Mondes , October 1992 , pp. 450 - 462
- Copyright
- Copyright © International Committee of the Red Cross 1992
References
1 Pour une esquisse du développement de cette doctrine, voir Peter Haggenmacher, Grotius et la doctrine de la guerre juste, P.U.F., Paris, 1983, pp. 11–49 (Publications de l'lnstitut universitaire de hautes études internationales, Geneve).Google Scholar
2 Une variante de cette conception, préfigurée dès le XVIe siècle par Francisco de Vitoria, est l'action de police entreprise par un ou plusieurs Etats agissant au nom de la communauté internationale, avec ou sans la bénédiction d'une organisation internationale.
3 Pour cette expression un peu insolite, Bourquin, voir p. ex. Maurice, «Grotius est-il le père du droit des gens?» in Grandes figures et grandes ceuvres juridiques, Genève, 1948, pp. 92–93 (Mémoires publiés par la faculté de droit de l'Universite de Genève, No 6). L'adjectif «régulier» a le même sens que dans «combattant régulièr» ou «forces armées régulières», dont l'expression «guerre régulière» cherche simplement à généraliser l'idée commune, celle d'une adéquation purement formelle à certaines «règles». ce qui est parfaitement symbolisé par le «Règlement» de La Haye.Google Scholar
4 Les Romains n'ignorent pas en vérité la notion de guerre juste (bellum justum vel plum; purum piumque duellum) et l'idee de juste cause de guerre apparaît bien dans les réflexions philosophiques de Cicéron (p. ex. De officiis, I, (11) 36) ou dans les mises en scéne historiques de Tite-Live (Ab urbe condita, I, 32). Mais il reste que le bellum justum implique à leurs yeux avant tout l'observation de certaines exigences formelles: telle est la conception qui se traduit chez les jurisconsultes professionnels, comme Ulpien ou Pomponius (Digeste, 49, 15, 24, et 50, 16, 118), qui la 1égueront au Moyen Age.
5 P. Haggenmacher, op. cit., pp. 23–32.
6 Saint Thomas d'Aquin, Summa theologica, Ha Ilae, q. 40, art. 1.
7 Voir ci-dessus, note 4.
8 Sur cette littérature, voir P. Haggenmacher, op. cit., pp. 39–40.
9 Le jus belli médiéval est admirablement décrit par Maurice H. Keen, The Laws of War in the Late Middle Ages, Londres et Toronto, 1965.Google Scholar Voir aussi, d'un point de vue un peu différent, Meron, Theodor, «Shakespeare's Henry the Fifth and the Law of War», American Journal ofInternational Law, 86, 1992, pp. 1–45.Google Scholar
10 II faut cependant signaler une notable exception à ce silence en la personne de Raphaël Fulgosius; voir P. Haggenmacher, op. cit., pp. 203–206 et 284–288.
11 Francisco de Vitoria, De indis recenter inventis relectio prior, i. pr.; cité ici selon la traduction de Maurice Barbier, Leçons sur les Indiens et sur le droit de guerre, Droz, Genève, p. 5 (Les Classiques de la Pensee politique, 3).
12 Relectio de jure belli, 32, in Obras de Francisco de Vitoria, Relecciones teológicas, ed. par Urdanoz, Teofilo, Biblioteca de Autores Cristianos, Madrid, 1960, p. 838.Google Scholar
13 Johnson, Voir p. ex. James T., Just War Tradition and the Restraint of War. A Moral and Historical Inquiry, Princeton University Press, Princeton, 1981, pp. 97–99.Google Scholar
14 A l'endroit de la Relectio de jure belli indiqué dans la note 12 ci-dessus, il n'est nullement question d'une quelconque restriction humanitaire, qu'elle soit bilatérale ou même seulement unilatérale; le problème qui y préoccupe Vitoria est celui du devoir de restituer des biens pris dans une guerre injuste, comme l'indique la suite (Relectio de jure belli, 33, in Obras, pp. 838–840). Dans la Relectio de indis, III, 6 (Obras, pp. 712–713), oú la question de la guerre juste des deux côtés est également soulevée, Vitoria admet certes qu'en raison de l'ignorance excusable des Indiens, les Espagnols ne doivent pas user à leur égard des derniéres rigueurs du droit de guerre. Mais, de façon significative, sa perspective reste unilatérale et tout à fait conforme à la logique de la guerre juste: l'état d'esprit des Indiens n'est qu'une circonstance atténuante dont les Espagnols, se trouvant au bénéfice d'une cause objectivement juste et devenus pour ainsi dire juges des adversaires vaincus, doivent tenir compte dans la fixation de la peine.
15 P. Haggenmacher, op. cit., pp. 292–295 et 435–437.
16 Ayala, Balthazar de, De jure et officiis bellicis et disciplina militari libri tres, Douai, 1582, I, 2, folios 5–24.Google Scholar
17 P. Haggenmacher, op. cit., p. 293.
18 P. Haggenmacher, op. cit., pp. 597–612.
19 En manière de complément à cette étude, voir Peter Haggenmacher, «La place de Francisco de Vitoria parmi les fondateurs du droit international», in Actualité de la pensée juridique de Francisco de Vitoria, Travaux de la Journée d'etudes organised a Louvain-la-Neuve par le Centre Charles De Visscher pour le droit international le 5 décembre 1986, pp. 27–80. Pour l'évolution subséquente des idées, voir Peter Haggenmacher, «Mutations du concept de guerre juste de Grotius à Kant», in La guerre, Actes du Colloque de mai 1986 (Coëtquidan-Saint-Cyr), Centre de Publications de l'Université de Caen, 1986, pp. 105–125 (Cahiers de Philosophie politique et juridique, No 10).