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Arguments en faveur de l'introduction de restrictions concernant les armes à sous-munitions: Protection humanitaire contre «nécessité militaire»

Published online by Cambridge University Press:  19 April 2010

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Devant les terribles ravages que les mines terrestres ne cessent de provoquer dans le monde entier, six organisations ont lancé un appel en octobre 1992, demandant que soient interdits par une réglementation internationale non seulement l'emploi, mais aussi la production, le stockage et le transfert des mines antipersonnel. D'autres organisations se sont associées à cette campagne dont l'impact est d'ores et déjà important. Les pressions exercées ont eu notamment pour résultat la convocation, à la demande de la France, d'une Conférence chargée d'examiner la Convention des Nations Unies de 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. Toutefois, le regain d'intérêt qui s'est ainsi manifesté récemment à l'égard du contrôle des armes frappant sans discrimination ou ayant des effets traumatiques excessifs ne devrait pas concerner exclusivement les mines, mais s'étendre également à d'autres catégories d'armes antipersonnel modernes.

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Review Article
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Copyright © International Committee of the Red Cross 1994

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References

2 Projet présenté par les organisations «Human Rights Watch» et «Physicians for Human Rights», Landmines: a Deadly Legacy, «Human Rights Watch», New York, 1993, Annexe 1, pp. 361–362.

3 Ibid.

4 Le Protocole III annexé à la Convention de 1980 impose des restrictions rigoureuses aux attaques contre des objectifs militaires situés à l'intérieur d'une concentration de civils. II interdit en particulier de faire d'un tel objectif militaire «l'objet d'une attaque au moyen d'armes incendiaires lancées par aéronef». Cette disposition a pour but d'éviter que de vastes concentrations de civils ne soient la proie des flammes — l'accent est done mis sur la prévention des effets indiscriminés. Pendant les travaux de la Conférence des Nations Unies qui a adopté la Convention de 1980, certains délégations avaient également souhaité que les combattants soient protégés contre les effets cruels des armes incendiaires — la proposition de la Suède visait à interdire entièrement l'emploi des armes incendiaires, à l'exception des munitions éclairantes et des projectiles incendiaires utilisés exclusivement contre les aéronefs et les véhicules blindés (voir Blix, F., «Current Efforts to Prohibit the Use of Certain Conventional Weapons», Instant Research on Peace and Violence, 1974, Volume 4, No1, p. 27Google Scholar). La Conférence a rédigé et transmis à l'Assemblée générale des Nations Unies un projet de résolution invitant tous les gouvernements «à poursuivre l'examen de la question de la protection des combattants contre les armes incendiaires», en vue de revenir sur le sujet lors d'une Conférence d'examen de la Convention. Sandoz, Y., «Interdiction ou restriction d'utiliser certaines armes classiques», Revue internationale de la Croix-Rouge, No 1, Janvier-Février 1981, pp. 34, 7.CrossRefGoogle Scholar

5 Doswald-Beck, L., éd., Les armes qui aveuglent: Rapports des réunions d'experts organisées par le Comité international de la Croix-Rouge sur les lasers de combat, 1989–1991, CICR, Genève, 1994.Google Scholar

6 Doswald-Beck, L. et Cauderay, G.C., «Le développement des nouvelles armes antipersonnel», Revue internationale de la Croix-Rouge, No 786, Novembre-Décembre 1980, pp. 620635.Google Scholar

8 Ibid. Lors de sa première session, en 1979, la Conférence des Nations Unies a adopté une résolution dans laquelle elle «fait appel à tous les gouvemements pour qu'ils fassent preuve de la plus grande prudence dans la mise au point de systèmes d'armes dans ce domaine, de façon à éviter une inutile intensification des effets traumatiques desdits systèmes», Sandoz, op.cit., p. 14.

9 Ces chiffres figurent dans le rapport du SIPRI intitulé Antipersonnel Weapons, Taylor & Francis, Londres, 1978, p. 161Google Scholar. Ces estimations se fondent sur l'hypothèse qu'une seule de ces sous-munitions a des effets vulnérants sur 5 à 10 m2. En cas d'usage antipersonnel, un engin couvrirait efficacement une centaine de m2.

