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Sous convert des maîtres Aperçu sur la pensée politique d'une ethnie indochinoise

Published online by Cambridge University Press:  28 July 2009

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Sans prétendre décrire les structures politiques de l'ethnie jörai — matière d'un gros ouvrage (I) — cette étude envisage un aspect de leur fonctionnement, pensé par le peuple en terme de »couverture« (l'image est jörai, comme nous lever rons). Cette »couverture« favorise une certaine anarchie pratique tout en maintenant l'unité du groupe, qui a horreur de tout despotisme et se delecte à 1'audition de récits où les tyrans sont renversés. S'il éprouve vivement le tragique de la situation actuelle, le peuple jorai la place dans une séquence historicomythique, oú elle n'est pas insolite et nouvelle, dont la loi pourrait se formuler dans les termes memes de la sentence que Brecht a reprise des Chinois.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Archives Européenes de Sociology 1973

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References

(1) Dournes, J., Pötao, les maîtres des états, fig., cartes, glos., bibl., index [à paraître]. — Voir aussi du même auteur: La culture jörai (Catalogue des collections jorai du Musee de l'Homme, [Paris] 1972), 104 pGoogle Scholar., fig., bibl., glos.; et Coordonnées, structures jörai familiales et sociales (Paris, Institut d'ethnologie, 1972), 323p.Google Scholar, fig., cart., bibl., glos., index.

(2) Maspero, G., Le Royaume de Champa (Paris, Van Oest, 1928)Google Scholar.

(3) En particulier: Khôi, Lê Γhanh, Le Viet Nam, histoire et civilisation (Paris, Éd. de Minuit, 1955)Google Scholar; Chesneaux, J., L Asie orientals aux XIXe et XXe slides (Paris, P. U. F., 1966)Google Scholar; Ph. Devillers, , in L'Asie du Sud-est (Paris, Sirey, 1971)Google Scholar.

(4) Cf. Dournes, Recherches sur le haut Champa, France-Asie [à paraitre].

(5) Dunézil, G., Mythe et épopée (Paris, Gallimard), 3 tomes: I (1968)Google Scholar: L'idéologie des trois fonctions dans les épopées des peuples indo-europiens; II (1971)Google Scholar: Types epiques indo-européens: un héros, un sorcier, un roi; III (1973)Google Scholar: Histoires romaines.

(6) Yang, terme commun à la majorité des ethnies sud-indochinoises (bien qu'elles soient de dialectes différents) et qu'on retrouve en malais-indonésien (dans sembah-yang notamment, peut-etre dans wayang), est capable de plusieurs acceptions, jusqu'à désigner des »esprits«, des divinités; mais son sens le plus général correspond assez bien à ce que nous appelons »sacre«, concu comme une relation, d'ou khoa-yang, chef sacré, nga'yang, faire sacé, sacrifier.

(7) Ce village Bah-Rong, replié entre l'Ayun et la grand-route en raison de la guerre, porte le mêime nom que l'ancien, traditionnelle résidence du Pötao Apui, un peu à L'est de la ligne de crête.

(8) L'emploi de la majuscule pour le Maître jörai et non pour l'occidental est une représentation graphique de la pensée jörai, qui fait du premier seulement un maitre sacré et authentique (les deux sont lie's); la majuscule est une traduction de yang.

(9) Diung, nom d'un héros populaire d'un cycle de mythes, est proche de Rit (= orphelin), son homologue dans un autre cycle, au point que le conteur, de qui je tiens ce récit, fit un lapsus et dit une fois Rit pour Diung. On trouvera une analyse de ce mythe, faite sous un autre angle, dans Dournes, J., L'homme et son mythe (Paris, Aubier, 1968), pp. 1330Google Scholar. Voiraussi Id., Orphelin transformé, Archipel, I (1971), 168–196.

(10) En un autre mythe, Rit, équivalent de Diung, s'attache à un cerf-volant, image de son rêve — qu'on serait tenteé de dire »en ballon captif«.

(11) Un point encore peut retenir l'attention: Diung, une fois marié, se voit orienté par sa propre épouse vers d'autres femmes; Rit, ayant épousé Höbia, cherche à s'établir avec Radieuse. Le mythe fait ainsi état d'une polygynie qui ne peut être comprise que par rapport à la polygamie dans les institutions vénues. La polygamie est théoriquement normale, c'est-á-dire qu'un homme peut épouser successivement plusieurs femmes (épouses secondes après une principale) et devenir ainsi mari »légal« de plusieurs femmes à la fois — ce qui ne peut se produire qu'avec le consentement de l'epouse principale, sur son conseil même, et notamment avec une de ses jeunes sœurs (fait lié a l'uxorilocation; selon une variante de l'histoire de Diung, les femmes de Noir sont des sœurs cadettea de Höbia); mais pratiquement la polygamie est très rare, ne dépassant presque jamais deux Spouses, et mal vue car elle connote culturellement richesse et puissance. Le mythe transforme en Iibre polygynie la polygamie institute, Notons encore que le veuf (à la différence de la veuve) se remarie volontiers — pis–aller en diachronie pour qui vise l'amour simultané en synchronie.

(12) C'est particulièrement évident dans la fonction du khoa-yang, le vrai, celui qu'on appelle pô, maître, qui préside les cérémonies rituelles communes au village et, en même temps et par le fait même, représente la seule autorité locale pour tout problème d'intérêt commun (non en chef, mais en porte-parole des femmes-maîtresses) — alors que le chef de paille n'exerce cette autorité qu'en façade pour le compte du gouvernement étranger. Le simple particulier peut discuter publiquement une decision exprimée par le khoa-yang, il convient qu'il s'y rallie (au moins pour la forme) et il le fait habituellement pour éviter des tensions (en fin de compte peu frequentes).

(13) C'est littéralement ce qu'on dit: Pötao jja' ddau ou Pötao jja' ddau apui, »le Maitre tient le sabre (-feu)«.