10 Prokosch, E., «Antipersonnel Weapons», International Social Science Journal, 1976, Volume 28, No2, p. 341.Google Scholar

11 Document CDDH/IV/201, avec additifs et correctifs, figurant dans le Rapport de la Conférence d'experts gouvernementaux sur l'emploi de certaines armes conventionnelles (Seconde session — Lugano, 28.1–26.2.1976), CICR, Genève, 1976, Annexe A. 21, p. 208.

12 Le Protocole II, en son article 7, invite simplement les Parties à un conflit à «s'efforcer» de faire enregistrer l'emplacement des mines et champs de mines qui ne sont pas préplanifiés.

13 Jane's Weapons Systems, 1987–88, Jane's, Londres, pp. 822–823.

14 Ibid., pp. 128–129.

15 Parmi les facteurs à prendre en compte lors de l'évaluation des éventuels effets non discriminés d'une arme donnée, figurent notamment: (a) la superficie de la zone couverte et des zones où peuvent se trouver des cibles, ainsi que la proximité éventuelle de populations civiles; (b) les variations au niveau de la zone couverte et de la précision en fonction du mode d'attaque (lors d'un bombardement effectué à haute altitude par des avions volant à grande vitesse, la précision risque d'être moins bonne et la zone couverte plus importante que lors d'un bombardement effectué à basse altitude par un aéronef volant à vitesse réduite); (c) la zone couverte sera d'autant plus importante que de grandes quantités de munitions seront utilisées lors de l'attaque.

16 Comme on peut le lire dans le paragraphe 70 (page 130) du Rapport de la Conférence d'experts gouvernementaux sur l'emploi de certaines armes conventionnelles, deux considérations étaient à l'origine de la proposition suédoise visant à interdire l'emploi des armes à bombes miniatures multiples: d'une part, le fait que ces armes se prêtent à des emplois indiscriminés et, d'autre part, les blessures multiples qu'elles sont susceptibles d'infliger, causant des maux superflus. Ce second argument a été contesté par d'autres experts lors de la Conférence.

17 Arkin, W.M., Durrant, D. et Cherni, M., On Impact: Modern Warfare and the Environment: A Case Study of the Gulf War, Greenpeace, Washington, 1991, Annexe A, pp. 34.Google Scholar

18 Les bombettes «Rockeye» ont été les plus nombreuses de toutes les sous-munitions non éclatées trouvées au Koweït après la guerre du Golfe, selon une société officielle de déminage opérant dans ce pays (Landmines: A Deadly Legacy, op. cit., p. 53). Selon les informations présentées lors du symposium de Montreux sur les mines antipersonnel (Montreux, 21–23 avril 1993), les bombettes «Rockeye» employées au Koweït étaient munies de différents systèmes d'amorçage, impossibles à différencier de l'extérieur. La seule façon de se débarrasser de ces engins dans de bonnes conditions de sécurité a consisté à les détruire sur place.

19 Comme le CICR l'avait indiqué dans le rapport présenté à la XXIe Conférence internationale de la Croix-Rouge, en 1969, «les belligérants doivent s'abstenir d'employer des armes… dont les effets nocifs échappent, dans l'espace et dans le temps, au contrôle de ceux qui les emploient» (Sandoz, op. cit., p. 5). Aux termes de l'article 51, alinéa 4, du Protocole I additionnel aux Conventions de Genève de 1949, les attaques sans discrimination qui sont interdites sont notamment les attaques «dans lesquelles on utilise des méthodes ou moyens de combat dont les effets ne peuvent pas être limités comme le prescrit le présent Protocole». De son côté, le Protocole II annexé à la Convention de 1980 s'efforce d'assurer une protection contre les effets à long terme des mines terrestres en prévoyant l'obligation d'enregistrer et de publier les coordonnées de l'emplacement des mines et des champs de mines.

20 Par exemple, dans la province de Xieng Khouang (l'une des régions du nord du Laos les plus durement frappées par les bombardements), il a été signalé que les bombes miniatures antipersonnel constituaient le type le plus répandu de sous-munitions non éclatées subsistant après la fin de la guerre du Vietnam. En 1979, l'URSS a lancé un programme d'assistance destiné à enlever les munitions non éclatées subsistant dans les terres agricoles de la province de Xieng Khuang. En dix-huit mois, cinq millions d'hectares ont été «nettoyés». La plupart des 12 700 engins explosifs de tous types qui ont été détruits étaient des bombettes CBU-24. (Martin, E.S. et Hiebert, M., Explosive Remnants of War: Mitigating the Environmental Effects, SIPRI, Londres et Taylor & Francis, Philadelphie, 1985, pp. 4447).Google Scholar

William M. Arkin, directeur de la Recherche militaire de Greenpeace International, a estimé qu'au cours de la guerre du Golfe, ce sont au minimum 24 millions de bombes miniatures et de mines qui ont été projetées par des armes à sous-munitions explosives (artillerie, roquettes et bombes à grappe). Comme l'a souligné W. M. Arkin, les estimations concernant la proportion de munitions non éclatées varient, les fabricants avançant le chiffre de 2 à 3 %, tandis que d'après les observations faites sur le terrain, le taux serait de l'ordre de 10 à 20 %. Si le taux était de 5 % (ce qui est jugé plausible par la plupart des experts), il serait resté, après la guerre du Golfe, plus d'un million de munitions non explosées. (Ces chiffres figurent dans un document présenté par W. M. Arkin lors de la séance publique de la Conférence des ONG sur les mines antipersonnel qui a eu lieu à Londres le 24 mai 1993.)

Selon des informations recueillies lors du symposium sur les mines antipersonnel que le CICR a organisé en avril 1993, l'une des sociétés qui, depuis la fin de la guerre du Golfe, precèdent au Koweït à la destruction des pièces d'artillerie non éclatées annonce qu'elle a éliminé plus de 100.000 sous-munitions. Cette même société a également assuré la destruction de 130.000 mines antichars et de 230.000 mines antipersonnel qui constituaient les barrières de mines mises en place de manière conventionnelle par les Irakiens au Koweït.

21 Comme l'a relevé le CICR dans un document de travail destiné au groupe d'experts qui prépare la Conférence d'examen, «malheureusement, à bien des égards, la Convention de 1980 n'a pas atteint son but. D'une part, elle a été insuffisamment ratifiée et mise en oeuvre et, d'autre part, elle ne prévoit pas les moyens qui seraient nécessaires pour prévenir les dommages excessifs que provoquent les conflits armés actuels, dont la majorité sont de caractère non international. La Convention, en particulier, accorde une trop grande importance aux obligations de comportement quant à l'emploi de certaines armes, alors qu'il est souvent difficile de faire respecter de telles obligations, au lieu d'interdire purement et simplement l'emploi de certains types d'armes. En outre, aucune mesure parallèle n'a été prise dans le cadre du désarmement, alors qu'il y était fait référence dans le préambule de la Convention.» (Rapport du Comité international de la Croix-Rouge pour la Conférence d'examen de la Convention des Nations Unies de 1980, Genève, CICR, Février 1994, p. 1), voir infra, pp. 135–136.

L'une des mesures qui serait susceptible de renforcer le caractère universel de la Convention serait l'adoption par consensus d'une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies qui, d'une part, confirmerait que les dispositions de la Convention et de ses Protocoles sont l'expression du droit international coutumier et, d'autre part, exhorterait les combattants à les observer, dans les conflits internationaux comme dans les conflits non internationaux.

22 Landmines: A Deadly Legacy, op. cit., pp. 145, 298–299.

23 Pendant la guerre du Golfe, en 1991, évoquant l'emploi des MLRS contre l'artillerie irakienne, un porte-parole de l'armée britannique a déclaré que, les forces de l'Alliance attaquaient autant la «volonté de résistance» des Irakiens que leurs moyens de combat. (Branigin, William, «Iraqi Losses ‘Horrendous’ Official Says», Washington Post, 20 février 1991Google Scholar). Après la guerre, on a pu lire dans une publication du Secrétariat américain à la Défense que, selon des soldats irakiens capturés, un seul tir de roquettes MLRS remplies de bombes miniatures dirigé contre l'artillerie irakienne avait «mis fin aux opérations» de l'artillerie «en raison, d'une part, des destructions qu'il avait provoquées et, d'autre part, de ses effets dévastateurs sur le plan psychologique». («‘Steel Rain’ Shut Down Iraqi Artillery», Armed Forces Journal International, Mai 1991, p. 37.) D'un point de vue humanitaire, il est peu probable que l'argument selon lequel le but est d'effrayer l'ennemi puisse justifier les dommages dont sont nécessairement victimes les populations civiles lorsqu'une charge de 7700 bombettes s'abat sur elles.